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Enquête au pays des papilles ...

Elvire Bornand n'est pas enseignante, mais sociologue. Elle explique avoir participé à la création de l’association APRES en 2010, juste après sa thèse, alors qu'elle était enseignante à l’IUT d’Aix-en-Provence. L’objectif majeur de l’association est de promouvoir la réussite éducative en mobilisant tous les acteurs qui y contribuent : École, collectivités, associations et familles. Elle est devenue présidente de l’association en 2012. La même année son association a étendu son activité de la région PACA vers les Pays de Loire.

CP : Vous êtes sociologue, responsable associative, comment ça se met en place le travail avec le monde enseignant ?

EB : C'est avant tout une rencontre avec Lydie Fredj, enseignante et SVT, Jaouad Belkassem, enseignant en maths et Jean-Pierre Le Menaheze, proviseur du collège des Sables d’Or, à Thouaré sur Loire. Au sein de l’association, nous avions envie d’intervenir avec les enseignants et non pas entre leurs cours. De leur côté, Lydie et Jaouad avaientt envie de trouver un liant à leurs enseignements et de construire quelque chose avec les élèves participants. Un sujet central de la vie du collège, de n’importe quel collège, nous a donné l’impulsion qui nous manquait : la cantine. Nous avons décidé de donner aux élèves de cinquième participant à l’IDD « Enquête au pays des papilles » l’opportunité de mener une enquête sociologique sur les goûts de leurs camarades et leurs connaissances en matière d’équilibre alimentaire. Les SVT sont mobilisés en amont pour donner aux élèves les connaissances nécessaires à la conduite de l’enquête. Les mathématiques sont mobilisées en aval pour analyser les réponses données au questionnaire (pourcentage et représentation graphique). Tout au long de l’IDD, les élèves font connaissance avec les sciences sociales que certains d’entre eux retrouveront au lycée. Après analyse des résultats de l’enquête et grâce au soutien du gestionnaire et de l’équipe de la cantine, 4 menus sont réalisés et proposés aux élèves durant une semaine thématique IDD.

Pour moi, cette expérience me permet de faire ce que je préfère : transversalité et interdisciplinarité tout en rendant les élèves acteurs de la vie de leur établissement. La participation active des élèves est le domaine qui me préoccupe le plus à l’heure actuelle, de même que le lien à faire pour impliquer les familles dans les réalisations de leurs enfants.

CP : Comment avez-vous penser votre co-intervention aurprès des élèves et la conception de séances ?

EB : Tout au long du projet, nous avons eu des échanges pour réfléchir à l’ensemble des matières qui étaient abordées dans l’IDD. Le rayonnement a été beaucoup plus large que ce que nous avions imaginé, le travail sur les logiciels et sur les recherches documentaires sur le web par exemple mais pas que cela. Cela m’a aussi conduit à voir la sociologie autrement. Tout le travail de catégorisation des réponses au questionnaire, une habitude pour le sociologue… Je le vois maintenant également comme un travail lexical ayant trait au travail des élèves en classe de français. Le principal changement pour moi c’est le fait de partir d’un objectif collectif : faire des menus de cantine bon au goût et à la santé et ensuite de se dire : quels savoirs disciplinaires allons-nous mettre en jeu et là l’association APRES prend tout son sens : faire du lien, faire une médiation scientifique entre les disciplines.

CP : Pouvez-vous mesurer un certain impact de votre action ? Du point de vue des élèves, des familles ?

EB :Les séances sont très variées. La participation individuelle des élèves varie beaucoup selon l’intérêt qu’ils trouvent dans la séance, on voit se révéler des affinités et des tempéraments au fil des activités proposées. Je trouve cela très riche. De manière très égoïste, j’aime le placement libre car je vois le premier rang vide de la première séance se remplir ensuite et j’adore les forêts de mains levées. Aujourd’hui ma principale frustration tient au lien avec l’extérieur. Nous avons mis en place un blog pour donner à voir ce qui se faisait au sein de l’IDD, aussi bien pour les participants que pour d’autres visiteurs. Je voudrais surtout toucher les familles. Nous avons eu après la fin de la première session des réactions d’élèves disant qu’ils avaient modifié leur façon de manger à la maison. Je voudrais en savoir plus…. J’ai en tête le modèle de la classe inversée, je voudrais que certaines activités débordent le cadre de l’école, de la même manière que nous avons su déborder les champs de chaque discipline.

CP : Comment ce projet évolue au cours du temps ? Quelles suites comptez-vous lui donner ou quels prolongement dans votre activité ?

EB :Nous avons changé certaines choses entre la première et la seconde session : les séances ont été rallongées d’une demi-heure. Nous avons fait un nouveau carnet de bord avec moins de texte et plus de pictogrammes et d’émo-icones pour encourager les élèves à garder leur propre trace de cette expérience tout en sortant du cadre de la prise de notes.

Nous nous demandons aujourd’hui jusqu’au nous pouvons creuser sur trois aspects :

1/ L’implication des élèves dans la vie de l’établissement pourrait être approfondie si on pouvait leur donner la possibilité de plus s’investir sur la préparation des repas qu’ils ont conçus mais nous nous heurtons au règlement très strict d’hygiène de la restauration collective.

2/ Le lien entre santé et comportements alimentaires des élèves est une autre dimension à approfondir mais en trouvant les bonnes limites. Nous sommes parfois tenté d’écouter plus les conseils diététiques que les résultats des questionnaires qui plébiscitent Kebab, Hamburger et frites. Nous tâtonnons vers un juste milieu.

3/ Créer encore plus de transversalité en faisant vivre le projet au delà de l’IDD, les résultats du questionnaire peuvent servir à l’ensemble des enseignants en math à élaborer des exercices pour leurs élèves. Nous aimerions travailler ça avec eux.

CP : un petit mot de votre motivation à proposer ce projet au forum ?

EB : Avant tout c'est l'opportunité de solliciter des regards extérieurs sur le projet et j'espère de l'enrichir au fil des rencontres. Voir ce qui se fait ailleurs, parfois pas très loin. J'ai hâte de rencontrer les autres nantais. La plupart des "communautés " sont aujourd'hui de matérialisées et se construisent sur les réseaux sociaux. Le forum c'est aussi l'opportunité de partager des intérêts " en chair et en os ".

Propos recueillis par Lucie Gillet

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