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Éditorial : Reprendre des forces 

Rarement l'Ecole aura connu un premier trimestre aussi usant. Avec une explosion épidémique qui a ajouté de lourdes charges, particulièrement dans le premier degré et particulièrement pendant la dernière semaine, l'Ecole arrive aux vacances de Noël au bout du rouleau. Malheureusement tout indique que les vacances de Noël ne seront qu'une parenthèse avant de nouvelles épreuves.

Personne ne sait dans quelles conditions sanitaires il fera faire la rentrée et même si rentrée il y aura. Autour de nous on voit les écoles fermer en avance, en Belgique et en Suisse par exemple, sous la pression de l'épidémie. On en voit d'autres prendre des précautions et préparer activement une rentrée en distanciel. Ainsi en Angleterre les élèves partent en vacances avec une tablette au cas où… En Angleterre encore, mais pas seulement, on organise les écoles pour tenir face à l'épidémie à l'aide de capteurs de Co2, de tests systématiques des élèves et des personnels. Autant de mesures que le conseil scientifique covid recommande mais que l'éducation nationale se garde de mettre en œuvre.

Mais un autre danger, plus durable, est arrivé en cette fin de trimestre. Ce n'est pas que l'avenir à court terme de l'école qui est menacé. C'est celui du système éducatif et des enseignants qui est maintenant sous la pression d'un contre projet.

Les partisans de la libéralisation de l'Ecole sont entrés en campagne. Et ils vont vite. Résumons cette dernière semaine de classe. Elle débute par l'adoption définitive de la loi Rilhac qui fait des directeurs d'école les supérieurs hiérarchiques de leurs collègues tout en ne leur accordant aucun statut protecteur. Ils ne seront vraiment qu'une courroie de transmission, remplaçables à tout moment par quelqu'un de plus docile. A Marseille, Jean Castex annonce la mise en place du projet d'écoles Macron. Là on va un peu plus loin. Le directeur participe à la nomination des professeurs, même si le ministère et l'Elysée ont dû en rabattre beaucoup sur leurs intentions.

En même temps la Cour des Comptes jette dans la campagne électorale un brulot contre l'Ecole appelant à sa libéralisation. Elle va un peu plus loin qu'E Macron. La Cour demande des écoles autonomes, gérées par de vrais managers notant leur personnel et la redéfinition du métier enseignant de façon à augmenter leur temps de travail et leurs missions.

C'est aussi ce que laisse entendre E Macron dans son intervention télévisée où il lie une éventuelle revalorisation à des changements dans le métier. Enfin le ministère publie des cartes scolaires pour 2022 marquées par des pertes sensibles de postes dans le 2d degré et une stabilité dans le 1er alors que les charges augmentent.

Le second trimestre sera celui de la campagne électorale. On voit se dessiner un large front pour effectuer une révolution libérale dans l'école. Ce front réunit les partisans d'E Macron et ceux de V Pécresse. Alors que le pays semble prêt à basculer à droite ou à l'extrême droite, ce projet a le vent en poupe.

Jusque là les enseignants sont muets. Les mouvements de protestation ont peu de succès. Leurs représentants sont régulièrement bafoués par le ministère qui impose ses projets même contre les syndicats unanimes comme on l'a vu cette semaine avec les heures supplémentaires des AED ou la loi 3DS.

A vrai dire, cette atonie n'est pas propre aux enseignants. Elle a gagné des pans entiers de la société. Des millions de personnes ne voient plus d'issue, sont résignées et se replient sur leur vie personnelle.

La particularité des enseignants c'est qu'ils sont en première ligne. En première ligne face à la politique de laisser faire face au covid. En première ligne face au projet de nouveau métier enseignant et de libéralisation de l'Ecole. Pour eux le second trimestre sera déterminant. Les 5 années qui vont venir pourraient voir un changement complet de leur statut et une privatisation accélérée de l'Ecole. C'est ce que les enseignants britanniques ont vécu il y a 10 ans avec la privatisation des écoles publiques, l'ouverture des "academies" et des "free schools", la remise en cause de leur statut et le recul de leur salaire. 

Ce moment arrive maintenant en France. Il a toutes les chances de l'emporter et l'Ecole républicaine avec. Personne ne sait dans quelles conditions se fera la rentrée. Mais il est clair que s'ouvriront des semaines déterminantes.

 

François Jarraud

 



Par fjarraud , le jeudi 16 décembre 2021.

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