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  Inclusion : nécessaire et pourtant insuffisante

En matière de scolarisation des enfants en situation de handicap, les politiques françaises sont aussi la traduction de politiques européennes et internationales. Philippe Miet observe ces politiques et constate une véritable lame de fond depuis une quinzaine d’années en faveur de l’inclusion. Comprendre les raisons de cette évolution c’est aussi comprendre le changement de regard que porte une société sur le handicap, la différence.

Un changement de regard

Les mouvements de personnes handicapées et de leurs familles ne sont pas étrangers à cette évolution. Les textes européens reflètent certaines revendications se nourrissant aussi des pratiques développées dans d’autres pays. Les différences sont nettes entre les pays européens, différences liées aux systèmes éducatifs et à leur gestion de l’hétérogénéité, différences dans le langage, dans la façon de nommer les handicapés. Personnes en situation de handicap, à besoins spécifiques, à besoins particuliers, autant de termes, autant de situations.

Il y a 20 ans on réduisait la personne à ses déficiences, son handicap. Aujourd’hui on considère que les déficiences existent mais c’est l’environnement qui créé la situation de handicap. Philippe Miet cite comme exemple un cinéma dont les aménagements ne permettent pas l’accès à un paraplégique. Qui est handicapé : la personne ou le cinéma? La réponse diffère selon les pays. En Suède : c’est le cinéma qui est handicapé par la personne. La personne handicapée n’est pas toujours en situation de handicap. La notion de« situation de handicap » permet de rééquilibrer la relation entre déficience et environnement, et de montrer tout ce que l’environnement ne met pas en place pour que la personne puisse participer à la vie sociale. On peut alors observer comment l’école permet la participation de l’enfant à la vie sociale. Dans la vision écossaise, les enfants handicapés n’ont pas de besoins particuliers, les réponses et le soutien qui leur seront apportés seront des soutiens additionnels ou complémentaires.

L’Europe de l’inclusion

La question du handicap est sensible dans tous les modèles éducatifs mais il n’y a nulle part une réponse parfaite. Le choix s’opère entre scolarisation en milieu ordinaire et scolarisation en milieu spécialisé. Depuis dix ans, le paysage change très vite et la distinction Nord/Sud s’estompe. Les pays du Sud, comme l’Espagne favorisent de plus en plus l’inclusion. En Belgique, en Allemagne ou en République tchèque, la scolarisation séparée est due à la structure par filières du système scolaire. Il existe également des écoles spécialisées pour certains handicaps tels que la surdité et le polyhandicap.

L’évolution vers une politique d’inclusion est dominante, portée par des revendications liées aux droits de l’homme et par des politiques aux raisons tout autant humanitaires qu’économiques. La Convention des droits de l’enfant réaffirme l’accès à la scolarité pour tous. La convention des Nations Unies relatives aux droits des personnes handicapées élaborée en 2006 propose d’aller à l’encontre des barrières qui empêchent les personnes handicapées d’exercer leurs droits fondamentaux. L’article 24 concerne l’éducation avec un accès inclusif à l’enseignement sur la base de l’égalité avec les autres. Le Conseil de l’Europe en tant qu’autorité morale a émis une recommandation sur la désinstitutionalisation, pour que les enfants handicapés vivent dans leur famille et qu’on leur offre des services de proximité. La famille est réaffirmée comme lieu principal de l’éducation. L’éducation n’est pas un domaine de compétences de l’Union Européenne. Pour stimuler les évolutions de pratiques, des outils ont été élaborés en particulier sous forme de programmes, comme Léonardo ou Comenius afin de favoriser les échanges de bonnes pratiques. De leurs côtés, les organisations liées au handicap ont élaboré la déclaration de Salamanque pour une école inclusive. Dans la déclaration de Madrid, elles plaident pour une évolution du regard sur le handicap, appelant de leurs vœux un regard social plutôt que médical, une politique de non discrimination basée sur des actions positives plutôt qu’une politique de ségrégation, une politique de droit et plus de charité, un accompagnement au lieu d’une assistance.

L’inclusion se différencie de l’intégration. Si l’on souhaite intégrer dans un système scolaire un enfant qui a une déficience, on va lui demander de s’adapter à un système existant, à la pédagogie, aux rythmes, aux locaux. Si l’on souhaite inclure les enfants souffrant d’une déficience, on va dès le départ concevoir l’organisation, l’architecture, les locaux, l’accompagnement, pour prendre en compte les besoins de l’enfant dans la vie de l’école. Toutes les ressources ne sont pas obligatoirement dans l’école mais l’école doit trouver les solutions dans l’environnement.

Contradiction à la française

Aujourd’hui, en France on commence à parler de scolarisation inclusive. Comparativement à d’autres systèmes éducatifs européens, le manque de souplesse constitue un frein et la question de l’autonomie de l’école se pose. Les pays qui développent de très bonnes pratiques sont des pays dans lesquels les directeurs ont une grande autonomie en matière de recrutement des personnels ou de budget par exemple. La réussite de pratiques inclusives passe aussi par une proximité importante entre recherche et école pou résoudre des questions concrètes. Elle implique un développement de la pédagogie individualisée, personnalisée, un travail en équipe et une formation des acteurs. L’apprentissage mutuel entre enfants doit être considéré comme un principe d’éducation. La conception des locaux, des transports, des infrastructures favorise l’accès de tous à l’école. Enfin, une ouverture vers les partenaires extérieurs est nécessaire pour prendre en compte toutes les situations.

Les politiques françaises en matière de handicap sont issues de deux ministères, celui de la Santé et celui de l’Education Nationale avec des difficultés pour les faire travailler conjointement. Le secteur médico social a développé des expertises dans les établissements fermés, établissements qui s’ouvrent progressivement. La désinstitutionnalisation, l’approche inclusive amènent des changements profonds avec la nécessité de collaborer avec les milieux ordinaires et génèrent des inquiétudes. Le milieu médico-social doit être une vraie ressource pour l’école. Or, les cultures et les approches sont différentes.

Mais l’obstacle principal pour une véritable inclusion réside dans les contradictions de ce qu’est l’école aujourd’hui. L’école est de plus en plus dans la compétition, dans la sélection, la normalisation avec des moyens en baisse. Comment un enfant handicapé peut il y trouver sa place ? L’école inclusive est incompatible avec la compétition et nécessite des moyens adaptés. Il s’agit de voir plus les capacités que les incapacités. Comment on reconnait les différences, la diversité des enfants ?

Il existe une réelle contradiction entre la réalité et les textes sur le développement de l’école inclusive. Derrière la question de l’accueil de l’enfant différent c’est un modèle de société qui est interrogé, la réponse réclame une certaine cohérence et de véritables moyens.

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