Édito 

 

Le rapport de la mission d’audit de modernisation consacré à la contribution des nouvelles technologies à la modernisation du système éducatif qui a déjà fait l’objet d’une première analyse dans l’Expresso du 5 avril mérite que l’on y revienne.

 

Classiquement constitué de deux parties, l’une de constats, l’autre de propositions, le rapport tranche avec ceux que l’Inspection générale a déjà consacré aux TICE, par son caractère direct et sans concession, aussi bien lorsqu’il s’agit analyser les difficultés de diffusion des usages des TIC dans l’enseignement que de recommander des pistes pour la réorganisation de l’administration centrale et des services académiques.

 

Parmi les causes qui expliquent le décalage entre le niveau honorable des équipements informatiques dans les collèges et les lycées et celui plus faible des usages pédagogiques, le rapport pointe d’abord un défaut de pilotage et de gouvernance de la part du ministère lui-même. En dehors du B2I sur lequel le cap a été gardé avec constance, les initiatives prises ces dernières années au niveau national pour favoriser les usages des TIC sont apparues comme un ensemble d’actions disparates, tournées davantage vers les effets de communication que vers le cœur de ce qui était alors en jeu.

 

Mais les rapporteurs pointent bien d’autres causes pour expliquer le retard de la France sur ses voisins. L’une des plus importantes concerne ce que le rapport appelle « la zone grise » des compétences partagées entre les collectivité territoriales et l’Éducation nationale dont les décrets de 1985 (acte I de la décentralisation) ne fixent pas clairement la répartition. Il s’agit en particulier de la compétence de maintenance des équipements, d’assistance et d’accompagnement des utilisateurs, dont les chefs d’établissement et les enseignants disent que les conditions dans lesquelles elle est aujourd’hui prise en charge constituent l’un des obstacles principaux à l’extension des usages. Pour le surmonter, il aurait fallu que le ministère se tourne loyalement vers les collectivités, régions et départements, pour négocier avec elles les principes et les règles d’un juste partage des responsabilités. Les trois derniers ministres et leurs conseillers ne l’ont pas fait, préférant camper sur une position de force qu’ils n’avaient malheureusement pas les moyens de tenir.

 

Pour sortir de cette situation, les auteurs du rapport suggèrent de recentrer l’action ministérielle sur la définition d’une politique générale des TICE et de confier aux académies la responsabilité de sa mise en œuvre, en concertation avec les collectivités territoriales. La proposition de confier la définition des orientations nationales à la DGESCO (direction générale de l’enseignement scolaire) conduit implicitement à la disparition de la SDTICE.

 

Le projet académique TICE serait organisé autour d’une plate-forme de services qui prendrait en charge les fonctions d’achat, de gestion et d’administration des équipements, ainsi que les fonctions de soutien aux utilisateurs. Cette proposition s’appuie sur le principe d’une mutualisation globale des moyens de l’Académie et des collectivités territoriales au sein d’une structure porteuse de la plate-forme, de type GIP (groupement d’intérêt public). Cette approche, décrite en détail dans l’annexe 7 du rapport, place les services académiques en position de pilote et les collectivités territoriales en position d’apporteurs de moyens. Cette vision, intéressante dans son principe, rencontrera cependant plusieurs obstacles. Les collectivités d’un même territoire (la région, les départements et les communes importantes) devront s’engager sur le long terme dans un tel projet. Or, le processus de décentralisation, commencé en 1981 et poursuivi en 2004 par le transfert des fonctions d’hébergement et d’accueil, invite les départements et les régions, à ne plus se contenter du rôle de fournisseur de moyens, c’est-à-dire de financeurs, mais à revendiquer le leadership du projet éducatif territorial. Il ne sera sans doute pas facile à ces collectivités, le plus souvent de sensibilités politiques différentes, d’abandonner une part de leur autonomie à une structure qu’ils ne contrôleront pas. Comment les choses se passeront-elles par exemple en Ile de France avec ses trois rectorats et ses huit départements ?

 

Autre élément que le rapport nous semble avoir négligé : celui de l’établissement. La comparaison avec nos voisins britanniques, allemands et d’Europe du Nord montre que nos difficultés dans l’usage pédagogique des TIC proviennent aussi du faible niveau d’autonomie réelle des établissements français et de leurs chefs, gestionnaires de moyens sur lesquels ils ont peu de pouvoir. Or, dans les établissements, on assiste également à une montée en puissance des collectivités. Elles sont aujourd’hui employeurs des agents techniques chargés de la restauration, de l’entretien et de l’accueil et ce ne serait pas une surprise que, dans les prochaines années, les personnels chargés de la gestion administrative et comptable leur soient également transférés. Cette évolution encouragera les départements et les régions à se placer en position de responsabilité dans le domaine de l’informatique, aussi bien administrative que pédagogique.

 

Le rapport d’audit réunit un ensemble de propositions concrètes dont nous pouvons dire qu’il est le plus intéressant et le plus abouti que l’Éducation nationale ait produit à ce jour sur la question des TICE. Il appartient désormais à ses partenaires, c’est-à-dire aux collectivités territoriales, de s’emparer de ces questions et d’exprimer leurs points de vue. Certaines s’y emploient depuis plusieurs mois mais en ordre dispersé. Une fois les échéances électorales passées, les collectivités devront rapprocher leurs visions afin d’éviter une multiplication de plates-formes de services qui ne tireraient pas parti des synergies susceptibles d’améliorer la qualité du service et de réduire les coûts. Peut-être même, l’Éducation nationale pourrait-elle contribuer activement à ce rapprochement, sans chercher à imposer son point de vue, mais sans renoncer à affirmer pleinement son rôle de définition de la politique nationale en faveur des TICE.

Par sergepouts , le mercredi 18 avril 2007.

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