L'école française et le web 2 

François JarraudLe Web 2 a percé le mur de l'école. C'est le premier enseignement du sondage réalisé par Le Café pédagogique auprès de ses lecteurs dont les résultats constituent le dossier central de ce numéro du Café pédagogique mensuel. Les 443 enseignants qui ont participé à cette enquête, menée en novembre 2010, sont majoritairement des utilisateurs personnels du web 2. Plus de la moitié des enseignants disposent d'un compte sur Facebook (55%). 57% participent à des sites professionnels collaboratifs. 40% utilisent Google Docs. Presque un tiers a ouvert son blog. Les profs sont bien en réseau.


En classe, le web 2 est en train de trouver sa place. Un enseignant sur dix (9%) utilise Facebook en classe. Trois fois plus (27%) s'appuient sur un blog. On a là des usages massifs. Enfin le dernier enseignement de cette enquête c'est que 13% des enseignants utilisent le téléphone portable pour un usage pédagogique. C'est un phénomène très récent, lié à l'apparition des smartphones, selon les commentaires accompagnant ces déclarations. Ce qui est intéressant c'est que cela pourrait rejoindre des usages adolescents (un jeune sur cinq a déjà posté une vidéo sur internet) jusque là méconnus.


Comment expliquer cette poussée du web 2 ? Sans doute par la volonté chez certains enseignants de s'appuyer sur les pratiques des élèves. Cela nous est dit très clairement pour Facebook par exemple. Le fossé générationnel des usages Internet existe bien (rappelons que selon l'enquête de Fréquence Ecole, Facebook est le site le plus utilisé par les adolescents). Mais sa largeur est plus faible que prévu. Plus profondément, le web 2 "entraîne une interaction poussée avec les utilisateurs", nous confie un expert. C'est elle que poursuivent certains enseignants. Certains pionniers retrouvent, avec le web 2, des situations connues au début de l'informatique : un intérêt soutenu des élèves, une certaine complicité, de la communication au service du faire, de l'expression. Le web 2 ramène la relation pédagogique à l'activité et au questionnement là où l'invasion du TBI conduit souvent au renforcement du cours magistral et de la passivité. Il oblige aussi à travailler  des compétences relationnelles dont on connait à la fois l'importance et la faible prise en compte dans l'enseignement classique.


Qu'en font les enseignants ? Dans chaque discipline, les rédacteurs du Café mensuel ont enquêté et présentent des usages et des enseignants utilisateurs du web 2. Alain Le Flohic a ouvert une page Facebook pour son CDI. Christian Jaeglin montre l'intérêt des conférences en ligne pour l'enseignement des langues. François Jourde celui du wiki pour l'enseignement de la philo. L'EPS, avec l'expérience de la Peps'team, un réseau d'enseignants, est particulièrement éclairante. L'important dossier de Jean-Pierre Meyniac sur les usages en histoire-géographie éclaire fortement notre enquête.


Pourtant les résistances existent. Et d'abord les bons vieux blocages. Si une proportion importante d'enseignants utilisent le web 2 en classe, c'est avec beaucoup de débrouille. Car dans nos établissements tout est filtré. Facebook est interdit. Twitter est interrompu. Et blogs et vidéos censurés. Nous interrogeons l'institution sur ce blocage. Il y a certes des dangers et des dérapages possibles sur les réseaux sociaux. Mais le rôle de l'Ecole c'est de former les jeunes à ces risques pas de se dédouaner en interdisant et en déléguant la formation aux familles. L'autre obstacle renvoie à la culture scolaire. Tout est fait pour que les enseignants, écrasés sous des programmes interminables, se focalisent sur la transmission et leur travail devant les élèves. Le web 2 opère une révolution à 180 degré. Il invite à regarder et partager le travail de l'autre et pose de façon évidente la question de l'autonomie des élèves.


Peu de temps avant de disparaître, le gouvernement travailliste avait modifié le socle commun des écoliers anglais pour y introduire Facebook au même niveau que la lecture. C'est qu'il pensait avoir besoin de salariés autonomes et capables de travailler en relation et en respect avec les autres dans un univers marqué par le numérique. Des objectifs qu'il est raisonnable de se fixer ici aussi.


Par fjarraud , le mardi 23 novembre 2010.

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