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Collectivités, Etat : vous voulez évaluer demain, eh bien contractualisons aujourd’hui

 

Ludovia abrite comme l’an passé le séminaire « collectivités territoriales » qui permet, entre état des lieux et prospective, de réfléchir et de souligner le rôle des collectivités dans le développement du numérique éducatif. Pour elles, le numérique est un investissement dont le retour est peu ou mal évalué. Cette question de l’évaluation était au cœur des échanges en particulier mardi après-midi lors d’une table ronde sur le thème de « Gouvernance territoriale du numérique : s’adapter au changement et aux nouvelles compétences ». L’animateur, Laurent Brisset de l’ARF, résumait les données de l’équation: évaluer dans un contexte où les compétences sont partagées nécessite une gouvernance partagée. Il restait alors à définir les termes et les conditions de cette gouvernance.

 

 

 

Trois exemples étaient présentés pour éclairer les débats: ceux des Pyrénées Atlantiques, de l’Auvergne et de la Bourgogne. Dominique Provot de l’Agence Numérique 64 retraçait l’évolution de la politique numérique du conseil général des Pyrénées Atlantiques. L’équipement des établissements s’est d’abord basé sur un appui à des projets. Désormais le contrat numérique passé avec tous les collèges privilégie l’installation du même matériel partout avec un vidéoprojecteur par classe dont un sur deux sont interactifs. Le contrat peut inclure aussi en complément des équipements supplémentaires pour permettre la réalisation de projets ciblés et formalisés. La maintenance est assurée par cinq agents sur l’ensemble du département. La collaboration avec l’Education Nationale se déploie pour la mise en place de formations conjointes avec le CDDP. L’organisation de la journée e-education, journée d’apport et d’échanges associant le supérieur, constitue le point d’orgue de cette collaboration. Pour Dominique Provot, le partenariat collectivités-Etat est indispensable pour que l’investissement soit suivi de réalisations. Ce partenariat se construit petit à petit, dans des actions concrètes et co-construites comme la journée e-education. Il se concrétise depuis plusieurs années par une convention.

 

Charline Genet présente les axes du numérique éducatif en Région Auvergne. L’horizon 2017 verra l’arrivée du très haut débit pour les lycées et les collèges. D’ici là, une concertation Etat -collectivités territoriales est mise en place en associant tous les degrés de l’école, de l’enseignement primaire au lycée. Pour avancer ensemble et définir une stratégie globale, un comité de pilotage a été créé en 2012. Un schéma directeur, le Sconeta, est élaboré, gage d’harmonisation et de rationalisation des équipements. Il permet aussi de repérer l’existant et de cibler les investissements. En période de diète financière, l’argument est de poids. 

 

Philippe Molès consultant et conseiller aux usages du numérique, expose l’exemple bourguignon. Dans cette région, la formalisation des collaborations entre acteurs publics du numérique éducatif est allée encore plus loin avec la création d’un GIP (Groupement d’Intérêt Public) et d’être un interlocuteur unique pour l’éducation Nationale. Il a d’ailleurs été sollicité par la rectrice afin d’être un support pour la définition d’une stratégie numérique pour l’éducatif. L’existence d’une stratégie co-construite et concertée est importante pour donner un cadre et une direction dans lesquels les enseignants pourront développer leurs initiatives. Une direction claire donne plus de lisibilité et amoindrit les confusions, les risques de frottements entre incitations des collectivités territoriales et directives du ministère que peuvent ressentir les acteurs de terrain. Cette stratégie permet aussi de présenter un projet clair aux élus des collectivités favorisant une meilleure connaissance des enjeux du numérique éducatif et des moyens de l’équiper. Elle favorise l’inclusion d’indicateurs pour évaluer les avancées des projets et leur impact. La formation est également prévue à la fois pour les cadres et pour les enseignants avec comme objectif de favoriser une réflexion pédagogique. Pour Philippe Mollès, repenser la pédagogie est indispensable pour que le numérique tienne toutes ses promesses. La mise en réseau des acteurs est aussi un élément pour qu’au quotidien les initiatives se pensent et se réalisent dans les lycées de ville comme dans les petites écoles rurales.

 

L’exemple bourguignon illustre le souci de nombre de régions et de départements de favoriser la généralisation des usages en gommant les disparités de moyens. Les trois témoignages présentés, même s’ils offrent une vision positive de l’action collectivités/Etat en matière de numérique éducatif, posent toutefois en creux la question des rôles, de la gouvernance et de l’évaluation. Le rapport de l’Inspection sur l’expérience landaise est cité. Le manque de concertation de la part de l’Education Nationale peut amoindrir les effets des investissements des collectivités territoriales. Or, l’investissement est lourd pour elles et un retour est attendu. Comment évaluer ce retour ? Comment vérifier que le numérique a un impact réel sur les apprentissages ? Les échanges avec la salle montrent que les critères sont plutôt de l’ordre du qualitatif. La Région Auvergne a quant à elle utilisé Evalu ENT (dispositif d’évaluation des ENT mis en place par le Ministère) et mis en place des évaluations qualitatives des impacts des usages pédagogiques. L’évaluation est aussi un moyen de mesurer l’effet des actions pour les faire évoluer, favoriser leur généralisation. Elle parait donc indispensable et la diversité des évaluateurs liée au nombre d’acteurs impliqués dans le numérique éducatif, complique encore sa mise en place. La création d’un observatoire territorial parait nécessaire. Mais, autre question posée dans le public : comment évaluer de nouvelles pratiques dans un cadre qui, lui, n’a pas changé ?

 

La question de l’évaluation renvoie à la gouvernance, c’est ce que témoignages et échanges ont souligné lors de la table ronde. La réussite du numérique éducatif tiendra en partie à la capacité des acteurs politiques à travailler de façon concertée et à construire ensemble la stratégie numérique sur le territoire. La loi de refondation de l’école inclut d’ailleurs la possibilité d’un contrat tripartite entre la collectivité, l’Etat et l’établissement. Les projets numériques doivent se construire dans la concertation et dans le temps, dans un cadre négocié, contractualisé. Mais, le souligne Philippe Molès dans une belle conclusion, la réussite des projets tient aussi des individus, des relations qu’ils tissent entre eux. Alors, serait-on tenté de penser, le triptyque « contractualisation-évaluation-convivialité » sera le cocktail gagnant de la politique du numérique éducatif.

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