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Les SMS ne doivent plus faire peur 

Faut-il avoir peur du langage SMS ? La généralisation des téléphones portables chez les adolescents s'est accompagnée du développement d'une nouvelle langue qui s'est largement affranchie des règles orthographiques que l'Ecole a tant de mal à apprendre. Au point d'inquiéter parents et enseignants. Ce nouveau langage ne risque-t-il pas de rendre plus difficile encore l'apprentissage de l'orthographe ? Une étude réalisée par Josie Bernicot , professeure à l'université de Poitiers, pour le Centre Henri Aigueperse, sur un échantillon de jeunes collégiens apporte des réponses rassurantes. Il n'y a pas de corrélation entre l'utilisation du langage SMS et une baisse de niveau en orthographe.

 

"Moi oui de toute façon moi toujour sinon jtdg jtdg jtdg g g g g" Pour beaucoup d'adultes, le langage SMS est d'abord une langue étrangère. Pour les professeurs de lettres, sur qui repose en grande partie l'acquisition de l'orthographe, c'est souvent un motif d'inquiétude.  La langue des SMS ignore les règles grammaticales usuelles et joue avec le vocabulaire. Beaucoup pensent que cette langue écrite différente a une influence négative sur l'apprentissage de la langue écrite à l'école et considère les SMS comme une forme dégradée de l'écrit que les élèves seraient tentés d'utiliser dans toutes les circonstances. En clair, avec les SMS les élèves perdraient leur orthographe. C'est cette hypothèse que Josie Bernicot, université de Poitiers, a voulu vérifier. Elle a sélectionné 19 jeunes de 11 ou 12 ans, c'est à dire débutants dans l'apprentissage du français classique et du SMS, qui se sont vu offrir un téléphone portable en échange d'une analyse systématique de leurs SMS. Ces jeunes produisent en moyenne 435 SMS par semaine et au total plus de 5000 SMS ont été décryptés.

 

Malgré cette masse de SMS, J Bernicot ne trouve pas de corrélation entre l'usage des SMS et l'évolution du niveau orthographique. "Conformément à notre hypothèse, les enfants produisent deux types de textismes (Un textisme est défini comme un changement dans la forme orthographique d’un mot par rapport à l’écrit traditionnel)", nous dit-elle. "Ces deux types de textismes sont produits en proportion égale et n’ont pas la même évolution avec la pratique : seuls les textismes en rupture avec le code augmente avec la pratique... Conformément à notre hypothèse le lien entre le niveau en orthographe traditionnelle et les textismes varie avec le type de textismes considéré. Aucune corrélation n’est mise en évidence entre les différents scores en orthographe et les textismes en accord avec le code. Des corrélations positives existent aux trimestres 1 et 2 entre le score d’orthographe d’usage et les textismes en rupture avec le code ; elles disparaissent aux trimestre 3 et 4. La répartition des élèves en deux groupes (fort/faible en orthographe d’usage) montre que les élèves faibles en orthographe d’usage ont un apprentissage plus lent des textismes en rupture que les élèves forts en orthographe d’usage. Le groupe fort a d’emblée une production élevée de textismes en rupture. Dès le premier trimestre de pratique des SMS, les bons élèves en écrit traditionnel utilisent les formes spécifiques du registre SMS (textismes en rupture) tout en continuant à rester bons élèves en écrit traditionnel toute l’année. Ils appliquent donc chaque registre à la situation sociale appropriée".

 

La conclusion donnée par J Bernicot est toute d'optimisme. " Les enseignants dont le rôle est d’apprendre la langue écrite traditionnelle à des élèves n’ont aucune raison d’avoir « peur » des SMS ou de les percevoir comme une menace. Cette nouvelle pratique est une occasion de s’exercer à de nouvelles correspondances phonème-graphème qui peuvent rendre plus souple le système cognitif et améliorer la fonction symbolique. Il faut aussi souligner que si dans les SMS, 52% de mots contiennent des textismes, les 48% restants sont écrits selon les règles traditionnelles. Enfin, en partant de la constatation que les élèves pratiquent cette forme de communication (en écriture comme en lecture) avec facilité et enthousiasme (cf. chapitre 2), qu’un pourcentage important d’élèves possède un téléphone mobile (l’une des nouvelles technologies les moins onéreuses), le téléphone mobile et les SMS pourraient être utilisés comme support d’apprentissages scolaires". Mais là c'est peut-être aller loin au regard des règlements intérieurs des établissements...

 

François Jarraud

 

L'étude

http://cha.unsa-education.com/spip.php?article69



Sur le site du Café



Par fjarraud , le vendredi 21 février 2014.

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