Chateaudun 2.0 : à l'intérieur de l'école innovante d'Amiens 

 

 

Par Françoise Solliec

 

 

Dans la vie concrète d'une école ordinaire d'une ville moyenne française, bénéficiant d'enseignants qui ne sont pas spécialement sélectionnés, comment les Tice peuvent-elles aider les élèves ? C'est l'expérience que mène l’école élémentaire Chateaudun à Amiens qui participe au programme international Ecoles innovantes initié par Microsoft.  L'équipe enseignante apporte des réponses intéressantes : utiliser le partenariat avec des écoles de pays différents pour décloisonner les classes, fonctionner en groupes de compétences, donner sens à de nombreux apprentissages au travers de productions multimedia… Pas de clinquant, de la pédagogie.

 

 

Un projet centré sur l’élève

Tous les après-midis, pendant 1 h 30, les six classes de l’école fonctionnent en groupes parallèles et décloisonnés regroupant, d’une part, les élèves du cycle 2 (CP, CE1) et de CLIS et, d’autre part, ceux du cycle 3 (CE2, CM1 et CM2). La répartition dans les groupes est effectuée à partir des évaluations de CE1 et CM2, sur les compétences dire, lire et écrire. Comme pour tout le département, les résultats à ces évaluations sont en-dessous de la moyenne nationale.

L’école est entrée dans le programme au printemps dernier, mais les travaux en classe n’ont démarré qu’en octobre de cette année. Cet intervalle a permis au directeur, Bruno Nibas, de rencontrer tous les partenaires locaux (IEN, conseiller pédagogique, conseiller TICE du rectorat…) et externes (groupe de pilotage du programme, correspondants des autres pays, chercheurs de l’INRP…) et d’affiner le projet pédagogique avec son équipe.

 

« Je souhaitais voir le projet se centrer sur l’élève », nous explique Bruno Nibas, « ce qui n’est pas le cas dans la plupart des projets du réseau Innovative Schools, où ce sont les enseignants qui sont plus directement concernés, même s’ils rapportent le travail effectué dans les classes ». Dans les rencontres internationales, Seattle ou Helsinki, ou par courrier électronique, Bruno Nibas s’est donc mis en quête de classes partenaires et en a trouvé dans différents pays, Brésil, Suède, Finlande, Chine. D’autres contacts, non prévus a priori dans le réseau Innovative Schools, se sont noués avec le Canada et le Pérou.

Tous les élèves ont été informés en septembre du programme de travail de l’année dans les groupes : connaître des élèves d’autres pays et s’en faire connaître, en leur envoyant des productions multimedia et en rédigeant des textes. Chaque groupe devait se centrer sur deux pays et en aborder les aspects, géographiques, historiques et économiques, qui permettraient de situer les correspondants et de comprendre leur environnement. Un travail a alors été entrepris dans chaque classe, pour faire s’exprimer les élèves sur la signification et l’utilisation des documents numériques.

 

Côté équipements, l’école est bien dotée. Les enseignants disposent chacun d’un portable qui leur a été fourni par le rectorat. Avec leurs élèves, ils peuvent utiliser la salle informatique de 15 postes, un ensemble de 8 postes portables, un tableau numérique et quelques video-projecteurs. Imprimantes, scanner et camera numérique sont également disponibles, ainsi qu’une connexion internet dans chaque salle de classe

 

 

En phase de démarrage, les réunions de coordination ont été très fréquentes, et l’IEN de circonscription y a beaucoup participé. Des fiches de travail ont été établies, pour permettre à chaque groupe d’aller le plus loin possible, en fonction des compétences des élèves.

Initialement, il avait été prévu que les activités décloisonnées dureraient un peu plus de 2 heures, les élèves se retrouvant en groupe classe pour un bref temps de compte-rendu. Il est vite apparu que cette organisation posait problème et qu’il valait mieux garder un temps plus long pour la classe, pour pouvoir y reprendre une réelle activité, après le compte-rendu des travaux dans les groupes. Ces allers et retours semblent bénéfiques aux élèves. « Ils ont ainsi l’occasion de réutiliser dans un autre groupe des compétences acquises dans le groupe classe (par exemple certains élèves de CE2 qui avaient travaillé en classe sur la ville ont fait remarquer à leurs camarades de CM, « on ne dit pas les murs de devant d’une maison, mais la façade ») et en expliquant ce qu’ils viennent de faire, de mieux le comprendre et se l’approprier », nous déclare une enseignante.

Maintenant que le fonctionnement est rôdé et que les guides de travail sont rédigés, la réunion globale se tient mensuellement et des réunions de cycle tous les 15 jours.

 

Une équipe de chercheurs de l’INRP est chargée d’évaluer le projet. « Les recherches conduites porteront plus spécifiquement sur la mise en place du socle commun de compétences, l’accompagnement scolaire, l’usage des TIC dans les apprentissages, les divers environnements éducatifs innovants, les transformations de l’organisation et de l’architecture scolaires » est-il dit sur le site correspondant de l’INRP. Des synthèses résultant de séries d’entretiens avec les acteurs et d’observations de classe tout au long des deux années scolaires 2007-2008 et 2008-2009 y seront publiées.

 

 

Produire pour dialoguer avec des élèves d’autres pays

Dans la première phase, en train de s’achever, il s’agissait de connaître et se connaître, de situer et se situer. Ainsi un groupe cycle 2- CLIS s’est attaché à faire connaissance avec la Suède et le Chili. Après de nombreuses recherches documentaires, aussi bien dans les livres que sur Internet, une bande dessinée et un montage multimedia ont été réalisés, faisant figurer en bonne place trois animauxqui ont excité leur curiosité et leur imagination, le tatou, le pélican et le renard polaire.

Dans les trois groupes du cycle 3, les pays étudiés sont le Brésil, la Finlande, la Chine, la Suède et le Pérou. Dans chaque groupe, on a travaillé à la présentation individuelle des élèves (y compris dans des rencontres philosophiques sur la connaissance de soi) sous différentes formes, de la fiche illustrée à la carte mentale, à la présentation de l’école et à des productions multimedia mettant en valeur les connaissances accumulées sur les pays. Des rencontres avec des visiteurs, fréquents dans cette école d’application, des événements comme le carnaval de Rio, des apports des parents ont enrichi les lectures et donné plus de résonance aux acquisitions en classe.

La plupart des nombreuses réalisations, podcasts audio, montages video, enchaînements de photos avec utilisation de musiques ou de textes dits et écrits (tous les documents étant libres de droit) ont été déposées sur le blog de l’école ou dans l’espace numérique de travail que la ville d’Amiens a installé pour ses écoles. « On a détourné quelque peu les fonctionnalités de Scolastance » explique Bruno Nibas, « la gestion des absences n’est pas notre premier souci et nous étions bien plus intéressés par la mise en commun de ces productions ou d’éléments préparant le travail des élèves ».

 

Dans la deuxième phase, les correspondances de classe se mettront en place ; des rencontres sont prévues par visio-conférence, les élèves s’exprimant dans leur langue natale ou en anglais. Ce sera l’occasion pour la déléguée académique à l’innovation, IPR d’anglais, de pénétrer dans les classes et de pouvoir suivre en direct les avancées du projet.

 

 

Un premier bilan, et la suite

« La première conséquence de cette aventure est l’investissement des élèves » déclare Bruno Nibas. « Nous n’avons connu aucun problème de comportement. Les élèves sont enthousiastes et en parlent dans les familles. Les parents, qui bénéficient également des informations communiquées sur l’ENT, nous expriment leur satisfaction. Nous mesurons aussi déjà des effets sur les élèves de CM2 en termes d’orthographe et de production écrite ».

Malgré l’importance accordée dans les travaux de groupe à la lecture et à l’expression écrite et orale, beaucoup d’autres disciplines y interviennent. Nous avons cité plus haut l’histoire, la géographie, les sciences naturelles, mais il y a aussi eu du travail en mathématiques, notamment à l’occasion d’échelle de croquis et de gabarit.

La réalisation des nombreuses productions multimedia a nécessité de la part de l’équipe éducative un important travail de repérage et d’appropriation des logiciels les plus adaptés, ou les plus abordables pour le budget de l’école. Si certains d’entre eux étaient déjà connus dans l’école comme Audacity (traitement de sons) ou Photofiltre (traitement d’images), d’autres l’étaient moins comme Photorécit, qui permet un montage de textes, de sons et de photos, ou Inspiration, le logiciel de carte mentale, qui permet aux élèves de donner une image d’eux-mêmes sous formes de graphes d’éléments divers reliés entre eux. Mais ce travail a été fort bien accepté et sera certainement rentabilisé dans le futur. « Je ne vais pas rester ici » explique l’enseignante de CE2, « mais je ne pourrai plus me passer de travail à l’ordinateur avec les élèves et quelle que soit l’école dans laquelle je serai, j’utiliserai le mien ».

 

Comment va se poursuivre cette aventure ? Le programme Innovative Schools, qui devait a priori durer deux années, sera probablement actif sur cinq ans. Mais le projet d’école peut perdurer bien au-delà, puisqu’il s’inscrit dans un statut d’expérimentation, au sens de l’article 34, afin de pouvoir réaliser plus librement l’adaptation des horaires et les regroupements par niveaux de compétences. « Il serait sans doute nécessaire d’augmenter le nombre de classes étrangères avec lesquelles nous allons travailler, si nous voulons être sûr d’une réalisation sur plusieurs années » affirme Bruno Nibas. « Pour la mobilisation de l’équipe éducative, je n’ai pas de craintes, même si les personnels tournent souvent au sein de cette école d’application (la moitié de l’équipe a été renouvelée cette année). Le rôle du directeur change considérablement avec un projet de ce type, on est à la fois formateur, dépanneur, interlocuteur de nombreux partenaires (notamment la mairie, la presse, le rectorat). Il y a à assurer beaucoup plus de communication et d’animation, et on se retrouve parfois presque dans un rôle de management ».

 

Le blog de l'école 

http://blogs.ac-amiens.fr/generalistes/gen_chateaudun/

La recherche menée par l'INRP

http://eductice.inrp.fr/EducTice/partenariats/IS_Amiens_observe2008

Sur le site du Café
Par fsolliec , le mardi 15 avril 2008.

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