Plagiat sur Internet : Eduquer ou dissuader ? 

Par François Jarraud

 

 

"Les étudiants favorables à une formation à la documentation plagient plus que les autres". Au départ de cet article cette formule assez scandaleuse tirée d'un document pseudo scientifique d'un éditeur de logiciel anti-plagiat. Faut-il alors renoncer à former les élèves à Internet et tenter l'ignorance ? Ou faut-il au contraire adopter une véritable attitude éducative ? Et si oui avec quelle efficacité ?

 

"Les étudiants favorables à une formation à la documentation plagient plus que les autres. Effectuées sans contrôle anti-plagiat, les formations méthodologiques seules ne font que faiblement baisser le recours au copier-coller". Cette vigoureuse condamnation de la formation à la documentation est également très intéressée : elle émane d'une "étude" réalisée par l'éditeur d'un logiciel de détection de plagiat sur Internet et l'Université de Lyon.

 

L'étude établit l'importance d'Internet comme source documentaire : 90% des étudiants y font appel et ils en distinguent les limites. Ils savent qu'Internet est rapide, offre une information variée mais de faible qualité.  Elle montre que 83% des travaux sont réalisés avec l'ordinateur quitte, dans 62% des cas, à être ensuite écrits à la main. Les trois quarts des étudiants recopient au moins un passage pris sur Internet dans leurs travaux parce qu'ils trouvent que le copier-coller est facile et rapide. Ils estiment à 10% du travail la part prise par ce "copier-coller" dans les travaux.(habilement l'étude utilise cette expression dans les questions et introduit le mot plagiat dans les commentaires comme si les deux mots étaient synonymes…).

 

Doit-elle pour autant opposer démarche éducative et répressive ? Remarquant que 80% des étudiants ont reçu une éducation à la recherche documentaire, les auteurs en tirent la conclusion que ce sont ceux–là qui plagient le plus, calculent la corrélation et trouvent que ceux qui savent utiliser Internet ont davantage recours à Internet… Ils jettent alors le discrédit sur la formation documentaire accusée finalement de pervertir les étudiants alors qu'ils ne font qu'affirmer un sophisme.

 

Leur étude pourrait tout autant démontrer l'inutilité de leur logiciel. En effet, selon elle, la majorité des enseignants estiment ne pas en avoir besoin (51% affirment trouver que le copier-coller est inexistant ou peu important). 4% seulement des étudiants y confessent acheter des travaux tout faits sur Internet. Enfin, l'étude de ces partisans de la dissuasion sur l'éducation calcule que seulement 2% des étudiants pensent que copier n'entraîne pas de sanction. 

 

Le plagiat par Internet est pourtant un problème sérieux. Dans une des premières études de fonds sur ce sujet, M. Bergadaà en avait montré l'étendue (plus importante qu'à Lyon) et avait détecté 5 profils différents d'étudiants : le non plagieur, le "bricoleur"qui utilise la toile sans connaître les règles; le "tricheur" qui suit ses camarades; le "manipulateur" qui ne suit que ses propres règles; le "fraudeur" qui les enfreint sciemment. Ce faisant elle montrait la nécessité d'éduquer les étudiants et de réglementer. C'est visiblement en réaction à ce travail, qui concluait à la vanité de la voie répressive, que s'établit l'étude lyonnaise.

 

Le plagiat interroge aussi les valeurs de l'Ecole. Il rappelle l'obligation d'égalité, celle-là même qui n'est pas n'est pas toujours respectée dans la classe dès lors que l'enseignant donne du travail à la maison. Combien de devoirs, de tout temps,  ont été faits à la maison avec l'aide des parents dans les familles favorisées ? Il interpelle aussi l'Ecole sur le paradigme de l'éducabilité. C'est ce que  des lycéens américains ont rappelé récemment en poursuivant leur établissement parce qu'il utilisait un logiciel (concurrent !) de vérification sur Internet.

 

Aussi l'Ecole est-elle fidèle à sa mission quand elle apporte une réponse éducative et créative. Alors qu'un rapport de l'Inspection fustige les procédures d'évaluation à l'université, sur la question du plagiat, il faut peut-être rappeler la position prise par la Commission de l'éthique de la science et de la technologie (CEST) québécoise. Pour la CEST les logiciels de détection instaurent la présomption de culpabilité à priori ce qui lui semble à la fois éthiquement inadmissible et générateur d'un climat scolaire dégradé. Aussi propose-t-elle  d'évaluer autrement. Que "les enseignants adoptent des types de travaux et d'évaluation qui rendent le plagiat difficile ou trop peu profitable et qui aiguisent davantage la curiosité et le plaisir d'apprendre des étudiants". La Cest recommande par exemple les exposés oraux, les travaux par étapes avec suivi effectué par l'enseignant ou un assistant, les laboratoires, les épreuves formatives et les études comparatives. Le souci d'une apparente efficacité ne doit pas nous faire oublier cette question fondamentale dans la relation pédagogique : peut-on enseigner et apprendre dans la méfiance ?

L'enquête lyonnaise

http://www.compilatio.net/enquete.php

Dans le Café Le rapport du Cest

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/02/index210206[...]

Dans le Café l'étude de M. Bergadaà

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/05/index160506_Pe[...]

 

 

Sur le site du Café
Par fjarraud , le lundi 15 octobre 2007.

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