Sciences Economiques et Sociales : la crise, facteur d'intérêt pédagogique 

Les sciences économiques et sociales apparaissent comme la première discipline impliquée dans l’explication de la crise financière. Nous avons rencontré Laurence, une enseignante de SES pour qu’elle nous raconte comment ses cours s’emparent de la crise.

Laurence est enseignante en sciences économiques et sociales dans une section traditionnelle et dans une section européenne. Selon elle, ses élèves sont représentatifs de la nouvelle classe moyenne, pas vraiment défavorisés mais avec une culture générale familiale plutôt faible. Le niveau est différent selon le type de section. Pour la section européenne, elle enseigne en anglais, va plus loin dans les explications. En section traditionnelle, la compréhension de la complexité est parfois freinée par une maîtrise insuffisante de la langue française. Dans ce contexte, le rôle de l’école dans l’apport des connaissances est primordial. Et cette année, les sciences économiques et sociales décrochent le premier rôle pour mieux comprendre le monde.

D’autant que, reliée à l’actualité, cette discipline suscite l’intérêt des élèves. Les enseignants s’appuient sur l’actualité pour dérouler le programme et illustrer des notions qui au premier abord peuvent parfois paraître rébarbatives. Il y a deux ans, l’annonce du Contrat Première Embauche avait provoqué un vaste mouvement de protestation chez les lycéens. Les élèves de Laurence ont alors mieux perçu les enjeux de la notion de contrat de travail abordée en cours plus tôt dans l’année.

Avec la crise financière, de nombreuses notions du programme peuvent être illustrées. En première, des thèmes, à priori rébarbatifs comme le financement de l’économie et l’équilibre financier des agents économiques, trouvent un écho dans les pages des journaux. Ainsi, il est facile de s’appuyer sur des articles de presse pour montrer que dans une économie, des agents ont des « capacités de financement », d’autres des « besoins de financement » et que le système financier met en relation ces deux types d’agents. Hors contexte d’actualité, expliquer les circuits économiques et financiers peut s’avérer assez technique et loin des préoccupations des élèves. Là, on s’intéresse plus facilement à des éléments comme le crédit, les actions, les obligations, à des mécanismes comme celui de la formation de la monnaie. S’appuyer sur l’actualité de la crise permet de montrer que le système financier est important et pourquoi aujourd’hui, ça coince. On peut aussi se pencher sur l’articulation entre le marché et l’Etat, sur l’équilibre entre les interventions de l’un et de l’autre. En terminale, le thème de la croissance est au programme. On pourra mettre en évidence certains facteurs liés à l’investissement, aux taux d’intérêt ou à l’autofinancement pour expliquer le phénomène de propagation de la crise financière à l’économie réelle.

Le sujet de la crise financière est assez technique et nécessite des explications plus poussées que d’ordinaire. L’étude des articles de presse ne peut suffire d’autant que les journaux français sont assez pauvres en explications poussées. Pour la classe européenne, Laurence peut s’appuyer sur des ressources américaines et anglaises plus étoffées. Pour elle, la différence d’approche entre la presse anglo-saxonne et française tient avant tout à une différence de culture économique. En France, elle est faible, on a tendance à s’en remettre aux autres (l’Etat, les banques), pour résoudre et comprendre une crise financière qui dépasse la majorité des citoyens.

Et pourtant, c’est bien une certaine forme de citoyenneté qui est en jeu. Comment approuver ou non une décision économique qui met en jeu des options futures de développement du pays et de l’Europe si on ne possède pas les clés pour comprendre, prendre du recul, se saisir des arguments pour construire sa propre opinion. Les sciences économiques et sociales ont là un rôle important à jouer. Leur évaluation au bac est basée sur une dissertation. Les élèves apprennent à argumenter, à comprendre des points de vue divergents, à les disséquer pour explorer les causes et les conséquences d’un problème et exposer leur propre point de vue.

La crise constitue pour l’enseignement des sciences économiques et sociales un vivier d’exemples, un moyen d’intéresser les élèves à cette discipline. Elle est aussi une illustration de son importance dans la formation du futur citoyen. La réforme du lycée remettra-t-elle en cause toute la richesse des Ses ? Pour Laurence, du côté positif, les sciences économiques et sociales pourront faire partie des cours suivis par l’ensemble des lycéens de l’enseignement général et du côté négatif, elles risquent de perdre leur dimension de formation de culture générale et de formation du citoyen, en limitant notamment les ambitions en terme d’apprentissage de l’abstraction et leur propension au débat. En effet, elles seront dans le cadre de la réforme davantage liées à l’enseignement de la gestion et le droit, disciplines qui enseignées au niveau du lycée comportent moins cette dimension de formation à la critique et s’adressent en pratique le plus souvent à des élèves moins à l’aise avec la réflexion abstraite. Respectant les principes de son enseignement, Laurence ne se prononce pas dans l’immédiat. Elle attend que des éléments tangibles, des textes sortent sur la réforme pour fonder sa propre argumentation.

Entretien réalisé par Monique Royer



Dossier : La crise financière
La Classe - Numéro 96
Par moniqueroyer , le mercredi 15 octobre 2008.

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