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La Rubrique juridique : La « réforme » du temps de service des enseignants 

Si l’on s’en tient aux déclarations ministérielles et syndicales enthousiastes, le « Mammouth » aurait récemment fait l’objet d’une chirurgie lourde grâce à un accord « historique » sur la réforme du décret n° 50-581 du 25 mai 1950 portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service hebdomadaire du personnel enseignant des établissements d'enseignement du second degré et du décret n° 50-582 du 25 mai 1950 portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service hebdomadaire du personnel des établissements publics d'enseignement technique.


Cet accord aurait donc permis :


- la création d’un nouveau grade, le GRAF, dont les modalités d’accès seront précisées dans le cadre d’un groupe de travail commun aux premier et second degrés… plus tard.


- La création d’une pondération, dans la limite d’une heure, de 1,1 pour prendre en compte le temps de préparation, d’évaluation et de suivi des élèves pour le baccalauréat.


- La création d’une indemnité spécifique, qui se substituera au dispositif indemnitaire relatif au CCF, pour les professeurs exerçant dans la voie professionnelle s’ils effectuent au moins 6 heures devant les classes de première et terminale professionnelles et les classes de terminale CAP.


- La mise en place, dans les établissements les plus difficiles sur le plan social et scolaire qui seront déterminés dans le cadre de la réflexion sur l’éducation prioritaire (plus tard…), d’une pondération des heures de cours de 1,1 qui permettra de dégager du temps pour le suivi des élèves et le travail en équipe dans le collège et dans le réseau d’éducation prioritaire… soit la substitution d’un temps de travail à un autre.


Prenons acte de ces engagements en attendant leur concrétisation dans les décrets à venir.


Mais remarquons, qu’à l’évidence, ce sont des avancées bien modestes au regard des conclusions d‘une récente étude sur le niveau de rémunération des enseignants qui constate qu’il faudrait revaloriser les salaires d’au moins 40 % pour que les enseignants recrutés en 2014 retrouvent, sur leur cycle de carrière, les mêmes espérances de gains que ceux recrutés en 1981 (http://www.lemonde.fr/enseignement-superieur/article/2014/02/07/a-t-on-les-enseignants-qu-il-nous-faut_4362294_1473692.html).


Voyons actuellement maintenant quelles sont les obligations de services des enseignants.



I) Le temps de service


C'est le temps que le fonctionnaire doit consacrer à remplir les fonctions qui lui sont confiées par l’Administration pour percevoir son traitement brut, ses indemnités et primes diverses.


La durée hebdomadaire du service est définie par les décrets statutaires et/ou les décrets d'application générale, tels les fameux décrets de « 50 ». Elle est de 15, 18, 20 ou 26 heures hebdomadaires selon les corps.


La seule exception à cette règle est le service rémunéré dû au titre des examens des élèves.

Cela étant, de plus en plus de périodes de stages en entreprise ou de formation continue des professeurs sont proposées voire imposées, durant les périodes de vacances. Aucune disposition réglementaire ne le prévoyant, rien ne vous oblige à vous y rendre et on ne saurait vous le reprocher, sauf si bien sûr cette formation répond à une demande de votre part.


          1) L'heure de cours


Elle se répartit obligatoirement en cinquante-cinq minutes d'enseignement et en cinq minutes d'interclasse dont la durée ne peut être augmentée, même en cas de nécessité, au détriment du temps consacré à l'enseignement.


          2) La journée de cours


Le décret n°2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature a fixé, par son article 3, les divers maxima concernant la durée de travail :


I. L’organisation du travail doit respecter les garanties minimales ci-après définies.


La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d'une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives et le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures.


La durée quotidienne du travail ne peut excéder dix heures.


Les agents bénéficient d'un repos minimum quotidien de onze heures.


L'amplitude maximale de la journée de travail est fixée à douze heures.


Le travail de nuit comprend au moins la période comprise entre 22 heures et 5 heures ou une autre période de sept heures consécutives comprise entre 22 heures et 7 heures.


Aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que les agents bénéficient d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes.


II.- Il ne peut être dérogé aux règles énoncées au I que dans les cas et conditions ci-après :


a) Lorsque l'objet même du service public en cause l'exige en permanence, notamment pour la protection des personnes et des biens, par décret en Conseil d'Etat, pris après avis du comité d'hygiène et de sécurité le cas échéant, du comité technique ministériel et du Conseil supérieur de la fonction publique, qui détermine les contreparties accordées aux catégories d'agents concernés ;


b) Lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient et pour une période limitée, par décision du chef de service qui en informe immédiatement les représentants du personnel au comité technique compétent.


Il ne peut donc vous être imposé plus de 6 heures de cours consécutives sans une pause de 20 minutes et votre journée de cours doit être de dix heures maximum de cours et/ou de réunions.


          3) L’année scolaire


Le temps de service est, en principe, défini par semaine et durant l'année scolaire qui comporte trente-six semaines au moins réparties en cinq périodes de travail, de durée comparable, séparées par quatre périodes de vacance des classes.


Un arrêté ministériel fixe plusieurs années à l’avance le calendrier des années scolaires.



II) Le temps de service « supplémentaire »


Il s'agit du temps que le professeur consacre à des taches autres que celles de l'enseignement :


          1) Les journées portes ouvertes


Premier constat : les opérations portes ouvertes ne font pas partie du service du professeur et sont donc réalisées soit sur la base du volontariat des enseignants, soit en contrepartie du paiement d'heures supplémentaires effectives, de décharges de service, voire de récupération des heures effectuées pour permettre la réalisation d'un pont avant/après un jour férié.


          2) Réunions et conseils


          Dans le premier cycle


          Le conseil des Maîtres


Les dispositions applicables sont prévues par l'article 14 du décret no 90-788 du 6 septembre 1990. La différence avec le conseil de classe réside dans le fait que ce n'est pas des élèves dont il est question lors de ce conseil mais bien du fonctionnement de l'école.


          Le conseil de cycle


Il est défini par les articles D 321-14 et D 321-15 du code de l'Education. Il concerne le cycle des apprentissages premiers, qui se déroule à l'école, le cycle des apprentissages fondamentaux, qui commence à la grande section dans l'école maternelle et se poursuit pendant les deux premières années de l'école élémentaire et le cycle des approfondissements, qui correspond aux trois dernières années de l'école élémentaire et débouche sur le collège.


          Le  conseil d'école


Il est prévu par les dispositions des articles D 111-1 à D 111-5 et D 411-1 à D 411-9 auxquels je vous renvois puisque leur lecture ne présente pas de difficulté particulière.


          Les animations pédagogiques


Anciennement appelées conférences pédagogiques, ces douze heures sur les trente-six annuelles sont consacrées aux réunions pédagogiques. Ces réunions ont lieu, selon l'organisation de la semaine scolaire, soit après la classe, soit le mercredi ou le samedi matin. Les dates sont fixées par l'Inspecteur de l'Education Nationale après concertation avec les équipes pédagogiques des écoles et les animations pédagogiques obligatoires ouvrent droit au remboursement des frais de déplacement,


Dans le second cycle


          Les réunions des équipes pédagogiques


Elles ont principalement pour mission de favoriser la concertation entre les enseignants, en particulier en ce qui concerne l'élaboration et la mise en œuvre du projet d'établissement, la coordination des enseignements et des méthodes d'enseignement, d'assurer le suivi et l'évaluation des élèves, d'organiser l'aide à leur travail personnel.


Les réunions des équipes pédagogiques font partie de votre service d'enseignant. Vous vous devez donc d'y participer. Cela étant, certains Chefs d'établissement cherchent actuellement à imposer une réunion hebdomadaire. Or, au regard des missions de ces équipes, cette exigence est disproportionnée par rapport au but à poursuivre. Mais, cet article du décret étant très vague sur la fréquence de ces réunions, il convient d'être prudent et de rappeler que ces équipes pédagogiques s'organisent elles-mêmes. Eventuellement, vous pourrez demander le paiement d'heures supplémentaire effectives.


          Le conseil de classe


Je ne vais pas revenir sur une réunion dont vous connaissez parfaitement le fonctionnement. Sachez simplement que la participation au conseil de classe est, en principe, une obligation de service rémunérée par l'ISOE, même si la jurisprudence n'est pas fixée sur ce point. Le conseil de classe se déroule en principe une fois par trimestre dans l'année scolaire bien que le Chef d'établissement puisse en théorie le réunir quand il le juge utile. A cette occasion, vous êtes tenu de remplir le relevé trimestriel de note ainsi que les appréciations qui les accompagnent.


          Les heures de coordination et de synthèse


Ce sont les heures auxquelles sont astreints les professeurs affectés dans les sections d'enseignement général et professionnel adaptés (SEGPA) et les établissements régionaux d'enseignement adapté (EREA), soient 1 heures de coordination et 1 heure de synthèse. Ces heures étant imposées à ces professeurs par une circulaire, elles restent facultatives et doivent être rémunérées en heures supplémentaires (HSE).


          Les examens et concours


L'obligation de participer aux jurys des examens et concours est posée par le décret du 17 décembre 1933 qui dispose "Est considérée comme une charge normale d'emploi, l'obligation pour les personnels des établissements d'enseignement relevant du ministère de l'Education nationale, de participer aux jurys des examens et concours pour lesquels ils sont qualifiés par leurs titres ou emplois."


Ainsi donc, sauf cas de force majeure, le fait, pour un membre de l'Enseignement appelé à participer à un jury d'examen, de ne pas accomplir normalement toutes les taches résultant de cette fonction est juridiquement assimilable à un acte de grève ou une absence injustifiée et peut entrainer une retenue sur traitement.


La participation aux examens et concours implique la participation aux réunions d'entente et d'harmonisation qui ont pour but de poser les principes communs de notation et de réviser certaines notes après les corrections. De plus, la participation de membres de l'enseignement public à des jurys d'examens ou de concours organisés par d'autres administrations ou par des collectivités locales pouvant être considérée comme une activité accessoire normale, vous êtes soumis aux mêmes obligations. Sachez toutefois que votre autorité hiérarchique doit donner un accord préalable explicite et que la convocation des enseignants à ces jurys doit se faire sous son couvert.


Enfin, notez que les enseignants sont couverts par le régime des accidents du travail lors des trajets aller-retour à ces examens et concours lorsqu'ils sont en possession d'un ordre de mission.


          D) Les heures supplémentaires


Une heure supplémentaire hebdomadaire (payée en Heure Supplémentaire Année) peut être imposée aux professeurs de l'enseignement secondaire dans l'intérêt du service, sauf si ces derniers bénéficient d'une décharge de service, s'ils ont des enfants en bas âge, s'ils préparent un concours ou font des travaux de recherche, s'ils bénéficient d'un temps partiel ou d'une CPA ou s'ils font un complément de service dans une autre discipline. Vous noterez que cette heure supplémentaire-année n'est pas nécessairement la 19ème heure mais bien celle qui est imposée une fois que toutes les minorations de service ont été calculées.


          E) Les remplacements de collègues absents


Ils sont prévus par le décret n°2005-1035 du 26 août 2005 relatif au remplacement de courte durée des personnels enseignants dans les établissements d'enseignement du second degré. Le chef d'établissement doit avoir élaboré, en concertation avec les équipes pédagogiques, un protocole pour les remplacements de courte durée qui en fixe les objectifs et les priorités ainsi que les principes et les modalités pratiques d'organisation propres à l'établissement et doit l'avoir présenté au conseil d'administration qui est régulièrement tenu informé des conditions de sa mise en œuvre.


Pour sa mise en œuvre, le chef d'établissement recherche en priorité l'accord des enseignants qualifiés à même d'effectuer un remplacement de courte durée. Mais il peut aussi désigner les personnels chargés d'assurer des enseignements complémentaires pour pallier une absence de courte durée. Dans tous les cas, vous ne pouvez être tenus d'assurer, en sus de vos obligations de service statutaires, plus de soixante heures supplémentaires par année scolaire ou plus de cinq heures supplémentaires par semaine. Les enseignants stagiaires sont exemptés de cette obligation.


Lorsque ce texte est paru, il a déclenché une vague de protestation parmi les syndicats et les personnels de l'Education nationale concernés. De ce fait, la pratique dans l'Education nationale est actuellement de s'en tenir au volontariat des professeurs. Cela dit, si votre chef d'établissement vous ordonne de remplacer un collègue, je vous conseille d'obéir à cet ordre, en application du principe d'obéissance hiérarchique et de saisir vos syndicats.



III) Le contenu du service


Durant ce temps de service, le fonctionnaire remplit ses fonctions. Celles-ci sont définies par le concours qu’il a passé, le corps dans lequel il a été intégré et le statut de ce corps.


Pour les professeurs, cette mission est simple : transmettre au groupe-élèves le contenu de la matière inscrit au référentiel dans les respects des consignes pédagogiques officielles.


Vous devez enseigner dans votre ou vos matières. Celles-ci sont déterminées par le concours que vous avez obtenu et par l’arrêté de titularisation établi par le Ministre. Elles ne peuvent varier qu'à la suite d'une reconversion dûment constatée par arrêté.


Une certaine évolution dans l’Administration vise actuellement à tenter d’élargir le nombre de matières enseignées par les professeurs en général et les professeurs de lycée professionnels en particulier avec la notion de champs professionnels.


Il est vrai que le décret n°50-581 du 25 mai 1950 portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service hebdomadaire du personnel enseignant des établissements d'enseignement du second degré dispose dans son article 3 : "Les professeurs qui n'ont pas leur maximum de service dans l'enseignement de leur spécialité et qui ne peuvent pas le compléter dans un autre établissement d'enseignement public de la même ville peuvent être tenus, si les besoins du service l'exigent, à participer à un enseignement différent. Toutefois, les heures disponibles doivent, autant qu'il est possible, être utilisées de la manière la plus conforme à leurs compétences et à leurs goûts."


Or, dans la quasi-totalité des cas, les professeurs concernés par ces aimables pressions ont leur maximum de service dans l'enseignement de leur spécialité et, de ce fait, n'ont pas à compléter leur service dans un autre établissement.


Ce d'autant plus que les notes de service et les circulaires sont des mesures d’organisation du service qui ne peuvent en aucun cas déroger à la loi ou au règlement.


C’est pourquoi, l‘élargissement de l'emploi du temps d'un enseignant à d'autres matières que la (les) matière(s) de concours ne peut être qu’exceptionnel et pour une fraction négligeable du temps de service. (voir en ce sens Conseil d'Etat du 30 novembre 2001, Ogier, n°224190 et Bois Farinaud, n°224191)


Enseigner signifie être devant les élèves et toute autre mission ne saurait être considérée comme un temps de service sans autorisation écrite du Chef d‘établissement ou du Chef de service et, bien évidemment, l'accord du fonctionnaire.


C’est pourquoi, dans une semaine donnée, si vous dispensez toutes vos heures de cours, vous avez fait votre service, et en application de l’article 20 de la loi 83-613 du 13 juillet 1983, votre traitement doit vous être versé en intégralité.


Cela étant, votre temps de service ne se limite pas à ces seules heures de cours puisqu'il englobe aussi le temps de préparation des cours, de correction des copies et de suivi des élèves.


C'est pourquoi le versement du traitement implique aussi la réalisation de ces tâches dans le respect des consignes administratives et pédagogiques.


Enfin, si vous êtes professeur principal de classe, l'heure de vie de classe peut vous être imposée dans votre service. Mais si elle l'est en sus de votre maxima de temps de service, elle doit être payée en heures supplémentaires-année. Quant aux autres professeurs, ils doivent aussi être rémunérés s'ils interviennent dans le cadre de cette heure de vie de classe.


Laurent Piau


Laurent Piau, juriste, est l'auteur de l'ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF

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Par fjarraud , le vendredi 21 février 2014.

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