Adresse Email :
Mot de Passe :
Mot de passe oublié? Pas encore inscrit?
 
Forum2012 > Messages > Enseigner, c'est jouer!
Enseigner, c'est jouer!

Au 5ème Forum des enseignants innovants à Orléans cette année, le Grand Prix décerné par le public est allé à Guillaume Delpeyroux pour son projet de doublage de films en anglais au lycée Saint Jean de Limoges. J’ai voulu savoir qui était le professeur de langue qui a remporté ce prix sans utiliser de nouveaux outils, Twitter ou Facebook, mais en sachant plaire au public.

 

Interview de Guillaume Delpeyroux

 

CR : Guillaume Delpeyroux, quand vous parlez de votre projet,

http://www.forum-orleans2012.net/ProjectView.aspx?PrjID=95DB1AED-638A-4A23-863C-3D248665D825

vous mettez l’accent sur l’expression orale, la gestuelle, et le fait d’aider les élèves à placer leur voix. Avez-vous pris des cours de théatre?

GD : Vous n'êtes pas tombée loin ! En effet, je suis arrivé au métier d'enseignant uniquement par accident. Mes parents s'opposant farouchement à mon désire de devenir acteur, je me suis dirigé vers une fac d'anglais car, étant bilingue, je croyais que cela serait plus facile pour moi. J'ai désobéi à mes parents et, en parallèle, je me suis inscrit à une option théâtre.

CR : Donc vous êtes un acteur ! avez-vous beaucoup joué ?

GD : J'ai décroché mon premier rôle dans une pièce galloise: Our Day Out et le metteur en scène, content de mon travail, m'a tout de suite fait enchaîner avec un des rôles importants dans la comédie musicale The Secret Diary of Adrian Mole. J'ai ensuite joué dans Anastasie et les chocolatines et c'est là que Jacques Triot, un acteur reconnu en Limousin m'a remarqué et m'a demandé de passer une audition pour Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare. J'ai obtenu le rôle de Claudio et j'ai joué la pièce pendant 3 ans. C'est lors de la tournée de la dernière saison que j'ai eu le CAPES (car je continuais mes études à côté et j'avais même commencé à faire des remplacements depuis 2 ans). Vous pourrez en apprendre davantage sur mon blog :

http://coolkid87.blogspot.fr/

CR : Comment avez-vous pu concilier les deux ?

GD : L'année de stage qui suivit (2006-2007) j'ai jonglé entre mes classes, mes copies et une nouvelle troupe, Les Massottes de Panazol, qui me donna le rôle de Trissotin dans Les Femmes Savantes de Molières. J'ai joué la pièce jusqu'en 2008 puis  j'ai enchaîné les rôles au théâtre: Anthony Martone dans les Dix Petits Nègres d'Agatha Christie, Jean-Claude dans Tragédie de Jean-Michel Ribes et depuis 2010 je suis Arsène Pichon dans la pièce Larguez les amarres.

CR : et je crois que vous êtes aussi écrivain ?

GD : Pour terminer sur mon histoire personnelle, oui, j'écris des histoires depuis tout petit et l'année dernière, un roman pour la jeunesse que j'avais écrit quand j'avais 18-20 ans a été publié: Willy Martial et le Miroir de Porcelaine. C'est grâce à lui que je suis entré dans le monde des écrivains. La suite devrait d'ailleur sortir à l'automne prochain.

CR : Avez-vous aussi fait du cinéma ?

GD : Oui, j’ai eu le rôle du chef d’établissement dans le film Rachel de Quentin Berbey. Et, pour plaisanter, certains élèves qui ont vu le film m'appellent même « monsieur le proviseur » quand ils me rencontrent dans les couloirs!

CR : Est-ce que tout cela a changé vos relations avec les élèves et leurs parents ?

GD : Oui, c’est amusant ! Il y des parents qui commencent les réunions parents-prof par: « Bonjour, j'ai lu votre livre »ou encore  « Je vous ai vu dans... ». Je me rends compte que jusqu'à présent, toutes ces activités parallèles, bien loin de me desservir, m'ont au contraire donné la capacité d'être autre chose que "le prof" aux yeux des élèves et de certaines familles. Cela pose un autre genre de relation bien plus agréable et, du coup, ce que l'on a à dire passe bien mieux.

CR : Pensez-vous que vos élèves aiment davantage l’anglais parce que vous êtes aussi un acteur et un auteur ?

GD : Tout cela m'a aidé à forger le professeur que je suis aujourd'hui. Le plus drôle dans l'histoire, c'est que mes élèves viennent me voir jouer au théâtre et lisent mes livres. Cela veut sûrement dire que vous avez raison: je n'ai pas réussi à les dégoûter de ce que je leur enseigne. Mais je n'ai pas du tout la sensation d'être différent des autres professeurs: j'essaye juste de trouver du plaisir dans tout ce que je fais. Je pense aussi que rien n'est cloisonné: un domaine peut déteindre sur un autre et c'est pour ça que je fais des sciences en anglais (mais c’est un autre projet) et de la comédie en classe avec ce module de doublage.

CR : Pour vous, y a-t-il un lien entre être enseigner et jouer une pièce ?

GD : En ce qui concerne mon comportement en classe, je ne triche pas, je suis juste moi-même. Mais il n'y a absolument aucune différence entre une salle de classe et une salle de théâtre: vous êtes sur une scène face à votre public, à vous de le garder "branché" sur ce que vous racontez. Pour cela chacun à ses techniques. Pour ma part, j'essaye de rendre le cours le plus vivant et le plus fluide possible: une heure de classe, c'est comme une pièce bien écrite. Les deux se doivent d'être ritualisés: si une pièce l'est en actes, un cours doit l'être en "temps" et en "taches" pour que tous puissent suivre correctement le fil. J'y rajoute deux trois blagues, une ou deux bâches (jamais méchantes ) et ensuite il y a la part des anges, celle qui nous échappe: dès qu'on entre en scène, on sait si le public va être réceptif ou pas. Dès qu'on entre dans une classe, on sait si on va galérer pendant une heure ou pas pour les faire suivre. A nous alors d'improviser.

propos recueillis par Christine Raymond

Commentaires

Aucun commentaire sur ce message.