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Le blog du Forum des Enseignants Innovants et de l'Innovation Educative 2011 |
22/05/2011
Il est des mots comme des mets, les plus savoureux perdent leur sens à force d’être ressassés. Nous en sommes rassasiés pus écoeurés. A la faim, ils ne veulent plus rien dire. A Lyon, là où les papilles se régalent plus que de raison, des mots que l’on aime à entendre ont repris leur place et leur signification : innovation, communauté, motivation, apprendre, découvrir, élève, tant d’autres encore comme enfance ou s’amuser.
S’amuser à compter les mascottes : Bubul, Mika ou Zarafa, avatars, objets de transition, substituts qui donnent accès à des savoirs plus ou moins complexes, réputés rébarbatifs pour certains. S’amuser à repérer dans la foule des visages déjà croisés ou des pseudos twitter dévirtualisés. S’amuser à construire dans son parcours une logique thématique dont on sait que forcément elle ne résistera pas à une déambulation ; les écoutilles de la curiosité ouvertes offrent un passeport à une découverte désordonnée.
En venant au forum, il faut se résigner à ne pas explorer tous les projets. On sait que forcément des trouvailles géniales ou modestes nous échapperont, par manque de temps ou par excès de bavardage. Se parler, se connaître, reconnaitre sur un panneau l’écho de son projet, trouver un cousinage dans les paroles recueillies, entendre ses propres difficultés à innover dans un système marqué par la lenteur dans les témoignages d’un autre enseignant. Le forum est une simple et foisonnante halte pour une communauté en créative construction. La découverte loupée ici n’est que partie remise puisque la rencontre amorcée sur les réseaux sociaux se poursuivra demain. Les cartes de visites sont collectées pour des contacts futurs et pourquoi pas d’autres projets concertés, des passerelles entre écoles, entre classes.
Dans la belle allée des Métiers du SEPR à Lyon, cent projets ont dessiné un paysage éducatif idéal, sans frontières entre cycles, entre disciplines ; une école ouverte où l’on aimerait s’assoir pour apprendre à nouveau ce qui nous a enfant échappé. Les lieux ne sont pas étrangers à l’ambiance détendue, sereine. Le SEPR est un site industriel réhabilité au cœur de Lyon pour accueillir une école de métiers, métiers d’art pour la plupart. La lumière y est belle ; les matériaux habillent chaleureusement les espaces . L’atmosphère estivale étire les échanges sur les bancs à l’ombre ; devant les stands ou le soir très tard sur les berges du Rhône.
De telles rencontres entre défricheurs sont rares et l’on profite du moment pour trouver sur les panneaux des autres de nouvelles pistes à explorer. Les pensées vont aussi aux absents, ceux qui n’ont pu venir faute d’autorisation. Innover n’est pas toujours chose aisée dans les établissements. La présence de Bénédicte Robert, du Département de la recherche et du développement, de l'innovation et de l'expérimentation du Ministère de l’Education Nationale est certes appréciée et rassurante. Il n’empêche que l’innovation vit et se développe par la volonté de quelques uns, souvent isolés et parfois contre le gré de leur hiérarchie. Alors dans ces moments privilégiés, on profite un maximum des temps partagés pour se ressourcer.
Les liens se créent aussi au cours des ateliers dont le thème cette année était la motivation. Le sujet n’est pas qu’un prétexte. Les productions diversifiées par des approches variées ont donné des résultats qui nous ont fait rire et réfléchir. On se retrouve autour de valeurs communes que Philippe Meirieu et Bruno Devauchelle énoncent avec talent. L’école a besoin d’innovateurs pour éviter que des jeunes soient en errance, sans travail, sans école ; nous dit Philippe Meirieu en citant le chiffre de 97000 jeunes dans cette situation en Rhône-Alpes. Bruno Devauchelle nous rappelle que les outils n’existent pas sans les usages, les usagers. Innover en éducation c’est se soucier avant tout des apprentissages et rechercher le partage pour ne pas devenir dans son coin qu’un empêcheur d’enseigner en rond, ouvrir des chemins de braconnage pour soi et pour les autres. Il a fallu admettre aussi la stratégie des petits pas, celle qui fait avancer les choses sans à-coups, par petites touches ici et là. Aujourd’hui pourtant, il faudrait passer à un changement structurel, à une innovation portée par le système
« Proposer de nouveaux chemins », le rôle attribué par Bruno Devauchelle aux enseignants innovants a été unanimement adopté dans la salle. Le palmarès reflète de nombreuses voies pour tracer la route d’un changement profond et souhaitable où la coopération et l’ouverture possèdent une place prépondérante. Que les deux grands prix aient été attribués à un projet en langues anciennes au collège et à une twittclasse en primaire sont un excellent reflet de ce que l’innovation produit : l’ouverture des frontières des savoirs pour favoriser les apprentissages.
En repartant de Lyon, nous étions rassasiés mais pas écœurés, plein d’énergie et d’appétence. Comme à chaque forum, la magie opère. Mettez cent enseignants innovants dans un lieu hospitalier, favorisez les échanges, confrontez dans un cadre amical les idées et les projets et vous obtenez ce que l’école a de meilleur : le souci de donner accès aux apprentissages et de former des futurs citoyens responsables et épanouis.
Monique Royer « Et ça Monsieur, qu'est-ce que ça veut dire ? » demandaient les élèves à Robert Delord, professeur de Lettres classiques au Lycée-Collège du Diois à Die, tout fiers de lui rapporter des mots grecs et latins recueillis dans les rayons des magasins. L'occasion pour l’enseignant de prendre conscience du décalage entre l'usage du latin et du grec dans la communication marketing, réputée pour son efficacité et son impact sur le public, et le discours récurrent sur la déshérences des langues anciennes à l'école, censées ne plus intéresser personne. Fort de ce constat, le jeune professeur s'est lancé avec ses élèves dans un travail méthodique et ludique de collecte des mots latins et grecs égarés dans les caddies. Un travail plein d'érudition et de fantaisie, primé avec enthousiasme par les participants du Forum.
Plus de 1200 références de marques et de produits directement inspirés par les langues de l'Antiquité, sa mythologie et ses images, comment mieux montrer la prégnance intacte de ces fondamentaux culturels dans notre vie quotidienne ? Robert Delord a choisi ce chemin pour faire découvrir à ses élèves, de manière ludique et pleine de surprises, l'actualité des langues anciennes. Mais pourquoi cette omniprésence des références antiques ? Après leur minutieux travail de recensement, classement et traduction des marques, objet d'études mythologiques, étymologiques et sémiologiques, les élèves ont entrepris une démarche d'enquête auprès des services commerciaux : pourquoi choisir d'utiliser ces mots ? La plupart n'ont pas répondu, d'autres se sont murés derrière le secret industriel, d'autres encore ont avoué leur ignorance.
A titre d'exception, le PDG de Nomen, Marcel Botton, créateur de marques qui fonde sa communication sur le haut niveau d'études littéraires et humanistes de ses collaborateurs, a apporté au projet l'éclairage précieux de son expertise. Une manière souriante de rappeler la valeur irremplaçable de la culture classique, même au sein de l'entrepreneuriat industriel le moins sensible aux joies de l'érudition. Car l'impact des mots ou des noms joue un rôle implicite déterminant dans la conscience du public, même s'il n'en reconnaît pas précisément le sens : ainsi de la figure d'Antheus pour un parfum masculin, du mot Fulmen (foudre en latin) pour des batteries, ou encore de « Koleos » (testicule, en grec) pour valoriser l'image virile d'un 4X4 chez Renault, à la plus grande joie des hellénistes attentifs. A l'inverse, la marque de barre chocolatée Mars, s'est révélée venir du nom de famille des créateurs avant d'être celui du dieu de la guerre.
Fort de ces découvertes, Robert Delord et ses élèves ont entrepris de constituer un musée-supermarché des marques à partir de produits de récupération. Le Musée archéologique de Die a fourni les locaux et l'exposition s'est constituée au fil d'une scénographie vivante fondée sur un souci pédagogique à l'égard des visiteurs scolaires. Des jeux et des supports ludiques accompagnent la visite : frise généalogique des dieux et des marques, loto des mots et de leurs définitions, fiches d'exercice de découverte, etc. Et au lieu des traditionnels tee-shirts, les élèves ont conçu et confectionné des casques latin et grec en carton imprimé (dont le montage très élaboré a d'ailleurs laissé leur professeur perplexe lors du forum...)
Ce projet plein de vie et d'invention est un joli pied de nez aux fossoyeurs de l'enseignement classique, et montre à quel point la connaissance des langues anciennes reste un enjeu passionnant pour l'école, tant elle ouvre de fenêtres sur le monde et reste la voie d'une approche intelligente de nos société. A visiter, pour le plaisir, le site « Latine loquere » de Robert Delord : une mine d'idées pour les professeurs de lettres.
Jeanne-Claire Fumet
Le site de Robert Delord :
http://www.ac-grenoble.fr/lycee/diois/Latin/
Amandine Terrier est enseignante à Crotenay dans le Jura dans une classe multi-niveaux de CE2-CM1-CM2. Elle a expérimenté twitter pour communiquer avec les parents lors d’un voyage scolaire à Paris. Moins contraignant qu’un blog dont la mise à jour pouvait s’avérer fastidieuse après une journée bien remplie, l’outil tweetter permettait aux enfants de raconter en quelques mots les faits marquants en utilisant le téléphone portable de leur maîtresse. Et voilà c’est ainsi que l’aventure twitter a commencé pour s’épanouir et être primée au forum de Lyon. Pour des raisons personnelles, Amandine a du renoncer au dernier moment à venir défendre son projet. Elle a trouvé en Bertrand Formet, un ambassadeur tout à fait à la hauteur.
Normal, depuis le début du projet, Bertrand accompagne Amandine en tant qu’animateur Tice. Lorsque l’idée a germé, il a pris contact avec Laurence Juin, pionnière dans les twittclasses, pour comprendre ce qu’il fallait faire et ne pas faire, ce qui était transposable entre un usage en lycée et un usage dans l’enseignement primaire. L’idée de tweeter est née aussi de l’étonnement de voir des élèves de la classe d’Amandine utiliser déjà Facebook sans maîtriser les conditions d’une publication sûre d’images et d’informations sur les réseaux sociaux. Une éducation aux usages s’avérait nécessaire. Le voyage à Paris a constitué une opportunité d’encadrer les pratiques et d’informer enfants et parents. Tweetter a été utilisé dès la préparation du voyage. Les parents ont été formés, accompagnés pour ouvrir leur compte. Le compte de la classe a été créé, un compte collectif plutôt qu’un compte par élève pour encadrer là aussi les usages. Une charte d’utilisation a été affichée en classe. Durant le voyage, les élèves ont twitté mots et images, chacun leur tour sur le smartphone d’Amandine. Les parents ont consulté, répondu, de quoi conserver le lien et s’informer tout au long du voyage scolaire.
L’utilisation du réseau social devait s’arrêter là ; une utilisation ponctuelle pour une éducation pratique aux nouveaux médias. Mais peu après le retour à l’école, les élèves expriment leur envie de continuer, de poursuivre l’expérience. Avec leur voyage tweeté, ils ont certes communiqué avec leurs parents mais aussi noué des liens avec d’autres twittclasses, d’autres correspondants qui ont suivi leur périple en s’abonnant à leur compte. Des correspondants de Bombay, du Québec, de Belgique ont échangé, des correspondants dont l’identité numérique a été vérifiée.
Avant de repartir, Amandine et Bertrand ont souhaité se poser pour réfléchir à un usage pédagogique raisonné du réseau social. Les contacts avec d’autres enseignants utilisant twitter sont précieux. Ils se font par le biais de la balise #twittclasse. Bertrand veille sur les publications, les collecte et inventorie les expériences pédagogiques avec twitter. Il a repéré 75 twittclasses francophones en enseignement primaire, au collège et au lycée et trois en université. Les échanges entre enseignants permettent de définir les conditions d’un usage raisonné, réfléchi, où l’outil reste à la place assignée par la pédagogie.
La classe ne répond pas à tous les messages pour ne pas passer trop de temps sur le réseau social. Twitter est utilisé de façon ponctuelle pour des sorties scolaires ou pour explorer un thème en sollicitant les compétences des abonnés au compte de la classe. Un travail sur le climat a été ainsi enrichi par les interventions détaillées de Yann Juin, maire d’un village de Charente Maritime et le témoignage de Mario Asselin qui habite au Québec. Comment gère-t’-on les conséquences des chutes de neige dans le Jura, au Quebec et au bord de l’Océan, qui gère ces conséquences ? Les réponses trouvent un écho pour une exploitation en géographie ou pour la découverte des institutions. Avec Twitter, des experts bienveillants amènent leur éclairage, une richesse accessible et précieuse qui ravive la soif d’apprendre. Pour communiquer, les élèves observent un protocole d’écriture. Ils ont droit à 3 jets avant d’écrire sur Twitter, l’enseignante valide l’écrit avant publication en ligne. Le compte est géré par les élèves qui ont appris à repérer les « followers » (abonnés) indésirables à leur avatar, leur pseudonyme ou le flou de leur biographie. Ils doivent avoir un lien avec l’éducation, ne pas être lié à une marque. Des parents aussi sont devenus des adeptes de Twitter. Avant le passage du bus de la bibliothèque départementale de prêt, une bénévole de la bibliothèque interroge ses abonnés sur les livres qu’ils aimeraient emprunter.
Dans le projet d’Amandine Terrier et de Bertrand Formet, Twitter déborde de l’école pour développer de nouveaux liens sociaux entre la classe et des interlocuteurs éloignés, entre la classe, l’enseignante et les parents et même au sein de la commune. Dans un contexte rural, cette fonction de twitter n’a rien d’anodin, elle offre aux élèves des chances d’accéder à une infinité de ressources éloignées. Les potentialités du réseau social sont aussi une source de danger, en primant ce projet, les associations partenaires du forum ont récompensé un usage de Twitter raisonné par la pédagogie.
Dans dix jours, Amandine et Bertrand iront présenter leur projet dans l’enceinte de l’Unesco, invités par le Ministère de l’Education Nationale. Amandine pourra alors à son tour être l’ambassadrice des twittclasses auprès des sceptiques, montrer que loin d’un effet de mode, Twitter est un outil au service de la pédagogie.
Monique Royer
Projet 112 « Twitter, un réseau social au cycle 3 »
Le journal d’Amandine Terrier
Les twittclasses repérées par Bertrand Formet
Les journées de l’innovation à l’Unesco
Jean-Paul Moiraud, enseignant en gestion au lycée lyonnais la Martinière-Diderot, est une figure remarquée de la galaxie des enseignants innovants. Présent au forum 2011 pour présenter son projet des mondes virtuels, il est reparti avec le Grand Prix numérique, une juste reconnaissance pour un défricheur de nouveaux espaces pédagogiques.
Jean-Paul enseigne en filière arts appliqués modes et textiles auprès de BTS et de postulants au DSAA (Diplôme Supérieur des Arts Appliqués). Ses élèves sont destinés notamment à devenir stylistes, chefs de produit, à exercer dans le secteur de la mode, du design, des bureaux d’études. Pour eux, la gestion, pourtant essentielle dans le monde professionnel, est souvent une matière accessoire. Alors afin de les convaincre que la discipline n’est pas une matière à part, Jean-Paul convoque les mondes virtuels pour enrichir ses contenus en présentiel. Comment prouver que le marketing fait partie du métier ? En invitant des professionnels reconnus à témoigner sur leurs propres pratiques et pour faciliter leur intervention, ils sont conviés pour des conférences virtuelles. Une fois par mois, les élèves de Jean-Paul assistent ainsi à des conférences distantes et synchrones.
L’enseignant a choisi un monde virtuel plutôt que la visioconférence pour des raisons cognitives et techniques. En visio-conférence, il est difficile de percevoir qui participe à la réunion. Là, les participants sont dans un univers en 3D où chacun peut voir les autres ou du moins leur avatar. Le monde virtuel se construit par la déconstruction du réél, une modalité favorable aux changements de représentations. La déconstruction a toutefois ses limites comme l’a constaté Jean-Paul puisqu’on ne peut s’empêcher d’amener dans le monde virtuel sa vie et ses habitudes. Dans le virtuel, les étudiants placent préférentiellement leur avatar en fond d’amphithéâtre, par exemple. Pour bâtir son monde virtuel, l’enseignant préféré l’outil Assemblive aux Sim’s ou à Second Life, trop complexes par rapport à ses besoins et au contexte d’utilisation.
Des designers, des chefs d’entreprise, des responsables de bureaux d’études ont déjà participé aux conférences virtuelles, des intervenants variés et d’une grande qualité que les étudiants n’auraient pu cotôyer en aussi grand nombre dans le monde réel. Les conférences concernent aussi des aspects méthodologiques. François Jourde est le dernier invité en date. Enseignant en philosophie à Bruxelles, il a expliqué comment concevoir un diaporama pertinent et percutant. Des classes de Metz et de Bourg en Bresse ont également assisté à la présentation. Les conférences virtuelles ont aussi l’avantage d’accueillir dans le même endroit virtuel et en même temps des personnes présentes dans des lieux réels différents.
Pour Jean-Paul, les digital natives ne sont pas un concept abstrait. Ses élèves fréquentent les jeux vidéos et les mondes virtuels depuis leur enfance, les visiter sur leur versant sérieux ne leur pose pas de difficultés. Au contraire, des apprentissages utiles pour leur futur métier et développés de façon informelle se voient ainsi valorisés. Fortement mondialisés, les métiers de la mode usent des modes synchrones et asynchrones entre la conception dans les pays du Nord et la production dans des pays distants. Dans les mondes virtuels, les élèves se familiarisent avec des modalités de travail synchrones et à distance.
Jean-Paul Moiraud a plus l’impression d’être dans la réflexion que dans l’innovation en adaptant ses méthodes et ses pratiques aux évolutions constatées dans son contexte d’enseignement : changement des métiers, changement des élèves, changement des technologies. Pour lui, un bon prof est un enseignant capable d’agencer ses cours en fonction des objectifs et des contenus. Lorsque le frontal ne se justifie plus, le recours au jeu sérieux, à la stratégie de collaboration offre une possibilité de cassure propice à de nouveaux apprentissages. Le cours classique ne disparait pas pour autant. Il s’agit plutôt d’ouvrir les possibilités pédagogiques. Cette ouverture implique aussi une évolution du métier d’enseignant et beaucoup d’interrogations sur ses nouvelles fonctions : producteur de contenus il exerce dans un temps qui s’étend à la sphère personnelle sans que ces deux éléments soient pris en compte par l’institution. Pour Jean-Paul, la notion de temps interroge. Elle est déterminante pour permettre au numérique de poursuivre sa percée à l’école. Nous sommes dit-il à une période charnière où les réalités et les dimensions du métier d’enseignant doivent être réexplorées.
Pour l’aider à poser ses réflexions, à concrétiser ses idées, Jean-Paul Moiraud utilise des légos, une façon de faire le point sur ses propres avancées, de nourrir ses initiatives et de partager sur son blog. Puisqu’il ne se reconnait pas dans le qualificatif d’enseignant innovant, disons que Jean-Paul est un enseignant en mouvement qui met en musique avec bonheur la réflexion et l’action et la mutualise.
Comment faire de l'Espace Numérique de Travail un moyen d'ouverture entre élèves et entre professeur et élèves ? Au lycée Germaine Tillon de Saint-Bel dans le Rhône, Caroline Colas-Mounier a mis au point une méthode d'écriture collaborative rigoureuse et conviviale pour préparer l'épreuve écrite du baccalauréat. Un moyen de décomposer la difficulté d'écrire en étapes successives qui permettent de mieux maîtriser les exigences de l'épreuve.
Confrontée aux difficultés d'écriture de ses élèves de trois classes de seconde, Caroline Colas-Mounier a cherché comment les aider à se familiariser avec les exigences des exercices du baccalauréat, en particulier le commentaire critique, l'épreuve canonique d'explication de texte. Condition primordiale : « motiver » l'explication, c'est-à-dire faire en sorte que l'élève discerne ce qui dans le texte lui-même exige et stimule un questionnement. Cette condition essentielle est évidemment la plus difficile à satisfaire, parce qu'elle demande une démarche d'élaboration intellectuelle intérieure, à laquelle le professeur ne peut accéder chez son élève, et qu'il ne peut donc corriger qu'après coup, au vu des productions réalisées. Elle détermine pourtant l'acte de prise en charge personnelle du texte par l'élève, et son autonomie au regard de la démarche.
L'idée de Caroline Colas-Mounier consiste à poser les conditions d'une extériorisation et d'une révision critique des moments de cette réflexion. Pour cela, elle propose un protocole précis de construction de l'analyse sur ENT, avec un espace préalable de débats des élèves entre eux qui leur permet de découvrir plus facilement les enjeux du texte. L'enseignante peut ainsi suivre pas à pas l'ébauche de leur approche et conseiller, éclairer, guider ces étapes. En travaillant sur des groupements de textes classiques, les élèves apprennent à faire débattre entre eux les propos des auteurs et découvrent ainsi la logique d'un mouvement dialectique dans les textes. Le travail de rédaction personnelle se nourrit alors d'une approche éclairée. Pour le professeur, c'est le moyen d'observer et de comprendre les difficultés qui peuvent faire écueil dans le processus d'écriture, mais aussi d'approcher de manière plus personnelle le mode de réflexion de chacun. L'ENT, véritable lieu de mutualisation, devient alors le support d'échanges directs avec le professeur et de partage réfléchi avec les autres.
Caroline Colas-Mounier, qui exerce à présent dans un collège de la Loire, a formalisé ce travail sous forme d'un mémoire qui a reçu l'aval de l’Éducation nationale. Elle espère trouver l'occasion de développer et de diffuser cette méthode qui illustre les possibilités d'usages innovants des ENT.
Projet n°107 : De l'écriture collaborative à l'exercice type bac - L'usage de l'ENT en français au lycée .
Jeanne-Claire Fumet Organiser une fête médiévale en pleine campagne de Haute-Saône pour manifester l'attachement des habitants à leur école rurale menacée de fermeture, l'idée ne manque pas de panache. Pour Christine Froté, directrice de l'école d'Amance, le projet s'est imposé tout naturellement au fil de la découverte de la richesse patrimoniale des lieux et du savoir rassemblé par quelques anciens, férus d'histoire, et bien disposés à en faire profiter les petits. Une aventure dont la réussite ressemble aux contes de fées écrits par les élèves pour réveiller la passé.
Quand Christine Froté, Maître formateur à l'IUFM, est arrivée en poste à l'école du village d'Amance, en Haute-Saône, elle a découvert un site mystérieusement imprégné d'histoire secrète. Une tour médiévale rénovée mais isolée, des maisons anciennes dites « à l'espagnol », des traces du passé que les gens ne voyaient plus – comme la pierre tournante insérée dans un mur, dont on ignorait la fonction. De cette riche matière à imaginer, est né un atelier d'écriture de contes guidé par un écrivain en résidence ; puis, accompagnés par les anciens du village, les élèves se sont lancés à la recherche de ce qui avait disparu : la tour solitaire s'est révélée l'unique vestige d'un château doté autrefois de remparts et de tours de guet, dont les pierres ont servi, après sa démolition, à construire les maisons du quartier ancien et l’Église du XVIII ème siècle.
A l'aide de cartes postales anciennes et récentes, les élèves ont pu suivre l'évolution moderne du village et ses transformations successives. Une étude très précise des lieux, avec l'éclairage d'une architecte, a permis de mieux comprendre les strates successives de sa construction. Les conseils d'une herboriste et la bonne volonté des habitants et des parents d'élèves, ont permis de donner le jour à un jardin médiéval. Enfin, est venu le projet d'organiser une fête sur le thème du Moyen Age qui mobilise les 12 communes desservies par l'école, ainsi que les familles des 126 élèves répartis en 7 classes, mais aussi la majeure partie de la population locale.
Une mobilisation générale qui n'est pas sans enjeux pour l'école : menacée un moment de fermeture pour l'une de ses classes, l'école a pu compter sur la dynamique insufflée par sa directrice. Les parents des villages voisins, qui ont vu fermer une à une leurs écoles locales, ne sont pas prêts à abandonner ce bastion d'une scolarité proche des lieux et des gens. Le travail mené par Christine Froté, financé par la DRAC, l'Inspection académique de Haute-Saône et la communauté de communes, dans le cadre d'un Contrat Local d’Éducation artistique, donne à cette détermination une allure festive et conviviale qui s'élargit progressivement aux alentours d'Amance et se propage bien au-delà.
Pour Christine Froté, la recherche pédagogique continue dans d'autres directions : elle prépare déjà une étude entomologique liée au jardin médiéval, les « hôtels d'insectes », et un projet d'herbier numérique trilingue.
Projet n°60 : Un jour de fête médiévale.
Jeanne-Claire Fumet 21/05/2011
Olivier Schick, de l’association Prévention 2000, est venu présenter à Lyon, un projet d’éducation aux risques associant collectivités territoriales et école. « Memo'Risks : Le risque, ma commune et moi » propose aux classes d’école, de primaire ou de secondaire d’enquêter sur les risques majeurs pesant sur leur ville et de partager leurs enquêtes avec les habitants et les élus.
Seveso, nucléaire, inondations, selon les zones et les risques, maire et directeurs d’établissements sont soumis à l’obligation de mettre en place des plans de prévention. L’histoire récente le rappelle, la prise de conscience des habitants, basée aussi sur l’histoire des lieux, est indispensable pour éviter les drames humains.
Dans cette perspective, travailler à l’école sur les risques majeurs présents dans sa commune peut créer du lien entre élus, chefs d’établissements et citoyens. C’est ainsi qu’est conçu le projet Mémorisks. Plus de trente écoles en France ont déjà participé. Les lycées agricoles, en particulier dans le cadre de l’option EATC (Ecologie-Agronomie-Territoire-Citoyenneté), se sont approprié le projet comme le lycée agricole de Vendôme où les élèves ont étudié le risque d’inondation.
Dans un premier temps, les élèves créent leur enquête composée de questions fermées pour faciliter son exploitation même par les plus jeunes. Ils la réalisent auprès de la population et vont voir les anciens pour échanger avec eux sur les manifestations passées du risque. La restitution de l’enquête se fait d’abord en cours. Puiseurs disciplines sont concernées le français, les mathématiques, la géographie, les SVT, etc.
Les élèves présentent ensuite officiellement les résultats au maire. Parents et élus sont invités pour ce rendez-vous officiel. Le journal local publie les résultats accompagnés des commentaires du maire. L’année suivante, sur la base du volontariat, des élèves suggèrent au maire d’organiser une réunion publique à laquelle tous les citoyens sont conviés.
La méthode, essaime en France , reconnue projet pilote par l’Unesco et l’Onu et intégré au dispositif « la main à la pâte ». Rien d’étonnant, en misant sur la création de liens entre écoles et mairie, entre élèves et citoyens, autour de la prévention des risques, Mémorisks fait de l’éducation au développement durable l’affaire de tous.
Le projet Memorisks
http://www.cafepedagogique.net/communautes/Forum2011/Lists/Billets/Post.aspx?ID=20
Monique Royer
En Alsace, chaque année se déroule le mois de l’autre, un mois où les initiatives se multiplient pour découvrir et accepter les différences. Depuis cinq ans, Françoise Laspeyre enseignante d’allemand au lycée Marie Curie de Strasbourg, travaille sur le thème du handicap visuel avec ses élèves, en relation avec une classe allemande. Cette année ; ils ont conçu et réalisé des livres tactiles pour des jeunes enfants non voyants. Ils les ont remis à Nathan, un petit aveugle de trois ans et à ses parents.
Durant toute l’année, les élèves ont découvert les différentes réalités de la non voyance à travers des films, des expositions. Ils ont vécu des expériences où ils ne pouvaient se guider que par leurs quatre autres sens. Les élèves allemands ont, par exemple, réalisé un parcours sensoriel au marché, repérant au toucher et à l’odorat les produits sur les étals. Ils sont allés à la bibliothèque de Leipzig, spécialisée pour les non voyants, découvrir les ouvrages pour aveugles.
La conception des livres a été le point d’orgue du projet. Les élèves français et allemands se sont retrouvés à Strasbourg et en petits groupes se sont attelés à la tâche : reprendre une histoire ou en écrire une, choisir le format, les illustrations pour réaliser un vrai livre pour très jeunes enfants non voyants. Ils ont reçu les conseils de la maison d’édition « les doigts qui bougent ». Sans la vue, les illustrations racontent l’histoire, des illustrations en relief, reconnaissables. Un texte en braille peut être rajouté.
La maison de Hansel et Gretel est composée de petits nounours en bonbons. Un livre qui raconte une histoire avec des moutons et des oiseaux présente les personnages en première page, le mouton en coton. Le doigt suit l’envole de l’oiseau. Sur la page de gauche, le texte est écrit en braille, sur celle de droite en caractères d’imprimerie.
Un soir, élèves et enseignants sont allés « diner dans le noir » à l’auberge de jeunesse Ciarus de Strasbourg. Le repas s’est déroulé dans l’obscurité, servi par deux non voyantes qui ont dialogué avec les élèves.
Le lendemain, ils ont remis les livres à Nathan et à ses parents. Le petit garçon a rapidement tourné les pages, passé ses doigts sur les illustrations. Les élèves étaient ravis et émus de constater le succès de leurs ouvrages.
L’an prochain, les deux classes seront reçues à la bibliothèque de Leipzig et présenteront leur travail. Le mois de l’autre se poursuivra de l’autre côté de la frontière sur un mode franco-allemand citoyen.
Le projet
http://www.cafepedagogique.net/communautes/Forum2011/Lists/Billets/Post.aspx?ID=52
Monique Royer Carmen Thomas-Clerc est enseignante d’espagnol au collège Jean Vilar de Chalons sur Saone. Avec ses élèves de quatrième, elle est partie à la rencontre d’une classe mexicaine par la voie du net et du skype.
Le premier apprentissage d’une langue étrangère est un exercice périlleux que l’échange peut faciliter. La maison de quartier de Chalons propose des activités en lien avec le Mexique, Carmen a vu là une source de projet. Elle y a trouvé les références d’une école secondaire avec qui correspondre et échanger. Le courrier électronique a été le premier support pour que les deux classes se connaissent puis skype a permis de se voir et de se parler en direct par visioconférence. Des thèmes communs sont utilisés, Noël ou encore la présentation. Les échanges permettent de raconter ses gouts et de découvrir les gouts des autres, les centres d’intérêt, les passions. Le prochain thème traité parlera de nature.
Au-delà de l’apprentissage de la langue à l’écrit et à l’oral, la correspondance ouvre sur de nouveaux horizons de nouveaux paysages, permet de travailler sur la perception de l’autre. L’école mexicaine est située dans un village pauvre. La plupart des cours sont dispensés par le biais d’une télé avec un enseignant à distance.
Chaque élève français imagine « s’il était mexicain », comment s’appellerait il, comment vivrait il, quels seraient sa vie quotidienne, ses occupations. Les prénoms adoptés se révèlent obsolètes : plus de Juan mais des Brandon, les collégiens français découvrent que le Mexique se met à l’heure des séries américaines. D’autres traits visent juste. Les représentations des cultures bougent et les poncifs tombent. Chaque élève mexicain se fait à son tour français. Le résultat arrivera sous peu sans doute source de surprises.
Invités par le centre social en France, les jeunes mexicains ont rencontré la classe de Carmen : un dialogue en direct avec échange de cadeaux motivant encore plus la correspondance. En une année les élèves de Carmen ont appris les bases de l’espagnol et ils ont surtout découvert de nouveaux horizons.
Monique Royer
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