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Du local au mondial : quelle évolution de la cohésion sociale ?

Par Béatrice Crabère

Un trio de choc

Si elles ont dès leur première rencontre décidé de travailler ensemble et de monter des projets, c’est qu’elles viennent toutes trois d’un secteur où le travail est basé sur la concertation et l’échange au sein d’équipes interdisciplinaires. Encar, Patricia et Christine étaient assistantes sociales, et sont venues à l’enseignement par hasard, opportunité, poussées par le destin, mais aussi par l’idée noble qu’elles se faisaient de l’éducation. Il y a18 ans, Christine, après avoir travaillé pour Médecins du Monde, s’épuise jusqu’au burn out aux urgences et dans le service des grands brûlés d’un grand hôpital. Elle abandonne alors cette carrière pour entrer comme prof de sanitaire et social en série F8 (devenu SMS puis ST2S). Patricia, qui avait elle aussi abandonné son poste d’AS, pour travailler comme enseignante pour l’insertion des 16-20 ans, va l’épauler pour les premiers cours. Elles travaillent encore ensemble, rejointes presque aussitôt par Encar qui a elle aussi quitté la fonction hospitalière pour le lycée Sainte-Marie de Nevers, qui recrute.

« Nous ne pouvons pas envisager de travailler autrement que par projets communs, c’est notre culture, nous avons besoin les unes des autres. On ne peut pas dire qui fait quoi, qui porte quoi, ce qui revient à l’une ou à l’autre, mais ça fonctionne depuis 18 ans. Dans notre discipline, nous avons beaucoup d’heures de cours, et nous partageons souvent les classes. Il nous semblait évident de travailler ensemble. Si nous nous sommes rencontrées professionnellement, c’est que nous partageons la même vision du monde, de l’autre, nous donnons de l’importance à la conscience politique. Nous pensons que l’éducation et l’instruction, c’est l’émancipation des personnes, donc tout ce qui peut ouvrir sur la compréhension du monde et de l’autre nous fait bouger. Sans oublier la dimension esthétique, au quotidien. Nous avons besoin que nos projets soient ambitieux, et pour nous, et pour les élèves. Et notre plus grande ambition, c’est de respecter l’intelligence des élèves », s’enflamme Christine.

Le trio est solide et devient expert dans la concertation. Année après années, les projets sont menés à terme, elles gagnent la confiance des collègues qui se laissent convaincre de les rejoindre dans cette pédagogie de l’interdisciplinarité : les profs de Sciences économiques et sociales, une prof de français, un prof de maths.

18 années et pas loin de 18 projets. Mais si le thème change au fil des ans et des référentiels de programmes, les objectifs restent les mêmes :

- Impliquer les élèves personnellement (engager leur responsabilité), dans l’aboutissement des réalisations concrètes qui constituent autant de mini-défis, de challenges, qui jalonnent l’année scolaire.

- Concrétiser l’enseignement sur le terrain, par des enquêtes, des rencontres avec des professionnels, des associations impliquées dans le milieu médico-social.

- Valoriser les élèves en grande difficulté scolaire pour qu’ils trouvent une satisfaction et une autre forme de reconnaissance dans la réalisation des projets

- Favoriser la confiance et l’estime de soi pour les élèves des séries technologiques par le travail commun avec les élèves des séries générales

Patricia explique :

« On a remarqué que les élèves les plus en difficulté se mettent en avant lors des présentations, donnent du temps pour les comités de pilotage, pour les activités qui vont les valoriser. La réussite pour nous ne se limite pas au travail scolaire. Même s’ils échouent au bac, ils ont pas décroché et sont restés dans l’établissement grâce aux projets. Ils ont été heureux d’être là. Nous n’avons pas toujours été comprises dans cette démarche, car la culture du résultat existe chez certains chefs d’établissement, et ça a parfois posé problème.

Notre grand principe est la confrontation des recherches effectuées par les élèves avec les résultats d’experts professionnels. Nous prenons garde à ne leur présenter que des professionnels reconnus, une année, on a même réussi à faire venir Axel Kahn à une de nos conférences ! Il en est de même pour la présentation de leurs réalisations. Nous organisons des rencontres avec des élus à qui ils présentent enquêtes et préconisations sur les sujets que nous avons travaillés sur le terrain. Il est important de donner une lisibilité au regard des jeunes.

« Le partenariat extérieur prend une grande place dans nos projets, renchérit Christine, nous avions déjà des contacts de par nos précédentes fonctions, et nos réseaux s’enrichissent d’année en année. Certains projets nous ont particulièrement marquées, dont une conférence sur la prévention du burn out chez les enseignants et les travailleurs du médico-social, où pas moins de 400 professionnels étaient présents ; sur ce même thème, un théâtre-images avec une comédienne qui intervenait auprès des élèves. L’année où les élèves ont plébiscité l’étude des violences sexuelles ; le forum et les ateliers sur la prévention des conduites à risques…

Devenir citoyen expert et citoyen européen

Les projets prennent de l’ampleur, notamment depuis l’introduction de la dimension européenne en matière de santé, et le rapprochement depuis 4-5 ans avec les profs de SES, puisque nos programmes se croisent, c’est l’angle d’attaque qui diffère.

Le projet de cette année est centré sur l’idée que la cohésion sociale, c’est le proche, le quartier, la commune, que ça passe par l’Europe et ça prend une dimension mondiale. Nous pensons qu’il est important que les jeunes prennent conscience de la présence de l’Europe en matière de politique sociale dans notre quotidien, sans la réduire à sa dimension économique.

7 classes ont travaillé chacune sur un concept lié au thème de la cohésion sociale, en lien avec le référentiel des programmes de 1ère et terminale.

La 1ère étape était de définir la notion de conceptualisation. Après la réflexion collective et le travail de recherche théorique, est venu le travail d’enquêtes de terrain, les exemples, les contre-exemples, les visite d’associations – chaque fois en s’informant sur les dimensions locales, sur les politiques européennes et mondiales.

Des diaporamas ont été présentés par les élèves lors de la conférence, pour développer chaque concept.

Puis, chaque recherche thématique a donné lieu à un article sur le wiki de l’association éco-liés- « Projet d'étude et d'expertise citoyenne sur le thème de l'exclusion ».

La 1ère réalisation a été la confrontation des résultats de leurs enquêtes lors d’une conférence avec des experts : un professeur d’économie à l’université, un sociologue et le responsable de la CCAS de Toulouse.

Un CD a été gravé pour garder la trace de cette conférence –table ronde par l’association Micro sillon de jeunes adultes en difficulté sociale et relationnelle, l’occasion d’une rencontre de l’altérité et d’un système associatif, notions indispensables dans le champ de la culture du médico-social.

Une autre étape a été la réalisation d’enquêtes auprès de collégiens issus de milieux différents pour vérifier comment les jeunes perçoivent le bien-être. Les méthodologies des différents types d’interviews ont été travaillées à l’avance et mises en œuvre par les élèves, qui ont ensuite analysé des données pour en faire un rapport d’enquête avec diaporama. Selon le principe de la confrontation de l’expertise citoyenne à l’expertise professionnelle, cette enquête a été confrontée à l’enquête internationale réalisée par le Docteur Emmanuelle Godeau pour l’OMS lors d’une rencontre. La vidéo.

Enfin, les présentations ont été retravaillées pour être présentées à un public différent lors des Assises de la jeunesse et du développement durable organisées par les associations Eco liés et Youth Pride à Toulouse en mai dernier.

Et ensuite…

Nous allons continuer ce projet l’année prochaine, et nous aimerions vraiment y associer le prof de philo, pour aller plus loin sur les notions de concept, de bien-être, de cohésion et d’exclusion, ainsi que les profs d’histoire et géographie et d’arts plastiques. Mais les collègues hésitent à s’investir dans des projets qu’ils redoutent comme chronophages. Il est difficile de leur faire comprendre qu’il faut donner du temps pour en gagner ensuite et surtout gagner en cohérence et en plaisir, sortir de l’immatériel et entrer dans le concret.

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