Adresse Email :
Mot de Passe :
Mot de passe oublié? Pas encore inscrit?
 
PortLeucate > Messages > Apprendre s'apprend aussi hors de l'école
Apprendre s'apprend aussi hors de l'école

Les apprentissages ne sont pas cloisonnés dans les murs de l’école. Des colonies de vacances aux structures d’accompagnement scolaires, ils investissent d’autres lieux en lien ou non avec l’institution scolaire. L’éducation se vit en continu et le rapprochement entre tous les modes d’acquisition de savoirs est un enjeu. La table ronde organisée dimanche matin se faisait l’écho d’une longue histoire de voisinage entre temps de loisir et temps d’école.

Le temps des loisirs, le temps de l’épanouissement

Dès l’avènement de la scolarisation obligatoire, le temps libre devient un enjeu éducatif. Les colonies voient rapidement le jour avec des objectifs hygiénistes. On se préoccupe de la santé de l’enfant, de son épanouissement physique et intellectuel. Le jeu s’impose comme un espace de liberté où l’enfant va développer sa capacité d’agir. Avec le jeu on est dans le second degré avec une absence relative de conséquence, une certaine frivolité qui facilite l’apprentissage. Le jeu pour apprendre de façon impromptue est resté dans le temps des loisirs.

Isabelle Montfortet précise que des études montrent une corrélation positive entre activités extra-scolaires et niveau de performance scolaire. C’est moins le contenu des activités que la façon d’apprendre, de les mettre en œuvre qui favorise un réinvestissement dans le cadre scolaire. Elles permettent de se familiariser avec des situations collectives. Pour les adolescents, elles offrent une autre scène pour évoluer, hors contexte familial et scolaire. Les activités de loisirs favorisent l’estime de soi, développent un caractère identitaire. La convivialité et le partage des significations génèrent des apprentissages. Toutefois, un équilibre est nécessaire dans les loisirs pour éviter un surcroit de stress. Les enfants qui participent le plus à des activités sont ceux qui disent vouloir le plus rester chez eux, ne rien faire.

Avec le temps est apparu le concept d’enfant apprenant. Les activités de loisirs sont agréées avec un projet éducatif. La frivolité, l’incertitude, liées au domaine ludique se fraient un chemin lorsque la formalisation n’est pas poussée à l’extrême. Le cadrage doit laisser une place à l’enfant en tant que sujet, acteur qui vit et apprend dans l’instant.

Reprendre le chemin des apprentissages

Autre situation d’apprentissage hors temps scolaire, les initiatives du type réussite éducative s’inscrivent dans une complémentarité avec l’école. A Hérouville Saint Clair, la Ligue de l’Enseignement mène une action sur la scolarisation des enfants en difficulté. Delphine, coordinatrice du dispositif est venue témoigner sur l’accompagnement. L’accompagnement concerne l’enfant en premier lieu mais aussi les parents. Le lien est souvent distendu entre la famille et le système scolaire, un système méconnu et qui fait peur. Les attentes sont fortes et il faut dialoguer pour que la pression sur les notes se relâche. Le dialogue entre les parents demande parfois à être apaisé. Dans la maison, l’enfant doit trouver la place pour apprendre, au propre comme au figuré.

Les compétences de l’enfant sont valorisées. Il commence par s’auto-évaluer afin de définir ses difficultés et poser ses objectifs pour l’accompagnement qui durera douze semaines. Une courbe de progression lui permettra de mesurer ses progrès au regard de son objectif. Un contrat pédagogique est signé par l’enfant, sa famille, l’institution et l’accompagnateur.

Les activités proposées sont multiples et visent aussi une ouverture sur le monde et sur le territoire. L’enfant pourra aller à la bibliothèque, travailler sur des recettes de cuisine, le jardinage, s’orienter vers des structures associatives et sportives. Un accompagnateur doit imaginer des situations qui redonnent du sens aux apprentissages, mettent le jeune en mouvement Des parents d’enfants accompagnés interviennent sur des activités, valorisant ainsi leurs propres compétences. La démarche de projet est privilégiée, démarche importante pour des jeunes qui souvent ne vivent que dans l’instant. Un axe santé peut aussi être abordé. Le manque de sommeil est un problème récurrent, il faut apprendre à respecter des règles d’hygiène de vie. Et, lorsque le problème est plus grave, des structures de santé prennent le relais.

Delphine analyse les difficultés rencontrées. La première tient dans les relations avec la ville qui finance l’action. Il existe un réel risque d’instrumentalisation de l’action, un affichage de l’initiative qui irait à l’encontre de la discrétion et de la confiance envers les familles. La deuxième difficulté concerne les accompagnateurs qui doivent garder une posture neutre ; observer une certaine éthique de l’accompagnateur. Il faut rester dans un rôle complémentaire et résister à l’envie de faire une école bis. Le manque de relations avec l’équipe éducative est un troisième obstacle. Des relations existent avec des écoles primaires, des enseignants de collège mais elles correspondent à des initiatives individuelles. Or, ces relations sont indispensables pour que les effets positifs de l’accompagnement soient pleinement réinvestis dans la scolarité.

Silence, l’éducation complémentaire est en danger

De ce partenariat souhaité et faiblement vif entre association complémentaire, école et collectivité territoriale ; naissent incompréhensions et risques. Philippe Clément de la Ligue de l’Enseignement souligne le changement profond opéré dans le financement des associations complémentaires. Auparavant, la reconnaissance de leurs activités dans la formation des citoyens suffisait au Ministère pour évaluer et attribuer des moyens. Aujourd’hui, c’est la logique d’appel d’offres qui prédomine, avec ses incertitudes et ses cahiers des charges peu adaptés. Dans le Calvados, les relations avec les associations complémentaires font l’objet d’une convention pluriannuelle qui permet de revenir à la définition d’objectifs politiques. Ce n’est pas le cas partout.

L’éducation populaire a du mal à se retrouver dans la logique d’appel d’offres, purement technique. Elle prône le primat de l’éducabilité, la capacité de se former à toutes les étapes de la vie. Elle se situe sur le champ de l’éducation non formelle tout au long de la vie pour former le citoyen à participer à la vie de la cité. Tout individu est dépositaire de savoirs qu’il faut parfois remettre en mouvement en passant par une étape de reconnaissance des ses savoirs enfouis.

Au-delà de cette difficulté à faire co-exister deux logiques apparemment antinomiques, celle du cahier des charges et celle d’une éducation non formelle, les associations complémentaires sont mises en situation délicate par les baisses de financement. Progressivement, les subventions se tarissent, mettant en danger des activités reconnues depuis le début de la scolarisation obligatoire comme constitutives de l’éducation.

Le mouvement est lent, insidieux mais en disparaissant, ces associations emporteront avec elles des méthodes, des approches, des savoir-faire, qui offrent aux enfants, et aussi aux adultes, une nouvelle chance de nouer avec la réussite scolaire. Aujourd’hui, elles s’organisent pour faire face et se mobiliser, rompre aussi avec le silence qui accompagne la mort lente d’un secteur essentiel pour une éducation s’affranchissant des murs.

Commentaires

Aucun commentaire sur ce message.