Pratiques innovantes : Un concours vidéo sur l'égalité des chances et des sexes 

Par François Jarraud



Repérée au Forum des enseignants innovants et de l'innovation éducative, l'équipe du lycée Marie Curie d'Echirolles (38) a construit un remarquable projet qui a impliqué 3 adultes  : documentaliste, CPE et economie-droit. Merci de témoigner ici de ce projet.


La vidéo, surtout dans une application aussi forte, a du mal à entrer dans l’école ; Comment vous est venue l’idée de l’utiliser comme support de votre enseignement ?


C’est une longue histoire car l’utilisation de la vidéo est l’aboutissement d’un travail sur l’image qui s’est tenu depuis une dizaine d’année dans notre lycée. En effet, une équipe d’une vingtaine d’enseignants s’est formée à l’analyse d’images et différents concours ont été organisés autour de l’image fixe dans un premier temps : « les dix images de la décennie » en 2000, le « analyse et détournement d’images publicitaires » en 2005, enfin un concours de « roman-photo » sur le thème du respect garçons-filles en 2007.

Par ailleurs, nous avons toujours revendiqué notre volonté de travailler en interdisciplinarité sur ce type d’action. Or l’éducation à l’image s’inscrit de façon transversale dans l’ensemble des programmes des différentes disciplines. Logiquement, cette année marque le passage de notre projet à l’étude de l’image animée. Les enseignants volontaires ont été formés à l’analyse d’images filmiques dans le cadre d’un stage d’établissement. Quant au thème retenu pour le concours (l’égalité des chances et des sexes) les IUFM de Lyon & Grenoble nous ont accueillis lors de journées de formation sur « Le genre et les discriminations sexuées au cinéma, dans la bande dessinée et dans les jeux vidéos ».


Effectivement, il nous a fallu convaincre l’équipe des professeurs participants de la faisabilité du projet. D’aucuns étaient sceptiques sur la possibilité de produire un court métrage en une journée, d’autres redoutaient des contraintes et problèmes techniques insurmontables liés à l’utilisation de la vidéo numérique…

Au total sept classes étaient en compétition : 4 classes de seconde et 3 classes de première (STG, ES et arts appliqués) soient 238 élèves répartis en 36 groupes.



Qu’en attendiez vous ?


La dimension d’un travail en équipe pluridisciplinaire nous a toujours tenu à cœur pour le travail sur l’image. Il nous semble en effet, intéressant de croiser les regards et les compétences et d’ouvrir au maximum les disciplines sur un sujet commun. Ainsi collaborent au projet des professeurs de lettres, d’histoire-géographie, d’économie-gestion, d’éducation physique et sportive, d’arts appliqués, ainsi que les professeurs documentalistes. Un groupe de pilotage se réunit régulièrement sur l’année pour accompagner la réalisation du projet (rédaction du règlement du concours, grille d’évaluation, organisation de la journée jury, soirée de remise des prix…) sous l’impulsion des trois chefs de projet : deux professeures : documentaliste et économie-gestion et une conseillère principale d’éducation. Le travail en équipe est indispensable à la réalisation du projet compte tenu de son ampleur mais il est aussi devenu la marque de fabrique de notre lycée. Et nous en sommes très fières à l’heure où il est de bon ton de critiquer l’éducation nationale ! Nous attendions de la part des élèves une prise de distance par rapport à l’image, et une sensibilisation  au thème, tout en gageant que le fait de filmer et de construire (un synopsis, un scénario…) leur permettrait de se construire eux-mêmes.



Comment articulez vous ces vidéos avec le cours ?


Les classes ont bénéficié de deux types d’intervention :

-           Des conférences et animations sur le thème de l’égalité des chances et des sexes (en lien avec les cours d’ E.C.J.S, économie, histoire, communication) grâce notamment à un travail en partenariat avec la Maison de L’égalité Hommes Femmes d’Echirolles ainsi qu’une conférence de Christine DETREZ maître de conférence en sociologie à l’E.N.S de Lyon sur la représentation sexuée dans les encyclopédies médicales pour enfants.

Des comédiens professionnels sont également venus improviser sur les différents aspects de l’égalité des chances, ce qui a permis aux élèves de s’approprier le sujet tout en le dédramatisant.

-           En classe : un travail sur l’image cinématographique, les codes du récit, ceux de l’image, animée mené par les chefs de projet. Les enseignants travaillent en parallèle avec leur classe sur l’écriture du scénario, du story-board, du synopsis. Chacun s’approprie le projet en fonction de ses compétences.

Le C.D.I du lycée met par ailleurs à disposition des collègues comme des élèves un fonds documentaire (ouvrages et D.V.D) important qui sert de « mallette pédagogique ».



Matériellement comment les élèves apprennent-ils à utiliser la vidéo, comment trouvent-ils le temps et le moyen de tourner ?


Les élèves concourent par équipe de six à huit. Chaque équipe devait désigner un cadreur et un monteur. Tous les « techniciens » ont reçu une formation d’une demi-journée au maniement des caméscopes numériques : à la prise d’images puis au montage sur Movie Maker. Cette demi-journée de formation s’est organisée le mercredi après midi ou le samedi matin en décembre et a été assuré en collaboration avec l’AI de notre établissement. Les élèves venaient avec le matériel le cas écheant le lycée prêtait les caméscopes et les ordinateurs portables.


La forme du concours organisé sur une journée permet un temps fort dans l’établissement et garantit les mêmes conditions de réalisation à toutes les équipes d’élèves. Ils sont accueillis dans l’établissement dès 8h, ils arrivent avec leurs accessoires (costumes, maquillage, objets, musique...) Ils travaillent le scénario, le synopsis et la note d’intention le matin. Ils utilisent le temps restant pour réaliser leurs images dans et aux abords du lycée. Les élèves montent leur production sur Movie Maker au lycée et rendent les courts métrages et les documents papier à 17h. Nous avions testé la formule lors de notre stage de formation : on savait que c’était serré mais que c’était réalisable !



Qu’est-ce qui a bien marché par rapport à vos attentes ? Et qu’est-ce qui a moins bien marché ?


Ce qui marche à chaque fois : l’enthousiasme, la réactivité et la créativité des élèves nous épatent à chaque concours. Cette fois encore le pari a fonctionné. Sur 36 groupes en compétition seuls deux n’ont pas pu rendre leur production en fin de journée à cause de problèmes techniques insurmontables.  Les enseignants participants comme les personnels spectateurs de l’action sont à chaque fois séduits de voir la qualité et les compétences « extra-scolaires » que savent développer nos élèves.

Nous redoutions des problèmes techniques relatifs à l’accueil de 238 élèves le jour du concours (liés notamment à d’éventuels incompatibilités de standards, des pannes…) En effet, il nous a fallu emprunter une vingtaine de caméscopes auprès des familles d’élèves, des  établissements voisins, de l’I.U.F.M, du C.R.D.P ainsi que quelques P.C portables… Or la technique a bien fonctionné grâce à une organisation logistique en béton ! Nous vous faisons grâce du nombre de kilomètres de câbles branchés dans le lycée le jour du concours… Nous avons récupéré tout le matériel en état. La journée de concours tombait en plein dans les mouvements de blocages lycéens et nous avons craint de ne pas avoir la totalité de nos équipes le jour J mais l’enthousiasme de la préparation a su les convaincre de rentrer dans l’établissement !


L’absence de micros additionnels pendant le tournage a occasionné quelques problèmes de son. Il a donc fallu retravailler certains courts métrages afin de les rendre plus audibles.

La projection des travaux d’élèves dans différents lieux du lycée (forum, salle des professeurs, salle polyvalente) pendant une semaine afin de permettre l’élection du prix du public a rencontré beaucoup de spectateurs curieux de découvrir les courts métrages produits.

Enfin la cérémonie de remise des prix s’est déroulée dans une liesse incroyable tant les élèves étaient excités par le côté festif et solennel de la soirée ainsi que par le fait de voir sur grand écran leurs productions et celle de leurs camarades. 



Les élèves sont souvent passionnés de justice. Pensez vous que cela a fait évoluer leur conception sur l’égalité des chances ?


Sans aucun doute ! Beaucoup de courts métrages produits se passent dans la sphère professionnelle et portent sur des discriminations à l’embauche liées au sexe, à l’orientation sexuelle, ou encore à l’origine des postulants. C’est souvent traité de manière drôle mais cela révèle combien le sujet leur tient à cœur !  Les élèves ont su jouer des clichés traditionnels à l’œuvre dans les familles, les groupes de jeunes, le milieu du sport ainsi qu’à l’école et leur régler promptement leur sort grâce à la fiction.


Comment cela a été perçu par votre environnement : la direction, les parents ?


Nous avons eu des retours plus que positifs de la part des parents. Ils ont en effet, pu partager l’enthousiasme de leur enfant pour la préparation et la réalisation de leur court-métrage. Mais la soirée de remise des prix leur a également permis de mesurer l’ampleur du projet, ses objectifs, ses contraintes, le nombre de participants et nous pensons que l’ambition de l’ensemble les a fortement séduits.


Les partenaires du projet comme les collègues enseignants étaient unanimes sur l’ambition de l’action et les compétences développées par les élèves. D’ailleurs les courts métrages des élèves ont été réclamés par le  C.I.O de notre secteur, la Maison de l’Egalité et le service jeune de la Mairie d’Echirolles afin de les utiliser dans d’autres cadres… Cap Canal doit les diffuser sur son site également.


Notre direction était probablement pour les mêmes raisons que certains enseignants, un peu sceptique sur la viabilité du projet et un peu frileuse face à d’éventuels débordements. Nous devons reconnaître que nous avons eu peu de soutien de sa part. Une fois l’action terminée et avec succès, elle a oublié de nous remercier !  


Comment voyez vous les choses à l’avenir ?


Nous avons la satisfaction de clore avec succès un travail riche de plusieurs années de collaboration avec les collègues des différentes disciplines et des partenaires extérieurs au lycée qui nous ont beaucoup apporté. Nous n’hésitons pas à partager cette expérience avec d’autres afin de susciter des prolongements… Nous savons que le précédent concours (roman photo) a été « exporté » dans un lycée de Seine et Marne et nous en sommes très satisfaites. Nous pouvons nous reposer maintenant !


Suzanne Jeanguyot (professeur documentaliste), Nathalie Pichon (professeur d’économie gestion), Claire Todeschini (Conseillère Principale d’Education).

 

Entretien François Jarraud


Le Forum des enseignants innovants et de l'innovation éducative de Roubaix

http://www.cafepedagogique.net/communautes/Forum2009/default.aspx

Sur le site du Café
Par fjarraud , le lundi 15 juin 2009.

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