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La Rubrique juridique : Les élections professionnelles dans la fonction publique d’Etat 

Vous faites certainement l’objet, depuis quelques jours, de sollicitations récurrentes de la part des organisations syndicales de tous bords.


Certaines vous rappellent combien elles se sont battues pour vous dans les dernières années, d’autres combien elles ont remporté de victoires (???) pour votre compte, et d’autres… font des tests, in vivo, in vitro, on ne sait pas vraiment.


Bon, Bruno, je n’ai pas répondu mais j’ai bien reçu… tout comme mes 950.000 collègues.


Cette période va également être moment, pour certaines organisations syndicales, de faire preuve d’une grande amnésie sur les réformes qu’elles ont portées, voir sollicitées, réformes qui, si l’on s’en tient aux résultats sur le terrain, ont été, pour certaines, catastrophiques en termes de réussite des élèves, de détérioration des conditions de travail des enseignants et de suppressions de postes.


Mais bon, l’important c’est que vous, électeurs, vous ayez de la mémoire.


Alors pourquoi tant de sollicitations subites, de rappels historiques, de papouilles syndicales ?


Et bien parce que les élections professionnelles dans l’Education nationale approchent et qu’elles vont décider des rapports de force de chaque organisation syndicale avec le ministère mais également des rapports de force entre les organisations syndicales elles-mêmes.


Sans compter, l’octroi du Saint Graal que sont les décharges de service pour activité syndicale.


En ce mois de septembre, nous allons commencer par faire un rappel sur le cadre juridique dans lequel évoluent les organisations syndicales avant, dans les prochaines rubriques juridiques du Café de vous éclairer sur le cadre de ces élections et ses enjeux.


Au préalable, rappelons que :


- un syndicat est une association professionnelle, donc une personne morale, qui regroupe des adhérents exerçant la même profession, des métiers similaires ou connexes et qui a pour objet exclusif l’étude et la défense des droits, ainsi que des intérêts matériels et moraux, collectifs et individuels de ses membres.

- une fédération est un groupement de syndicats.

- une Confédération est un groupement de fédérations syndicales.

Vous noterez, à ce propos, qu’il n’est pas possible, au contraire de ce qui est parfois soutenu (…), à une personne physique d’adhérer à une fédération ou une confédération puisque ces dernières ne comptent que des personnes morales comme membres.


Mais, si certains y croient…


La liberté syndicale a été reconnue en France par la loi dite Waldeck-Rousseau de 1884 et, à ma connaissance, le syndicat le plus ancien, encore en activité, issue de cette loi est le Syndicat des employés du commerce et de l'industrie (SECI) récemment affilié à l’UNSA après son départ de la Confédération française des travailleurs chrétiens.


Le droit d’adhérer à un syndicat et de défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale a, ensuite, été réaffirmé dans le préambule de la Constitution de 1946 auquel se réfère le préambule de la Constitution de 1958.


Après un statu quo de quelques dizaines d’années, la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a profondément modifiée les règles du jeu en matière de représentativité syndicale.


Mais, il faut croire que cette loi, votée sous la Présidence de Nicolas Sarkozy, par une assemblée majoritairement à droite, et fortement contestée par quelques organisations syndicales de poids, doit être parfaite puisque l’actuel pouvoir politique n’a pas jugé utile de la modifier depuis son adoption.


Cette loi dispose : « 


Article 1 : L'article L. 2121-1 du code du travail est ainsi rédigé :


« Art.L. 2121-1.-La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants :

1° Le respect des valeurs républicaines ;

2° L'indépendance ;

3° La transparence financière ;

4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ;

5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ;

6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ;

7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations. »


Article 2 : I. ? Le chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code du travail est ainsi rédigé :

« 

(…)


Section 4

Représentativité syndicale au niveau national et interprofessionnel


Art.L. 2122-9.-Sont représentatives au niveau national et interprofessionnel les organisations syndicales qui :

1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ;

2° Sont représentatives à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services ;

3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, additionnés au niveau de la branche. Sont également pris en compte les résultats de la mesure de l'audience prévue à l'article L. 2122-6, s'ils sont disponibles. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans.


Art.L. 2122-10.-Une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale est représentative à l'égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels ses règles statutaires lui donnent vocation à présenter des candidats à condition :

1° De satisfaire aux critères de l'article L. 2121-1 et du 2° de l'article L. 2122-9 ;

2° D'avoir recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au sein de ces collèges, à l'issue de l'addition des résultats mentionnés au 3° de l'article L. 2122-9.


Section 5

Dispositions d'application


Art.L. 2122-11.-Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-10.

Le Haut Conseil du dialogue social comprend des représentants d'organisations représentatives d'employeurs au niveau national et d'organisations syndicales de salariés nationales et interprofessionnelles, des représentants du ministre chargé du travail et des personnalités qualifiées.

Un décret en Conseil d'Etat détermine ses modalités d'organisation et de fonctionnement.


(…) »


En application des dispositions de cette loi, cinq confédérations syndicales de « salariés » sont considérées aujourd’hui comme représentatives au niveau national, ce qui leur donne le droit de négocier et de conclure des accords dans tous les secteurs :


- la Confédération générale du travail (CGT),
- la Confédération française démocratique du travail (CFDT),
- Force ouvrière (FO),
- la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)
- la Confédération générale des cadres (CGC).

Il convient néanmoins de souligner que deux de ces Confédérations syndicales luttent pour préserver cette représentativité : la Confédération générale des cadres et la Confédération française des travailleurs chrétiens pour laquelle cela ne va pas sans heurts à l’interne.


Les dispositions de la loi du 20 août 2008 ont été traduites dans la fonction publiques par la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.


Cette loi du 5 juillet 2010 a modifié certaines dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dont les articles 8, 8 bis et 9 qui posent les principes de base du droit syndical dans la fonction publique d’Etat :


« Article 8 : Le droit syndical est garanti aux fonctionnaires. Les intéressés peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats. Ces organisations peuvent ester en justice.


Elles peuvent se pourvoir devant les juridictions compétentes contre les actes réglementaires concernant le statut du personnel et contre les décisions individuelles portant atteinte aux intérêts collectifs des fonctionnaires.


Un décret en Conseil d'Etat prévoit les adaptations aux obligations définies par les articles L. 2135-1 à L. 2135-6 du code du travail que justifient les conditions particulières d'exercice du droit syndical dans la fonction publique.


Article 8 bis : I. - Les organisations syndicales de fonctionnaires ont qualité pour participer au niveau national à des négociations relatives à l'évolution des rémunérations et du pouvoir d'achat des agents publics avec les représentants du Gouvernement, les représentants des employeurs publics territoriaux et les représentants des employeurs publics hospitaliers.


II. - Les organisations syndicales de fonctionnaires ont également qualité pour participer, avec les autorités compétentes, à des négociations relatives :


1° Aux conditions et à l'organisation du travail, et au télétravail ;

2° Au déroulement des carrières et à la promotion professionnelle ;

3° A la formation professionnelle et continue ;

4° A l'action sociale et à la protection sociale complémentaire ;

5° A l'hygiène, à la sécurité et à la santé au travail ;

6° A l'insertion professionnelle des personnes handicapées ;

7° A l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

III. - Sont appelées à participer aux négociations mentionnées aux I et II les organisations syndicales disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l'objet et du niveau de la négociation.


Une négociation dont l'objet est de mettre en œuvre à un niveau inférieur un accord conclu au niveau supérieur ne peut que préciser ce dernier ou en améliorer l'économie générale dans le respect de ses stipulations essentielles.


IV. - Un accord est valide s'il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires ayant recueilli au moins 50 % du nombre des voix lors des dernières élections professionnelles organisées au niveau auquel l'accord est négocié.


Article 9 : Les fonctionnaires participent par l'intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs à l'organisation et au fonctionnement des services publics, à l'élaboration des règles statutaires et à l'examen des décisions individuelles relatives à leur carrière.


Ils participent à la définition et à la gestion de l'action sociale, culturelle, sportive et de loisirs dont ils bénéficient ou qu'ils organisent.


L'action sociale, collective ou individuelle, vise à améliorer les conditions de vie des agents publics et de leurs familles, notamment dans les domaines de la restauration, du logement, de l'enfance et des loisirs, ainsi qu'à les aider à faire face à des situations difficiles.


Sous réserve des dispositions propres à chaque prestation, le bénéfice de l'action sociale implique une participation du bénéficiaire à la dépense engagée. Cette participation tient compte, sauf exception, de son revenu et, le cas échéant, de sa situation familiale.


Les prestations d'action sociale, individuelles ou collectives, sont distinctes de la rémunération visée à l'article 20 de la présente loi et sont attribuées indépendamment du grade, de l'emploi ou de la manière de servir.


L'Etat, les collectivités locales et leurs établissements publics peuvent confier à titre exclusif la gestion de tout ou partie des prestations dont bénéficient les agents à des organismes à but non lucratif ou à des associations nationales ou locales régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.


Ils peuvent participer aux organes d'administration et de surveillance de ces organismes »


Soit des pouvoirs de participation aux décisions de l’administration non négligeables, du moins théoriquement ainsi que nous le verrons.


Pour de l’Education nationale, c’est l’article 14 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui reprend, résume, les dispositions légales dans lesquelles le droit syndicale s’exerce :


« Dans chaque corps de fonctionnaires existent une ou plusieurs commissions administratives paritaires comprenant, en nombre égal, des représentants de l'administration et des représentants du personnel. Des commissions administratives paritaires communes à plusieurs corps peuvent également être créées à l'échelon central, aux échelons déconcentrés et dans les établissements publics, sans conditions d'effectifs au sein de ces corps au niveau national.


Les membres représentant le personnel sont élus au scrutin de liste à deux tours avec représentation proportionnelle.


Au premier tour de scrutin, les listes sont présentées par les organisations syndicales de fonctionnaires représentatives. Si aucune liste n'est déposée par ces organisations ou si le nombre de votants est inférieur à un quorum fixé par décret en Conseil d'Etat, il est procédé, dans un délai fixé par ce même décret, à un second tour de scrutin pour lequel les listes peuvent être présentées par toute organisation syndicale de fonctionnaires.


Pour l'application des dispositions de l'alinéa précédent, sont regardées comme représentatives :


1° Les organisations syndicales de fonctionnaires régulièrement affiliées à une union de syndicats remplissant les conditions définies à l'article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;


2° Et les organisations syndicales de fonctionnaires satisfaisant, dans le cadre où est organisée l'élection, aux dispositions de l'article L. 133-2 du code du travail.


Les organisations affiliées à une même union ne peuvent présenter des listes concurrentes à une même élection. Les conditions d'application du présent alinéa sont fixées en tant que de besoin par un décret en Conseil d'Etat.


Les contestations sur la recevabilité des listes déposées sont portées devant le tribunal administratif compétent dans les trois jours qui suivent la date limite du dépôt des candidatures. Le tribunal administratif statue dans les quinze jours qui suivent le dépôt de la requête. L'appel n'est pas suspensif.


Ces commissions sont consultées sur les décisions individuelles intéressant les membres du ou des corps qui en relèvent. »


C’est donc en application des dispositions de cet article de loi que, dans l’Education nationale, viennent s’ajouter au nombre des confédérations syndicales générales dites représentatives, les organisations syndicales qui disposent d’un siège au moins au Comité technique ministériel, soient la Fédération syndicale unitaire (FSU), l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA Education), le syndicat solidaires, unitaires, démocratiques (SUD Education).


Enfin, terminons cette liste de textes relatifs au droit syndical en citant un décret sur lequel nous reviendrons, le décret n°82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique.


Ce cadre juridique étant posé, je vous donne rendez-vous le mois prochain pour une analyse plus approfondie des élections professionnelles dans l’Education nationale et de ses enjeux.

Laurent Piau


Laurent Piau, juriste, est l'auteur de l'ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF

Sur cet ouvrage :

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Pour commander :

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Sur le site du Café


Par fjarraud , le dimanche 28 septembre 2014.

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