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La Rubrique juridique : Le licenciement pour insuffisance professionnelle 

J'ai récemment été interrogé sur la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle des professeurs fonctionnaires et les conséquences d'un tel licenciement.


En effet, au contraire d'une idée fort répandue, un fonctionnaire peut être radié des cadres pour deux motifs : la faute (révocation) ou l'insuffisance professionnelle (licenciement).


Cette rubrique juridique ayant déjà eu l'occasion d'étudier la procédure disciplinaire conduisant à la révocation pour faute d'un fonctionnaire, nous allons nous concentrer sur le licenciement pour insuffisance professionnelle.


Au contraire de la faute, qui constitue en un manquement délibéré à des obligations professionnelles ou un refus de modifier un comportement, l'insuffisance professionnelle est la conséquence d'une inaptitude ou d'une incapacité de l'agent.


Dans la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, c'est donc la compétence du professeur, son manque d'efficacité, son inaptitude à exécuter de façon satisfaisante les taches correspondant à ses qualifications supposées et à son emploi qui est mise en cause.


Afin de vous permettre de bien saisir le fondement du licenciement pour insuffisance professionnelle et la différence avec la faute professionnelle, je vous propose de parcourir quelques extraits d'arrêts de Cours administratives d'appel récents :


« Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte des termes de l'arrêté contesté que M. A... a été licencié en raison "des lacunes didactiques et pédagogiques fondamentales dans l'enseignement dispensé par l'intéressé" et "de graves carences dans la gestion des classes" ; qu'à cet égard, cet arrêté fait en particulier état de ses difficultés à se faire comprendre des élèves, du fait de son accent et du caractère trop abstrait de son enseignement, ainsi que de son incapacité à imposer son autorité et à instaurer un dialogue constructif avec les élèves, susceptible notamment d'engendrer des problèmes de sécurité pour ces derniers ; que ces différents éléments ressortent, pour la période de 2007 à 2011 durant laquelle M. A... a enseigné dans différents établissements scolaires, de trois rapports d'inspection, datés des 15 novembre 2007, 1er octobre 2010, 13 octobre 2011, ainsi que de différents courriers émanant en particulier des proviseurs des lycées Louis Armand et Chaptal, et ce sans qu'aucune amélioration notable n'ait été relevée sur aucun de ces points ; qu'en outre, et alors que M. A... était affecté depuis l'automne 2011 au Centre national d'enseignement à distance (CNED), il ressort d'un rapport daté du 21 mars 2012 du directeur des unités d'affaires "supérieur" et "langues et cultures" de cet établissement que, malgré son implication et la qualité scientifique de son travail, M. A...n'a pas su délivrer, dans ce nouvel environnement, le travail attendu de lui, en particulier au vu des enjeux pédagogiques et relationnels de ses nouvelles fonctions ; qu'ainsi, malgré la rigueur et les compétences scientifiques de M. A..., relatées notamment dans les attestations de collègues qu'il verse au dossier, et sans qu'il soit besoin de procéder à une enquête plus approfondie au sein du CNED comme le suggère l'intéressé, c'est sans commettre d'erreur de fait, ni entacher sa décision d'erreur d'appréciation, que le ministre a décidé de licencier le requérant pour insuffisance professionnelle ; »

(Cour administrative d'appel de Paris, 23 mars 2015, n° 14PA03999, inédit au recueil Lebon)



« Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des inspections des 14 juin 1996, 6 mai 1997, 7 février 2002, 24 octobre 2003, 13 novembre 2003, 12 janvier 2006, 9 janvier 2007, 29 mars 2007 et 30 mai 2008, des lettres des 23 novembre 2005, 11 janvier 2006 et 2 février 2009 de la directrice de l'école George Sand, de la lettre du 21 décembre 2006 de la directrice de l'école maternelle Tuck Stell et du compte-rendu de visite, le 18 mars 2008, d'une conseillère pédagogique, que M.C..., outre des retards réitérés, a fait preuve d'un manque d'investissement dans sa classe et dans la structure scolaire, a été parfois laxiste en matière de sécurité des enfants et n'a pas fait preuve d'une maîtrise des compétences professionnelles nécessaires qui lui auraient permis d'exercer de façon satisfaisante le métier de professeur des écoles ; que, par suite, la décision attaquée de licenciement en date du 1er juillet 2009 n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; »

(CAA Versailles, 30 décembre 2013, n° 12VE04126, inédit au recueil Lebon)



« Considérant, en deuxième lieu, que sous réserve d'un licenciement intervenant en cours de stage et motivé par ses insuffisances ou manquements professionnels, tout fonctionnaire stagiaire a le droit d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné ;

Considérant que Mme A...fait valoir que son stage s'est déroulé dans des conditions irrégulières ; que s'il est constant qu'elle n'a pas bénéficié du diagnostic prévu en début d'année par le plan de formation de l'Institut universitaire de formation des maîtres de Créteil pour l'élaboration d'un parcours individualisé et que, pendant plusieurs semaines, elle a été privée de tuteur, il ressort toutefois des pièces du dossier que, durant son stage en responsabilité, elle s'est vue confier la responsabilité d'une classe de 5ème et d'une classe de 4ème en histoire géographie avec un emploi du temps hebdomadaire comprenant six heures de cours réparties sur trois jours et comportant pour chacune de ces journées deux heures de cours successivement dispensées aux deux classes ; qu'elle s'est vue assigner comme tutrice Mme H..., qui, jusqu'à sa démission, lui a prodigué des conseils ainsi qu'en atteste la correspondance électronique entre celle-ci et Mme A... ; que, lors de son changement de tuteur, elle a été convoquée le 24 janvier 2007 par la directrice adjointe de l'IUFM de Créteil afin de faire le point sur sa formation ; que, par ailleurs, elle a bénéficié, en dehors même des visites de sa nouvelle tutrice, de visites conseil à trois reprises par trois personnes différentes qui, à chaque fois, lui ont indiqué les points qu'elle devait surveiller pour corriger sa pratique professionnelle ; que de même, elle a pu profiter des conseils d'une de ses collègues lors du stage en pratique accompagnée effectué au lycée de Nogent-sur-Marne ; que si Mme A...fait valoir qu'elle aurait eu connaissance avec retard des différents comptes rendus de visite et qu'elle a été informée tardivement de la nécessité de rendre un mémoire professionnel, elle ne l'établit pas ; que, dans ces circonstances, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que son stage se serait déroulé dans des conditions ne permettant pas d'apprécier ses aptitudes professionnelles et qu'ainsi le ministre aurait entaché sa décision d'une erreur de droit ;
Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des différentes évaluations réalisées, que, si Mme A...a bénéficié d'appréciations favorables sur l'étendue de ses connaissances scientifiques en histoire, attestées notamment par ses études universitaires, ces appréciations sont cependant accompagnées de remarques négatives sur ses compétences pédagogiques ; qu'en particulier, Mme E...a relevé dans son compte rendu de visite du 21 mars 2007 que le " cours est globalement magistral et qu'il faut veiller à impliquer les élèves dans le discours " ; que Mme C..., lors de la deuxième visite, a noté que Mme A... " peut compter sur un savoir solide et pertinent " tout en relevant que " c'est la transposition didactique qui fait actuellement problème " ; que Mme B..., la seconde tutrice de la requérante, a indiqué dans son rapport du 19 mars 2007 que " les activités proposées aux élèves doivent davantage être mises en relation avec la problématisation des séances ce qui permettrait de mieux faire saisir aux élèves le sens des apprentissages surtout en éducation civique " et que " le travail des élèves sur documents se limite trop souvent à un prélèvement d'informations (...) de ce fait les situations d'apprentissage ne sont pas assez variées " ; que Mme G..., dans son rapport établi à la suite du stage en pratique accompagnée, reconnaît que la requérante " est une stagiaire de grande culture et témoigne d'une aisance certaine en classe " mais ajoute qu' " elle éprouve des difficultés à inscrire ces qualités dans une démarche rigoureuse " et, de son côté, le chef d'établissement du collège où elle était affectée a estimé dans son rapport sur le stage en responsabilité que Mme A..." doit être plus rigoureuse sur le plan administratif et davantage asseoir son autorité auprès de ses élèves " ; que, les attestations de soutien de ses élèves ainsi que la circonstance qu'elle ait recueilli des appréciations favorables lors de son stage en Irlande, au demeurant d'une durée très brève, ne sont pas à elles seules de nature à permettre de remettre en cause les appréciations concordantes ainsi portées par plusieurs professionnels de l'enseignement ; que l'inspection pédagogique du 1er juin 2007 décidée par le jury académique lors de sa première réunion ne fait que confirmer les difficultés relevées quant aux compétences didactiques et pédagogiques de Mme A..., lesquelles ont persisté à l'issue de la seconde année de stage ; qu'il s'ensuit que l'appréciation de la manière de servir de l'intéressée à laquelle s'est livré le jury académique ne peut être regardée, en dépit de la circonstance que les rapports de M.D..., indiquant une erreur commise sur la date du voyage de Christophe Colomb en Amérique, et de Mme H..., soulignant les difficultés de Mme A... à manier la langue française, sont sur ces points entachés d'inexactitude matérielle, comme procédant d'une erreur manifeste ; »

(CAA Paris, 10 décembre 2013, n° 11PA04819, inédit au recueil Lebon)



« Considérant, en premier lieu, que la requérante soutient que la mesure de licenciement prise à son encontre repose sur des faits matériellement inexacts ; qu'il ressort des pièces du dossier que, durant sa formation, Mme A...a accompli un " stage en responsabilité " dans au moins deux établissements scolaires et a fait l'objet de plusieurs évaluations sur son aptitude à enseigner entre janvier et mai 2009 ; que les visites de suivi effectuées par ses formateurs les 28 janvier, 25 mars et 27 mai 2009 ont donné lieu à des rapports de stage négatifs sur les prestations de Mme A..., à laquelle il était notamment reproché des lacunes pédagogiques certaines, des contenus didactiques non maîtrisés et de ne pas assurer la sécurité des jeunes élèves dont elle avait la charge ; que si l'une de ces formatrices avait relevé, dans le rapport du 28 janvier 2009, que Mme A...faisait preuve de " bonnes intentions ", l'évaluation du 14 mai suivant, destinée à éclairer l'avis du jury sur l'intérêt d'un éventuel redoublement de la requérante et réalisée par une inspectrice de l'éducation nationale, s'est avérée négative pour Mme A..., à laquelle ont été notamment reproché son absence de positionnement par rapport aux exigences du métier, la superficialité de ses préparations de classe, leur inadaptation à l'âge des élèves et son manque global de travail, d'anticipation, de rigueur et de sérieux ; que Mme A...ne produit, à l'appui de ses allégations, aucun élément de nature à contredire le contenu des rapports d'évaluation et d'inspection précités ; que les faits sus-rappelés, qui sont matériellement établis par les pièces du dossier, révèlent que Mme A...ne possédait pas les compétences attendues d'un professeur des écoles, ainsi que l'indique l'inspectrice de l'éducation nationale dans son avis du 27 mai 2009, avis confirmé par celui de l'autorité responsable de la formation, en date du 12 juin 2009 ; que, par suite et contrairement à ce que soutient Mme A..., les premiers juges n'ont pas commis d'erreur de fait dans l'appréciation des pièces du dossier ; »

(CAA Versailles, 21 mars 2013, n° 11VE04053, inédit au recueil Lebon)



« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la commission administrative paritaire dans sa séance du 17 novembre 2008, des trois rapports d'inspection pédagogique datés des 23 février 2006, 4 décembre 2007 et 26 juin 2008, ainsi que du rapport d'inspection en date du 9 octobre 2002, établi alors que le requérant était professeur certifié stagiaire, que M. C...a, dès avant sa titularisation, fait preuve d'un manque d'autorité conduisant à d'importantes perturbations dans les classes qui lui étaient confiées, que ses méthodes d'enseignement étaient inadaptées à des élèves de l'enseignement secondaire et que, malgré les remarques, les formations et le suivi personnalisé dont il a bénéficié à compter du mois de juin 2006 pour remédier à ces difficultés, il n'a pas été en mesure de modifier ses pratiques, ainsi que l'ont démontré les inspections suivantes, effectuées en 2007 et 2008, et ne semble même pas en avoir eu la volonté ; que les témoignages de collègues en sa faveur, ainsi que la recommandation émise le 3 juin 2010 par la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, mentionnant "un doute sur l'impartialité du principal à l'égard de M. C...(...)", ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations précises, étayées et réitérées contenues dans les rapports d'inspection précités, rédigés par trois inspecteurs différents en 2006, 2007 et 2008 ;

Considérant que les faits sus-rappelés révèlent une insuffisance professionnelle caractérisée de la part de M.C..., alors même que la " qualité de [s]a culture littéraire " a été reconnue dans le rapport d'inspection du 23 février 2006 ; que le requérant, qui, ainsi qu'il a été dit, a été formé et accompagné en vue de surmonter les difficultés rencontrées dans son enseignement, ne saurait se plaindre de ce que l'administration ne lui aurait pas proposé un changement de fonction ou d'affectation avant de procéder à son licenciement pour insuffisance professionnelle ; que la carence pédagogique constatée dans la manière d'enseigner de M. C...était de nature à nuire à l'intérêt du service, ainsi que le relève le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche dans l'arrêté attaqué, et était donc de nature à justifier le prononcé d'un licenciement pour insuffisance professionnelle à son encontre ; qu'il suit de là que les moyens tirés de ce que le licenciement aurait été fondé sur des faits matériellement inexacts et que les premiers juges se seraient livrés à une inexacte appréciation des faits de l'espèce doivent être écartés ; »

(CAA Versailles, 21 février 2013, n° 12VE01216, inédit au recueil Lebon)



« Considérant, en deuxième lieu, que l'appelant soutient que les faits ainsi reprochés ne seraient pas qualifiables de faute disciplinaire, mais caractériseraient en réalité une insuffisance professionnelle ; que sont toutefois qualifiables de faute disciplinaire le fait pour un instituteur d'insulter sa directrice d'école devant des élèves, ou le fait d'utiliser le matériel informatique de l'école à des fins étrangères au service, ou le fait plus généralement de vaquer à des occupations personnelles pendant les heures de service au lieu de s'occuper des élèves laissés parfois sans surveillance, ou le fait de prendre à plusieurs reprises le service avec retard, ou le fait pour un instituteur d'adopter une attitude impolie face aux parents d'élèves ; qu'en outre, si certains faits reprochés font état de graves manquements pédagogiques par l'absence d'application des instructions pédagogiques et même de préparation des cours, il ressort des pièces du dossier que ce qui est reproché à l'intéressé n'est pas l'insuffisance professionnelle que peuvent révéler ces manquements, c'est à dire l'incapacité de ce dernier, malgré ses efforts, à exercer le métier d'instituteur, mais son refus désinvolte d'effectuer consciencieusement son travail alors que ses manquements lui ont été à plusieurs reprises signalés par sa hiérarchie ; que cette attitude est également qualifiable de faute disciplinaire de nature à justifier une sanction ; que l'appelant n'est dans ces conditions pas fondé à soutenir que l'administration aurait commis une erreur de droit en qualifiant de fautes disciplinaires des faits relevant selon lui de l'insuffisance professionnelle »

(CAA Marseille, 17 juillet 2012, n° 10MA02135, inédit au recueil Lebon)



« Considérant qu'aux termes de l'article 10 du décret susvisé du 3 avril 1962 : "En raison de la nature de leurs fonctions, les maîtres auxiliaires peuvent, à toute époque de l'année scolaire, faire l'objet d'une mesure de licenciement sans préavis, par arrêté rectoral." ;

Considérant qu'il n'est pas contesté par M. A que c'est en raison de difficultés dans l'enseignement de sa discipline, l'histoire-géographie, qu'il s'est vu confier à compter du 1er septembre 1999 des fonctions d'agent de bureau à l'institut universitaire de formation des maîtres ; qu'il a exercé ensuite, à compter de septembre 2000, des fonctions de documentation, auxquelles a mis fin un rapport d'inspection datant de février 2006 concluant qu'il n'était "pas en capacité d'assurer pleinement les fonctions d'un professeur documentaliste" ; qu'après sa réaffectation dans des fonctions d'enseignement et dès novembre 2006, une inspection pédagogique a conclu qu'il n'était pas "en mesure d'assumer un enseignement en classe" ; que le recteur a été conduit à mettre fin, le 1er février 2008, au congé de formation professionnelle qu'il lui avait accordé pour la période du 1er septembre 2007 au 30 juin 2008, dès lors que M. A ne suivait pas les formations devant lui permettre, dans le cadre du congé précité, de se préparer au CAPES de documentation ; que si le ministre reconnaît dans ses écritures la bonne volonté de M. A, qui ressort également, comme sa disponibilité et son dévouement, d'autres pièces du dossier, il ressort de ce même dossier, non seulement des rapports d'inspection précités mais aussi des appréciations générales figurant dans les fiches de notation invoquées par l'intéressé, l'existence de défaillances certaines dans l'exercice des tâches confiées, établissant l'insuffisance professionnelle de l'intéressé pour exercer les responsabilités attachées à ses fonctions ; que dans ces conditions, le recteur n'a pas fait une inexacte application des dispositions réglementaires précitées en prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle ; »

(CAA Marseille, 22 mai 2012, n° 10MA01444, inédit au recueil Lebon)



Même si des  faits susceptibles de constituer des fautes de nature à justifier l'application de sanctions disciplinaires  peuvent fonder un licenciement pour insuffisance professionnelle dès lors qu'ils attestent également de l'incapacité du requérant à assurer ses fonctions, les juridictions administratives imposent, avec rigueur, à l'administration de faire le bon choix entre la faute disciplinaire et l'insuffisance professionnelle pour fonder sa décision.


Dans le cas contraire, la méprise de l'administration est sévèrement sanctionnée par les juridictions administratives qui n'hésitent pas à annuler le licenciement prononcé :



« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en date du 7 octobre 2005 par lequel le recteur de l'Académie de Créteil a prononcé à l'encontre de M. A une mesure de suspension de ses fonctions avec maintien du traitement, a été pris sur le fondement d'un rapport en date du 27 septembre 2005 de M. B, inspecteur d'académie, inspecteur pédagogique régional qui concluait que les difficultés rencontrées par l'intéressé, constatées à de nombreuses reprises, perduraient, que les stages de formation qui lui avaient été conseillés par les inspecteurs n'avaient pas été suivis, que l'absence d'évolution de la pratique de l'intéressé donnait de grandes inquiétudes quant à sa capacité à la modifier et à en construire une nouvelle et que ses élèves allaient souffrir d'un déficit important dans leur progression en mathématiques ; qu'en outre, ce rapport mettait en évidence le comportement de M. A, consistant à rejeter systématiquement la faute sur les autres et à ne pas reconnaître ses difficultés, et le qualifiait d'insusceptible de s'améliorer ; que les griefs ainsi avancés à l'encontre de M. A relèvent de l'insuffisance professionnelle, au demeurant ancienne puisque constatée dès 1995, et ne sont dès lors pas au nombre des motifs de nature à justifier légalement une mesure de suspension, laquelle doit être motivée par des manquements aux obligations professionnelles revêtant le caractère d'une faute disciplinaire qui par sa nature, sa gravité et son incidence sur le fonctionnement du service impose que l'agent concerné en soit d'urgence écarté ; que, par suite, en prononçant, à l'égard de M. A, une mesure de suspension fondée sur des motifs révélant uniquement une insuffisance professionnelle, le recteur de l'Académie de Créteil a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision susmentionnée du 7 octobre 2005 ; »

(CAA Paris, 9 mai 2012, n° 10PA01430, inédit au recueil Lebon)



« Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que par un premier courrier en date du 12 septembre 2006, le recteur de l'académie de Lyon a demandé à M. C...de régulariser sa situation administrative en se présentant au lycée professionnel Alfred de Musset de Villeurbanne où il avait été affecté à compter du 4 septembre de la même année, à l'issue de son congé de grave maladie ; que, par un courrier en date du 27 septembre 2006, le recteur de l'académie de Lyon a expressément mis en demeure M. C...de se présenter à son lycée d'affectation, à défaut de quoi, il engagerait à son encontre une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ; qu'enfin, par un courrier en date du 19 octobre 2006, le recteur de l'académie de Lyon, constatant que M. C...ne s'était toujours pas présenté à son établissement, l'a informé de ce qu'il engageait à son encontre une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ; que si M. C...fait valoir qu'il aurait dû être chargé de fonctions d'enseignement et que les fonctions d'aide au chef d'atelier qui lui étaient proposées étaient incompatibles avec son état de santé, il ne soutient pas que son affectation sur un tel poste présentait le caractère d'une décision manifestement illégale, de nature à compromettre gravement un intérêt public ; que dès lors, M. C...était légalement tenu de rejoindre le poste sur lequel il avait été affecté à compter du 4 septembre 2006 ; que le comportement dont M. C... a fait preuve en refusant de rejoindre son poste revêt un caractère fautif ; que si cette faute n'était pas susceptible de justifier qu'il fût mis fin aux fonctions de M. C...pour des motifs tirés de son insuffisance professionnelle, elle a rendu néanmoins possible l'intervention de la décision illégale de cessation de fonctions et est donc de nature à atténuer de moitié la responsabilité de l'Etat ; »

(CAA Lyon, n° 13LY02563, 9 décembre 2014, inédit au recueil Lebon)



La motivation retenue par l'administration, qui doit être mentionnée dans la décision, est donc essentielle puisqu'elle doit démontrer si l'agent fait preuve de mauvaise volonté, ce qui caractérise une faute, ou s'il est incompétent, ce qui qualifie l'insuffisance professionnelle.


Cela dit, vous noterez que la définition de l'insuffisance professionnelle est très large puisque, même lorsque les qualités pédagogiques ne sont pas en cause, des difficultés relationnelles avec les collègues, les supérieurs hiérarchiques, les inspecteurs ou les parents d'élèves peuvent justifier un licenciement pour ce motif.



Je terminerai en vous rappelant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de dispenser des formations complémentaires ou un tutorat à un professeur qui fait preuve d'insuffisance professionnelle.


« Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne subordonne la régularité d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle d'un professeur à des mesures de tutorat préalables particulières ; »

(CAA Douai, 20 juin 2006, n° 05DA00369, inédit au recueil Lebon)



De même, il n'existe aucune obligation législative ou réglementaire de reclasser un fonctionnaire dont l'administration envisage le licenciement :


« Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de reclasser un agent dont elle a constaté l'inaptitude à l'enseignement et qui, pour ce motif, peut légalement faire l'objet d'une mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle ; qu'à cet égard, M. A... ne saurait utilement invoquer ni les dispositions de l'article 44 bis de la loi n° 84-16 du
11 janvier 1984, qui sont relatives à la réorientation professionnelle en cas de restructuration d'une administration, ni celles de la lettre-circulaire FP/3 n° 01089 du 7 février 1985 relative aux conditions d'engagement de la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, qui sont dépourvues, sur ce point, de caractère impératif ; que le moyen tiré de l'irrégularité de son licenciement doit donc être écarté ; »

(CAA Paris, 23 mars 2015, n° 14PA03999, inédit au recueil Lebon)



Laurent Piau


Laurent Piau, juriste, est l'auteur de l'ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF

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Par fjarraud , le vendredi 22 mai 2015.

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