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Vanblog11 > Messages > Il faut plutôt en pleurer...
Il faut plutôt en pleurer...

Il était tard à présent. Une heure ? Deux heures ? Peut-être plus... Ca n'avait pas d'importance... Plus rien n'avait d'importance à présent. Carlie rentrait à son hôtel, après cette fête inutile qu'avait donné son amie, elle avait ri, rien que pour donner le change, toute la soirée, harcelée des rires de ses amis, ça lui avait fait tant de mal de rire... Elle était fatiguée, fatiguée... Ses pas lourds la portaient dans la rue jusqu'a l'entrée éclairée du bâtiment. Elle savait bien que boire n'était pas la solution, mais où trouver le réconfort alors ? Plus dans ses bras en tout cas... Elle avait bu, bien trop bu. Titubant à travers le hall immense sous le regard réprobateur du réceptionniste à moitié endormi, elle ouvrit les portes de l'ascenseur et appuya sur le bouton du 12ème. Les portes refermées, elle s'affala sur le plancher. Voyant les étages défiler sur le cadran, elle repensa à tout ce qui lui était arrivé de bien et de mal, elle repensait à sa vie. Elle devait avoir l'air si pathétique... là, écroulée sur une moquette qui devait maintenant valoir plus cher qu'elle... C'était ça le problème avec l'alcool, il y avait toujours un moment où il ne vous faisait plus rire et où la brume qui enveloppait les mauvaises pensées se dissipait. Elle commença à se repasser cet instant dans sa tête, encore et encore. Toujours plus abominable, à chaque fois plus insupportable, elle ne pouvait pas oublier, elle n'arrivait pas à tourner la page. Elle ne voyait pas comment y arriver tout simplement. C'était devenu trop dur, elle ne voyait plus qu'une seule issue... Dans le tiroir de sa commode l'attendait un revolver chargé, elle ne se souvenait plus pourquoi elle l'avait amené, sans doute avait-elle pressenti qu''elle en arriverait là. La porte de l'ascenseur s'ouvrit enfin. Se relevant tant bien que mal, elle déchira sa robe au passage et entrepris la traversée du couloir jusqu'à sa chambre. Arrivée devant la porte elle tourna instinctivement la poignée et une demi-seconde ce geste lui parut absurde car la porte devait être fermée, mais celle-ci s'ouvrit tout de même. L'esprit trop préoccupée elle n'y fit pas attention, une chose lui importait : en finir, le rejoindre à jamais. En entrant, la pièce était plongée dans le noir et elle s'agenouilla près de la commode en face du lit, elle pensa alors à tout les gens qui l’aimait encore dans ce monde… Helen, Kate… Charlie son meilleur ami… Ils l’avaient tous tant soutenu, mais ne pouvais plus rien pour elle.

Elle ouvrit alors le tiroir et commença à chercher le revolver, mais ne le trouvant pas elle poussa un cri de rage et de désespoir, c’est alors qu’un gémissement étouffé provint du lit, se retournant brusquement, elle entendit la voix d’un homme marmonner un « qui est là ? », la lumière s’alluma, et se rendant compte de son erreur, elle fondit en larme, petite chose honteuse, désespérée et ruisselante au milieu de la chambre d’un inconnu. L’homme en question vint près d’elle, semblait ahuri par la situation mais la porta jusque sur le lit en lui demandant si tout allait bien. Elle s’endormit en larme dans ses bras.

Le lendemain matin, elle ouvrit les yeux avec l’impression qu’un 15 tonnes l’avait percutée. Une odeur de café la fit émerger complètement et l’instant d’après un beau jeune homme s’assit près d’elle une tasse à la main. « Est-ce que sa va mieux ? » dit-il. Elle prit conscience de ce qui s’était passé et de ce qu’elle avait failli faire la veille. Se levant brusquement, Carlie courut jusqu’au miroir de la salle de bain et eu une vision d’horreur : ses cheveux blond peroxydé ressemblait à de la paille mâchonnée, son mascara avait coulé laissant de grosse marque noir sur son visage pâle et creusé, par dessus des cernes de fatigue. Elle était complètement débraillée et sa robe était déchirée au niveau de la hanche.

L’homme arriva derrière elle et la regarda d’un air désolé puis il dit : « Alors est-ce que tu te décides à me raconter comment t’en est arrivée là où est-ce que je dois appeler l’hôpital ? T’as pas tellement l’air bien ! », Le type la regardait avec une moue moqueuse presque provocante, il était le genre d’homme qu’elle aimait, brun, style « rockeur sexy et torturé » comme elle disait. Elle soupira et commença son récit, même si la situation – raconter sa vie dépourvu de sens à un inconnu - lui paraissait étrange, elle n’avait rien à perdre, elle se dit que ça lui ferait peut-être du bien…

« Je m’appelle Carlie Jones, j’ai 19 ans et j’ai perdu toute raison de vivre un peu plus d’un an, et je n’ai pas toujours eu cette tronche de fantôme ignoble. » commença-t-elle. « J’ai grandi dans une famille avec 5 frères, c’était une enfance heureuse, quand j’ai eu 14 ans on m’a envoyé dans un institut spécial, c’était une sorte d’internat cool où on privilégiait les talents artistiques, moi je jouais de la guitare depuis l’âge de 4 ans et j’étais douée… J’ai connu mes premières fêtes, l’alcool, les amis, puis Jack… » Prononcer son nom lui tordit le ventre. « Il avait 2 ans de plus que moi, j’en suis tombée amoureuse dès l’instant où je l’ai vu chanter sur scène… J’avais 16 ans et avait déjà connu beaucoup plus de déception amoureuse que tu ne peux t’imaginer… Dès lors je n’ai vécu que pour lui, on s’aimait réellement. Mais on était jeune et la vie était faite d’amour, de rock’n roll… et de drogues. Il m’avait demandé de l’épousé deux an plus tard, j’avais dit oui, et le soir où je suis retourné à notre appart pour… » Elle recommença à pleurer « Je l’ai retrouvé sur le canapé, il était mort d’une overdose d’héroïne… » Elle prononça le dernier mot dans un souffle, le type la regardait toujours avec cette expression singulière, tandis que les images, encore une fois défilait dans sa tête…« Après ça, ça a été la descente aux enfers, je ne m’en suis jamais remise, je n’ai jamais plus touché à la drogue  mais la vie est devenue trop dure sans lui car en réalité ma seule véritable drogue n’a jamais été que lui. J’y arrivais plus… Hier si je ne m’étais pas trompé de chambre… je… j’avais un revolver… j’aurais pu retrouver Jack… » Le type dit alors « Je m’appelle Ryan, et ma vie n’a jamais été vraiment facile non plus… » Il la serra alors dans ces bras.

Un lien étrange les unissait, sans savoir pourquoi elle avait l’impression de le connaitre depuis toujours, par le plus grand des hasards il lui avait en quelque sorte sauvé la vie cette nuit là. Ils parlèrent toute la journée, jouèrent de la guitare car il était lui aussi musicien de passage, dans cette chambre, elle, elle se déchargea de tous ce qu’elle avait contenu depuis, lui, il lui confiait ses projets, sa vie, ses rêves, il la regardait avec des yeux pétillants… Ils finirent par repartir ensemble de cet hôtel.

Cinq mois plus tard, Carlie et Ryan était installés ensemble, elle n’avait pas cru à ce conte de fée, elle n’avait pas cru qu’il lui serait à nouveau possible de vivre, qu’il lui serait à nouveau possible d’aimer et de se reconstruire peu à peu. Il l’apaisait et soignait ses anciennes blessures, lui-même en avait bavé, ils étaient tout deux des écorchés de la vie comme on dit. Un soir pourtant dans la salle de bain, Ryan entendit Carlie crier, il accourut, elle lui dit « Je suis enceinte ». Ils étaient alors comblés, Carlie encore fragile ressentait cependant une sorte de malaise… Elle avait si peur que tout s’écroule une seconde fois… Les mois passèrent et son ventre grossis. Mais un soir d’hiver où ils se promenaient tous deux, leurs rires insouciants résonnant en traversant la rue, il ne fit pas attention, elle continua à avancer, lui se pencha pour ramasser son écharpe tombée, sans se retourner elle continua de chanter en avançant, elle ne fit pas attention, il n’entendit pas… le camion, la vitesse, le choc… le noir…

Carlie se réveilla à l’hôpital, elle essaya de se remémorer les événements passés, ce fut le docteur qui éclaira sa mémoire, mais elle aurait préféré ne pas se rappeler… Ryan avait été percuté par un camion qui roulait trop vite, sous le choc elle s’était évanoui et avait perdu le bébé, Ryan était dans le coma et ne se réveillerait jamais… Tout ça avait un affreux goût de déjà vu, comme une roue du sort abominable qui la ramenait toujours au même point, comme si elle était le pion d’une main cruelle qui renversait sa vie d’un simple doigt, elle se sentait si vide à présent, ne ressentait plus rien, elle avait dépassé ce stade, plus rien n’avait d’importance, plus rien ne la retenait.

Le docteur ferma la porte de la chambre, elle, ouvrit la fenêtre par laquelle s’engouffrait le vent de l’hiver, le vide en bas, libérateur… elle sauta.

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