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Tice : La chronique de Bruno Devauchelle 

Comment les TICE affectent-elles le travail personnel des enseignants et des élèves ? C'est la question abordée ce mois par Bruno Devauchelle.

Le travail personnel des enseignants à l'ère du numérique

Parmi les boites noires de monde de l'enseignement et quel qu'en soit le niveau, il y a le travail personnel des enseignants. Revenons d'abord à la définition du travail de l'enseignant. Entre le primaire, le secondaire et le supérieur, et à l'intérieur de ces catégories, entre les différents grades et types d'établissement, la définition du travail et du temps à y consacrer est très différent. Mais un élément reste encore un objet de discussion, le travail personnel. La plupart des établissements d'enseignement ne fournissant pas d'espace personnel de travail (bureau, openspace etc...) il est courant que ce soit au domicile que se déroule une grande partie de ce travail dit personnel. Par le fait, le temps qui y est consacré semble être un mystère, tant les enquêtes, basées sur les déclarations des uns et des autres, laissent rêveur.

Qu'appelle-t-on travail personnel de l'enseignant ? Tenter de le définir risque de nous exposer aux plus vives critiques, dès lors qu'on aura oublié tel ou tel aspect. On peut simplement penser que le contenu et le temps que chaque enseignant nomme "travail personnel" demande à être explicité sur un plan qualitatif et ne pas se contenter de demander, comme trop souvent le font les enquêtes, le temps passé à telle ou telle activité considérée comme telle par l'enquêteur...

Pour cette chronique j'ai choisi d'entrer dans cette question par l'outil numérique en me posant la question de savoir comment un enseignant utilise le numérique dans la globalité de son activité ? Ensuite  je tenterai de séparer, si cela est encore possible, la notion de "travail personnel" de l'ensemble que l'on nomme travail de l'enseignant. On l'aura compris, notre parti-pris est de considérer que la frontière qui sépare le travail personnel du travail professionnel est en train de changer, voire de s'estomper en particulier grâce ou à cause du numérique.

L'achat d'ordinateur à titre personnel est la manière dont la plupart des enseignants sont entrés jusqu'à très récemment dans les usages. Certains, et ils sont plus nombreux qu'on ne le pense, ont même amené leurs ordinateurs personnels dans la classe, en particulier en primaire. Aujourd'hui, si certaines dotations de collectivités territoriales ont permis un équipement des enseignants, la proposition ancienne d'un ministre de l'éducation de doter tous les nouveaux enseignants d'un ordinateur est restée dans les tiroirs, ils arrivent tous (ou presque) en master déjà équipés. Au delà de l'équipement personnel, il y a l'ensemble des pratiques qui se sont développées au cours des trente dernières années (la démocratisation des ordinateurs individuels remonte au début des années 80). En premier lieu cela a été destiné à la production de support de cours. Lors de mes débuts d'enseignant en 1979, j'avais acheté une petite machine a écrire mécanique, dès que j'ai eu un ordinateur, celui-ci a été mis à contribution pour produire mes textes et de plus en plus de documents qui ainsi sont devenus "lisibles" par les élèves. Les enseignants de matière professionnelles intégrant l'ordinateur se sont trouvés très tôt dans la contrainte de devoir disposer d'un ordinateur à domicile pour préparer leurs cours, il est facile d'imaginer les réactions des uns et des autres, et de l'institution.

Outil de production de documents, l'ordinateur a progressivement été utilisé à des tâches complémentaires, toujours à titre personnel, carnet de note, agenda etc... Malheureusement le coût des ordinateurs portables a été longtemps trop élevé pour favoriser une pratique en mobilité. C'est la connexion à Internet qui a le plus transformé les manières de faire. C'est d'abord dans l'accès à des sources d'information jusqu'alors difficilement accessible que ces usages se sont développés. A partir de ces documents, l'enseignant a pu enrichir ses supports, varier ses sources et même s'autoformer. Très tôt, dès le milieu des années 1990 - 2000, les listes de diffusion se sont développées. Elles ont tout de suite été adoptées par les enseignants "branchés". Espace de partage d'expérience, ces listes, qui continuent de bien vivre encore aujourd'hui, ont été de puissants outils d'aide à la mise en réseau au delà des limites géographique. Pour certains c'était une bouffée d'air pur. Sur ces bases de pratiques personnelles et à domicile, l'institution a vite été curieuse de ces pratiques et s'en est souvent emparé pour ses propres besoins. En effet si les services académiques ont progressivement informatisés leurs activités, cela a amené à développer les contacts en tout temps entre l'administration et les enseignants. Le projet national ENT qui a vu le jour en 2003, mais qui était déjà expérimenté dès 1999 en Savoie, entre autres, s'est inscrit dans cette dynamique de décloisonnement progressif des espaces et temps de travail. Plus récemment de nombreux établissements ont mis en place outre la gestion des notes et les livrets de compétences en ligne, le cahier de texte numérique, en lien ou pas avec l'ENT. Dans le même temps certains enseignants se sont emparés des outils de communication pour engager de nouvelles formes d'échanges avec les élèves. Messagerie bien sûr, espace de FOAD, mais aussi et plus récemment les outils numériques de réseautage grand public, sont désormais monnaie courante en particulier à domicile.

Car l'enjeu de ces évolutions est la définition du périmètre de l'activité professionnelle. Dans le temps comme dans l'espace, le numérique transforme les pratiques personnelles en dehors du temps en établissement. Comme dans l'ensemble des métiers, les frontières sont devenues poreuses. La particularité du métier d'enseignant c'est que dans la définition du temps de l'activité, le travail personnel n'est pas défini, en particulier dans la durée (seule la durée en classe est définie, sauf en primaire et en lycée professionnel où cela a un peu évolué), le lieu (très peut d'établissement ont la possibilité de fournir de véritables lieux de travail personnel) et les moyens (la plupart du temps c'est encore l'ordinateur personnel qui sert pour l'activité professionnelle). Le vide ainsi constitué dans la définition de l'activité amène les enseignants à faire des choix. Les débats sur ce thème au sein de conseils pédagogiques et autre lieux de concertations ont, à propos du numérique, soulevé de nombreuses questions qui vont de la propriété intellectuelle à l'autorité, en passant par la formation et l'actualisation des connaissances et informations.

Le Café Pédagogique, fondé il y a 11 ans déjà, a été et continue d'être, à l'instar d'autres sites créés depuis, un de ces soutiens à l'activité personnelle des enseignants. Le développement d'Internet, bien plus que l'informatique des années 1980, transforme de plus en plus la relation au travail personnel et aussi au travail professionnel. Certains enseignants de lycée qui ont essayé l'enseignement asynchrone à distance ont pu mesurer les enjeux de cette évolution. Petit à petit, la généralisation des pratiques personnelles est en train de modifier la perception du métier, mais aussi les manières de faire. La boite noire n'est pas pour autant ouverte, et d'ailleurs il n'est pas sûr qu'il faille l'ouvrir, cependant nombreux sont ceux qui, au travers de ces dispositifs, s'exposent de plus en plus, au delà de leur temps de face à face, aussi bien auprès des élèves que de leurs parents. La dernière monnaie d'échange de cette évolution est en train de grossir : le cahier de texte en ligne avec ses extensions multiples n'est-il pas un moyen nouveau de faire le lien entre travail personnel de l'enseignant et travail personnel de l'élève ?

Bruno Devauchelle


Le travail personnel des élèves à l'ère du numérique

Alors que la concertation pour la refondation de l'Ecole envisage de faire faire les devoirs sur le temps périscolaire, que sait-on des changements apportés par le développement du numérique au travail personnel de l'élève ? Bruno Devauchelle explore les études existantes sur la présence des écrans qui empêchent les devoirs, le développement du copié collé mais aussi le recours aux plate formes à distance pour encadrer ce travail. C'est bien l'évolution de ce qui est demandé comme travail à la maison  qui est en jeu.


Après les débats récents sur les devoirs à la maison (cf. café pédagogique expresso du 2 octobre dernier) on est surpris de voir si peu souvent posée la question des évolutions du travail personnel des élèves du fait des outils numériques disponibles. Devant le fait de l'incapacité du système scolaire à répondre aux 140 000 jeunes qui sortent par an sans reconnaissance de leurs apprentissages, le monde scolaire a été soumis aux critiques. Afin de ne pas subir de plein fouet le choc des critiques, des personnes ont été voir du coté de l'amont, de "l'en-dehors", autrement dit de ce qui est le plus souvent invisible pour l'enseignant. D'une part les premières années de la vie, d'autre part les temps non scolaires ont été désignés comme potentiellement générateurs des réussites et échecs des élèves. Du coup le "travail personnel des jeunes" a été un objet d'observation privilégié pour alimenter ce questionnement. Comme dans la même dynamique de développement le numérique s'est invité dans le paysage global, ce nouvel objet est devenu le troisième coupable présumé.

Les devoirs concurrencés par les écrans

Cette analyse sommaire et un peu radicale est le reflet de ce que l'on peut entendre ici ou là, parfois au cœur même des salles des profs. Concernant le numérique, les faits semblent là : arrivée des écrans dans les lieux les plus personnels de la vie (télévision, puis ordinateur dans la chambre de l'enfant), usage très avancé, voir immodéré des téléphones portables, habileté étonnante, voire inquiétante, devant les ordinateurs, médiatisation d'une forme d'usage de type personnel-addictif qui a entraîné des discours de méfiance importants. Tout pousse à penser que les temps personnels des jeunes les détournent du travail scolaire à domicile. Soit en amont de la scolarité pour les plus petits dont certains regardent la télévision dès leurs premiers mois de vie, soit au cour du préscolaire avec l'arrivée des chaînes télévisées et jeux vidéos pour enfants, soit le soir à la maison quand les parents les retrouvent et peinent avec les devoirs à faire concurrencés par des activités d'écrans qui les attirent plus, soit en dehors des heures de cours, quand le téléphone portable devenu cordon ombilical de la sociabilité...

Usages clandestins du numérique

C'est bien parce que l'on a repéré le poids des différences intrafamiliales dans les réussites scolaires que l'on cherche des solutions. Le rapport sur la refondation pousse à faire faire le travail personnel dans l'établissement surtout pour les plus jeunes. Travail personnel ne signifierait plus forcément travail à la maison ! Et pourtant, beaucoup de parents voient d'un mauvais oeil un enseignant qui ne donne pas de travail à la maison. On conçoit alors que ce type de travail peut très bien être considéré comme une sorte de "médiateur" familial, donnant approbation à l'enfant et réassurance aux parents, rétablis dans leurs responsabilités. Mais quand on parle de travail à la maison, on ne parle que rarement de "travail numérique". En fait les jeunes utilisent abondamment les ressources numériques, mais selon les "commandes" des enseignants, ils tentent de repérer si cela peut se dire, se montrer ou pas, et encore mieux, si cela se repère. L'exemple des dossiers plagiés, jusque dans l'université, montre bien que certains essaient... comme dans une sorte de jeu avec l'institution. Il y a donc bien des usages "clandestins du numériques" qui se développent.

Et usages visibles

Mais il y a aussi la montée lente, mais semble-t-il inexorable d'usages visibles du numérique pour le travail à la maison. C'est d'abord ce qui est lié à l'accès à distance aussi bien aux résultats des évaluations (bulletins de notes) que du cahier de texte numérique. Ainsi il est acté qu'un élève et sa famille sont amenés à se connecter à domicile, voire obligés. Ceci n'est pas sans poser problème au monde scolaire qui doit remédier à ce genre de difficulté. Au delà de la communication institutionnelle, il y a la communication pédagogique et didactique. De plus en plus d'enseignants invitent leurs élèves à aller plus loin en explorant des informations, soit en amont soit en aval du cours, afin d'approfondir ou d'explorer des univers que le temps scolaire insuffisant oblige à ne pas aborder. De plus on remarque que les communications pédagogiques personnalisées se sont multipliées entre élèves et enseignants. Par mail, par réseau social et même par ENT. Par le fait, le temps scolaire devient plus élastique et la communication enseignant/élèves prend de nouvelles colorations et surtout pose des questions plus fondamentales d'organisation de la vie quotidienne de chacun.

Et problèmes de compétences

Autour de ces usages du numérique pour le travail hors temps scolaire se développe une problématique qui n'est pas nouvelle mais qui mérite d'être soulevée avec le numérique : quid des compétences des élèves/jeunes et de leur entourage à accompagner les apprentissages scolaires. On se rappelle la mémorable pratique du travail à la maison rapportée dans le film "Etre et Avoir" de Nicolas Philibert qui montrait une famille en train d'essayer d'aider l'enfant à résoudre un problème de mathématiques.  Si l'on sait que les familles sont rapidement dépassées par les contenus des apprentissages scolaires, par contre on sait trop peu de choses sur les méthodes employées par les élèves. Certes l'on donne bien souvent des cours de méthodologie du travail personnel. Malheureusement les effets sont peu perceptibles. Avec le numérique, l'environnement s'est enrichi et le risque est encore plus grand. Les méthodes de travail sont peu efficaces et il semble qu'il vaille mieux promouvoir l'entraide entre élèves comme premier moyen de développer des méthodes efficaces. Parmi les compétences les plus délicates, on retrouve la classique recherche et veille dans le domaine de l'information, mais il y aussi la capacité à s'autodiriger dans l'apprentissage. Si tous les enfants naissent en ayant envie d'apprendre à maîtriser le monde qui les entoure, les différences apparaissent bien vite, liées à de nombreux phénomènes contextuels. On l'avait observé avec le livre, on l'observe encore davantage avec les TIC, apprendre sans un cadre formel contraignant, dans nos sociétés hyperscolarisées n'est pas simple.

En fait tout indique que le monde scolaire ne peut laisser se développer des pratiques clandestines. Aussi le travail en dehors du temps scolaire est-il contraint pas la commande des enseignants. C'est pourquoi le numérique reste pour l'instant en dehors du jeu, du moins officiellement. Les jeunes commencent à inventer leurs méthodes personnelles de travail en se passant de l'école qui ne sait pas encore enseigner à se passer d'elle-même pour laisser la place à l'auto-formation, l'auto apprentissage. Le numérique, aussi porteur d'espoir, voire d'illusions, dans ce domaine, renforce actuellement le poids du travail scolaire à la maison alors qu'au contraire il devrait le stimuler. Mais pour cela il faudrait peut-être que le travail demandé à la maison soit moins scolaire.

Bruno Devauchelle


Référence : Le travail des élèves en dehors de la classe, État des lieux et conditions d’efficacité, Rapport IGEN - n° 2008-086 ` octobre 2008 


Et le cahier de texte est devenu numérique...

Dans le monde scolaire le cahier de texte est un objet symbolique fort. D'abord parce qu'il recouvre en réalité plusieurs objets personnels et institutionnels et ensuite par ce qu'il a une légitimité imaginaire et institutionnelle forte que les circulaires de 1960 et de 2010 (circulaire n° 2010-136 du 6-9-2010, http://www.education.gouv.fr/cid53060/mene1020076c.html ) ont contribué à renforcer. C'est cette dernière qui, reprenant largement la précédente, invite les établissements à mettre en place un cahier de texte sous forme "numérique". En partant de l'observation de quelques pratiques anciennes, on peut essayer d'analyser les différentes formes que peut prendre ce cahier de texte numérique et enfin observer comment l'arrivée de cet outil se passe dans les établissements.

Traditionnellement il y a deux cahiers de texte : celui de la classe et celui de l'élève. Bien souvent il y en a un troisième, non connu et non labellisé qui est celui de l'enseignant. Ce dernier est bien évidemment le moyen, pour l'enseignant, de suivre ses progressions et les progressions des classes dans lesquelles il enseigne. Outil personnel, ce que je nomme cahier de texte de l'enseignant est un outil que chacun bricole en fonction de son mode d'organisation personnelle. De plus en plus d'enseignants, utilisateurs d'ordinateurs ont utilisé ces machines pour y développer leur propre outil. Certains utilisent des logiciels de gestion de planning, d'autres utilisent les calendrier et agendas, d'autres encore utilisent simplement des outils classiques de bureautique. L'importance de cette pratique personnelle du numérique par les enseignants est que l'arrivée du cahier de texte numérique "officiel" va évidemment les amener à intégrer leur pratique personnelle pour améliorer leur organisation avec le nouvel outil proposé. Un enseignante témoignait de cela en montrant son cahier de texte de classe papier dans lequel elle collait puis signait, les documents qu'elle avait réalisés en traitement de texte et imprimés chez elle. Elle demande alors si elle va être obligée de refaire à chaque fois deux saisies ou si un copier coller est possible. Evidemment d'avoir appris que la deuxième solution existait, l'a rassurée, elle qui utilisait son traitement de texte pour tenir son cahier de texte personnel.

Le cahier de texte de la classe est un objet au symbole particulièrement fort. D'abord, sous sa forme papier, il est un outil de travail et de contrôle. De travail puisqu'il permet aux élèves de retrouver la progression (surtout après une absence) mais aussi parce que le contenu qu'il contient porte sur le travail des élèves et en écho, celui de l'enseignant. Dès lors cela peut devenir aussi un outil de contrôle puisque le chef d'établissement doit en vérifier la tenue et que l'inspecteur peut en demander la communication lors d'une visite en classe. D'ailleurs le cahier de texte, sous sa forme papier, ne doit pas sortir de l'établissement et doit être consultable sur place. Ni l'enseignant, ni l'élève ne doivent l'emmener à leur domicile. Au delà de cet aspect administratif qui figure dans les circulaires, il y a la réalité des pratiques. Or celles-ci sont très diverses d'un enseignant à l'autre. Certains le remplissent scrupuleusement, allant parfois jusqu'à demander un complément de place aux autres collègues. D'autres baissant la garde au cours de l'année et cessent progressivement de le remplir. Quand on passait après le mois de février dans certaines classes, il n'était pas rare de trouver de nombreuses pages blanches. D'autres aussi ne remplissaient pas le cahier de texte, sauf lors d'un contrôle. On a même vu une enseignante aller jusqu'à déchirer, au mois de novembre, les pages du cahier de texte, en en accusant les élèves, pour ne pas qu'un regard extérieur puisse le critiquer.

Trace oui, mais aussi contrôle, le numérique arrivant, les choses sont-elles différentes ? Il semble bien, mais ce sont des remarques basées sur des données très partielles, que les cahiers de textes numériques soient très bien renseignés et maintenus. La circulaire qui lui donne un cadre, stipule qu'il devra être visible des parents d'élèves et des enfants depuis un poste informatique connecté à internet en dehors de l'établissement. Est-ce cette nouvelle visibilité qui a amené à une adoption massive du cahier de texte numérique ? De fait certains témoignages rapportent que certains parents font des remarques aux enseignants sur leur manière de remplir (ou pas) le document. En fait, il semble que nombre d'enseignants qui utilisent l'ordinateur personnellement ont trouvé une facilité à remplir ce document. En effet ils peuvent le remplir de chez eux, avant et/ou après le cours et ne se trouvent pas obligé de consacré la fin de l'heure ou l'intercours pour le remplir sur la formule papier antérieure.

Le cahier de texte de l'élève est un autre objet qui n'est pas sans poser de problème. Il reste d'actualité, non pas dans les textes, puisqu'il n'a pas de cadre autre qu'une recommandation (dernière ligne de la circulaire), mais dans les faits. A ne pas confondre avec le carnet de correspondance qui a lui aussi une fonction de communication et d'échange avec la famille, le cahier de texte de l'élève fait lui partie de ces objets dont chaque enseignant pense qu'il est indispensable et surtout qu'il faut savoir le "tenir". Cependant la désespérance émerge souvent du discours de certains enseignants devant le travail à la maison non fait, reflet d'une tenue négligée du cahier de texte de l'élève. Ce document, jadis inscrit comme officiel a désormais disparu des textes. Avec le cahier de texte numérique et l'accessibilité à distance, la version papier pourrait sembler faire doublon. Hormis pour ceux qui ne pourraient avoir Internet à la maison (il en existe encore...) le cahier de texte de la classe en ligne est le moyen d'avoir "sous la main" les travaux à faire, le calendrier et les documents nécessaires pour la réalisation de ces travaux. D'ailleurs certains ne se privent pas de résister quand le professeur leur demande de tenir leur cahier personnel papier.

L'avènement de cet objet numérique nouveau dans le paysage scolaire pourrait bien changer plus radicalement l'organisation scolaire qu'on ne le pense. Certes pour l'instant l'analogie reste garante de la tradition. Mais on commence à voir apparaître de nouveaux comportements, tant des élèves que des enseignants des parents et aussi de la hiérarchie. En commençant par cette dernière, le regard sur le travail de l'enseignant au travers de cet outil peut se faire à distance, indépendamment du temps de la visite, que ce soit pour l'inspecteur, s'il en a les droits, ou pour le chef d'établissement. Ce n'est pas encore fait, mais cette possibilité à laissé passer cette envie dans l'esprit de certains. On peut imaginer, avec un peu de paranoïa, un regard à la big brother venu d'en haut et qui surveillerait "toutes les classes" au travers du cahier intégré aux ENT... Si l'on va du coté des parents, on ne constate pas, dans les nombreux témoignages recueillis depuis plusieurs années, de débordements intempestifs. Certes il y a toujours quelques situations difficiles mais l'hypothèse d'une déferlante de plainte et de reproche n'a pas encore été observée. Au contraire même dans certains cas, le développement du cahier de texte numérique a pacifié des relations difficiles entre l'établissement et des familles restées sur des différents importants de communication. La vraie question est celle de la relation enseignant élève d'une part et la relation au travail personnel à faire à la maison d'autre part. L'équilibre progressif qui est en train de se faire va encore demander du temps. En effet ni les uns ni les autres n'ont encore suffisamment exploré le potentiel de l'outil. Plusieurs outils mis à disposition des équipes ont permis des communications en lien avec le travail à faire qui ont ouvert de nouvelles possibilités (aide à distance, ajustements, dépot de documents etc...). La question du travail à la maison reste cependant un objet difficile? Certains enseignants, disposant d'outils offrant des possibilités poussées de suivi de ce travail ont pu observer mieux les comportements de leurs élèves, mais aussi mieux harmoniser les exigences. Voir ce que le collègue demande aux élèves peut inciter à repousser ou modifier des demandes. Le rituel "Madame, on a tous les travaux à faire la même semaine"(justement avant les conseils de classe) est aujourd'hui soit observable, soit discutable.

La poursuite du déploiement du cahier de texte numérique, en lien avec les autres outils de communication et de suivi du travail devrait amener à des évolutions dans des pratiques anciennes. Toutefois la découverte de l'outil demande du temps? En 2011-2012 nombre d'établissements ont gardé les deux versions, voire ont retardé l'arrivée de la version numérique. Le temps de l'appropriation puis celui des détournements n'est pas encore arrivé de manière générale. Souhaitons que le développement de cet outil amène les équipes à repenser le rapport au suivi du travail des enseignants et de celui, personnel, des élèves en lien avec l'environnement numérique de l'établissement

Bruno Devauchelle


Sur le site du Café

Par fjarraud , le jeudi 25 octobre 2012.

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