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Visite dans un "collège connecté", Beaumarchais  

Par François Jarraud

 

Symboles de la "stratégie numérique" de V. Peillon, à quoi peuvent bien servir les nouveaux "collèges connectés" ? Alors que le premier ministre et le ministre de l'éducation nationale visitent le collège connecté Léonard de Vinci à Saint-Brieuc, l'exemplarité de ces établissements n'apparaît pas si évidente. A Paris, le collège connecté Beaumarchais n'ambitionne pas de servir de modèle. Les pieds sur terre, il sait utiliser le dispositif pour atteindre des objectifs pédagogiques précis et cohérents. Dans ce "collège connecté" la "stratégie numérique" est un coup de pouce aux projets d'une équipe éducative qui n'oublie ni les parents d'élèves, ni le plaisir d'enseigner ensemble.

 

A quelques pas de la place de la République, le collège Beaumarchais accueille 400 élèves d'un quartier populaire. Pour son principal, Jean-Luc Guéret, l'hétérogénéité est une valeur du quartier et du collège inscrit en zone prioritaire. C'est une des raisons qui a poussé l'établissement à se porter volontaire pour être un des 20 "collèges connectés" mis en place à la rentrée par Vincent Peillon.

 

 

Revoilà les établissements pilotes

 

Officiellement, les collèges connectés sont des établissements pilotes où les usages numériques doivent aller plus loin qu'ailleurs de façon à ce qu'ils soient des "accélérateurs de changement". Ils doivent "démontrer les apports concrets du numérique pour les élèves, les enseignants et les familles" grâce à des "usages massifs et transversaux" du numérique. Pour le plan ministériel, dans les collèges connectés les élèves doivent bénéficier d'une "mobilisation quotidienne du numérique par tous les enseignants et tous les élèves". En échange le dispositif leur promet "un accompagnement technique et pédagogique des enseignants au quotidien" grâce à un suivi appuyé sur la collectivité territoriale, qui finance l'essentiel du projet, et la Caisse des dépôts. Ces établissements modèles doivent être évalués sur la qualité technique et pédagogique des services mis en place. On attend d'eux qu'ils démontrent l'impact du numérique sur les pratiques pédagogiques et la réussite des élèves. La moitié des collèges connectés sont des établissements de l'éducation prioritaire ou du rural profond.

 

Pour Jean-Luc Guéret, si Beaumarchais a été choisi c'est que l'établissement bénéficie d'une équipe pédagogique motivée qui utilise les TICE depuis des années. C'est au moment du plan Informatique pour tous (1985) que le collège a acquis une réputation en ce domaine et depuis il teste tous les nouveaux dispositifs. Le plus récent est le nouvel ENT développé par le département de Paris. A Beaumarchais on n'a pas attendu d'être "collège connecté" pour tester les tablettes numériques en EPS et en maths. Toutes les salles de classes sont équipées d'un vidéoprojecteur. Au coeur de cette culture locale, des enseignants de maths, sciences, eps et langues qui spontanément utilisent les TICE en classe.

 

Le projet du collège connecté

 

C'est ce qui a poussé le conseil pédagogique à proposer au ministère et au département un projet articulé en trois axes. Dans la classe, le collège veut "sortir de l'enseignement frontal" et individualiser l'enseignement avec les TICE. "C'est un projet de long terme", nous dit JL Guéret. Pour cela les enseignants misent sur les TBI, les manuels numériques, qui doivent être généralisés, et la baladodiffusion. Le collège participe aussi au projet Adell de soutien à distance aux élèves. Les collégiens peuvent demander de l'aide sur Internet à des enseignants du collège. Beaumarchais a aussi développé un service de diffusion vidéo de cours en direct pour les élèves malades. Troisième axe du projet, le dispositif D'Col de soutien aux élèves de sixième. Chaque jour 30 000 élèves de collèges prioritaires bénéficieront d'un soutien en ligne développé par le Cned. Ils seront accompagnés par des enseignants. A Beaumarchais, des professeurs de maths, français et allemand participent à l'aventure. L'équipe de langues vivantes a greffé sur le dispositif "collège connecté" le projet de baladodiffusion qu'elle nourrit depuis plusieurs mois. "On en fait pas grand chose de plus que les autres collèges", nous dit le principal. "Mais on le fait dans tous les domaines". Il reste bien quelques enseignants réticents aux TICE dans l'établissement mais le groupe des expérimentateurs est suffisamment important et dynamique pour emporter l'établissement.

 

Les parents dans le dispositif

 

Selon Jean-Luc Guéret, les parents d'élèves sont peu sensibles aux usages du numériques en classe. Etre "collège connecté" n'a pas d'influence sur le recrutement des élèves. On demande plutôt le collège parce qu'il est en cohérence avec la population hétérogène du quartier. Pour autant le projet de l'établissement n'oublie pas les parents. D'une part un conseil pédagogique élargi à trois représentants des parents est mis en place. D'autre part le dispositif "collège  connecté" prévoit une formation des parents à l'ENT "Paris classe numérique" assurée par des enseignants du collège. Un point d'accès Internet destiné aux parents et une imprimante en libre service sont prévus dans le projet.

 

Quel changement pédagogique ?

 

"On veut basculer dans une autre façon de travailler", nous dit JL Guéret. "L'école doit préparer les élèves aux nouvelles façons de travailler qui intègrent largement le numérique. Si on ne le fait pas, le fossé entre l'institution scolaire et la société va se creuser d'une manière inadmissible". Les enseignants misent beaucoup sur le travail de groupe pour remplacer l'enseignement frontal. Par contre, le collège ne s'est pas engagé dans la suppression des notes ou l'approche par compétences. "On aime beaucoup le numérique mais le livret personnel de compétences ne marche pas ici", nous dit JL Guéret.

 

Quels moyens ?

 

Pour entrer dans le dispositif "collège connecté" le collège Beaumarchais a demandé des moyens supplémentaires. Il dispose déjà de deux salles informatiques et toutes les salles sont équipées d'un ordinateur avec Internet. Le plus gros effort c'est le passage généralisé au manuel numérique. Ca tombe mal car à cette rentrée les éditeurs ont nettement relevé les tarifs au moment où ils proposent les manuels aux familles. Pour Beaumarchais c'est une facture annuelle de 15 000 euros qu'il faut acquitter pour les manuels et ça reste un problème à la rentrée. Le collège a aussi demandé pour 2 000 euros de matériel pour les clés de baladodiffusion. Il va acquérir des Ipads pour l'EPS et des tablettes pour le cours d'histoire-géo. S'ajoutent encore l'abonnement à D'col et quelques logiciels et matériels. Au total la facture reste modeste.

 

A quoi sert le collège connecté ?

 

Le collège Beaumarchais servira-t-il de modèle pour les collèges parisiens ou la France entière ? Pas sur. Mettra-t-il en évidence une révolution pédagogique portée par le numérique ? Probablement pas. Les ambitions de l'équipe enseignante sont bien plus modestes mais aussi plus réalistes. Loin des grandes phrases, le collège Beaumarchais utilise le dispositif "collège connecté" pour continuer une aventure numérique ancienne et développer le travail en commun des enseignants. Il s'agit de dégager du plaisir à enseigner et de s'approprier le métier. L'équipe veut aussi mieux intégrer les parents à la vie du collège. Derrière la vitrine du projet officiel, il y a une véritable communauté éducative en construction continue avec le numérique avec un vrai projet pédagogique. Finalement, c'est bien une innovation. 

 

 

Présentation officielle du dispositif collège connecté

http://www.education.gouv.fr/cid72373/colleges-connectes.html



 

Sur le site du Café



Par fjarraud , le lundi 23 septembre 2013.

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