« Le privé sous contrat n’était pas la focale » entre 2014 et 2017 a déclaré l’ancienne ministre de l’Éducation nationale lundi 5 mai 2025. Najat Vallaud-Belkacem a été auditionnée par la commission d’enquête sur les violences en milieu scolaire, dans un climat marqué par la libération de la parole et les révélations récentes touchant aussi bien l’enseignement public que privé. Elle a surtout défendu son bilan : création de l’application « Faits établissement » permettant de fluidifier la transmission d’informations, contrôle des antécédents judiciaires, loi de 2016 pour articuler les transmissions entre la Justice et l’Éducation nationale.
L’application « Faits établissement »
« Nous avons fluidifié la remontée d’informations » déclare Najat Vallaud Belkabcem lors de son audition d’enquête parlementaire. Interrogée par la présidente de la commission Fatiha Keloua-Hachi (PS) sur la manière dont son ministère était informé des cas de violence, l’ex-ministre a affirmé avoir été destinataire de signalements graves entre 2012 et 2017. Elle a rappelé la création, sous son mandat, de l’application « Faits établissements » destinée à améliorer la transmission d’informations dans le secteur public.
Application au privé
Ce dispositif, récemment étendu au privé par la ministre actuelle Elisabeth Borne visait à « fluidifier la remontée d’information ». « Précision, l’outil au moment d’être créé s’adresse à tous les établissements publics comme privés […] ce qui relève de la vie scolaire, c’est l’extension du caractère propre des établissements privés qui ne permet pas aux pouvoirs publics d’agir sur ce qui se passe exactement, sur ce qui se passe là, […] mais il était donné la possibilité aux établissements privés d’utiliser ce logiciel », précisant que c’est le cas comme pour l’EVARS. « Les pouvoirs publics n’ont pas la capacité d’imposer aux établissements privés ce qu’ils imposent dans les établissements publics » reconnait-elle. « Toutes les réformes que j’ai menées […], des réformes pédagogiques, de la vie scolaire comme pour le harcèlement sont des réformes qui se sont adressées y compris aux établissements privés ». Elle poursuit : « la question est quelle est notre marge de manœuvre pour leur imposer : indéniablement elle est limitée ». « Si les établissements privés ont été associés à toutes les mesures, dans les faits, certains établissements ont choisi de faire autrement » précise-t-elle.
Face aux questions sur l’exclusion initiale du privé, N. Vallaud-Belkacem a souligné les limites du pouvoir de contrainte de l’État dans ce secteur : « Ce qui relève de la vie scolaire n’était pas soumis à l’obligation légale dans les établissements privés sous contrat. » Elle a néanmoins reconnu l’intérêt d’un alignement, regrettant des « dispositifs maison » insuffisants, pas tous « propices à la libération de la parole des élèves ». Pour l’ancienne ministre Najat Vallaud-Belkacem « la ministre actuelle a raison de vouloir aller plus loin sur ce point ».
Le SGEC au rang des partenaires, comme les autres
Interrogée par le co-rapporteur Paul Vannier (LFI) sur les relations entre son ministère et le Secrétariat général de l’enseignement catholique (SGEC), l’ancienne ministre a nié toute proximité particulière : « Ce dernier était traité comme tout autre interlocuteur du ministère » avec des échanges formels et informels. Elle en relativise aussi le pouvoir, renvoyant à celui des établissements. Concernant une éventuelle réticence du SGEC à la mise en place de l’application de signalement des violences, elle a déclaré : « Je n’ai pas souvenir de résistances.»
L’ancienne ministre renvoie au contexte, entre 2014 et 2017, les affaires de violences ont éclaté dans le public. « Le privé sous contrat n’était pas la focale » rappelle-t-elle. Vallaud-Belkacem a longuement évoqué l’affaire de Villefontaine (2015), un professeur qui a agressé une soixantaine d’enfants alors qu’il avait été condamné en 2008 pour agressions sexuelles sans que l’Éducation nationale ait eu connaissance de cette condamnation.
Au lendemain de la transmission de l’information du cas de Villefontaine, elle dit avoir organisé une conférence de presse le 24 mars 2015, suspendu immédiatement l’enseignant et diligenté une enquête administrative. Le 4 mai 2015, un rapport est rendu. Au sujet de l’affaire Bétharram, l’ancienne ministre s’est dit « frappée par le temps de latence » entre les faits révélés en 2023 et leur traitement par l’institution en 2024.
L’enquête souligne le problème de transmission et des « transmissions hasardeuses » entre la Justice et l’Éducation nationale. Violette Spillebout fait le lien avec l’actualité du cas des violences dans le lycée Bayen à Châlon-en-Champagne.
2016 : Une loi et mise en place du contrôle des agents
Cet événement a conduit à une réforme : la loi de 2016 imposant la transmission obligatoire d’informations entre les parquets et l’administration éducative. Une avancée selon elle, malgré les difficultés d’équilibre entre présomption d’innocence, confidentialité de l’information et protection des enfants. Elle a aussi rappelé la mise en œuvre d’une vérification inédite des antécédents judiciaires de 850 000 personnels, ayant mené à 26 suspensions ou radiations. Au moment de la fin du mandat de la ministre Vallaud-Belkacem, à raison de 3000 dossiers par jour étaient examinés, il restait encore des dossiers à examiner. Est-ce que son successeur Jean-Michel Blanquer a poursuivi les vérifications qui devaient courir jusque fin 2018 ?
Face aux questions sur les établissements comme Betharram ou Riaumont, dont les faits ont été médiatisés localement entre 2014 et 2018, l’ancienne ministre a assuré ne pas avoir été informée. « Ce n’était pas arrivé à nos oreilles. Ce qui pose la question de la libération de la parole. ce n’est pas tant les canaux que la silenciation. »
Elle a également défendu le travail mené à l’époque pour encadrer ces structures, notamment la mise en place d’un corps d’inspecteurs dédié aux établissements hors contrat. « Je regrette de ne pas avoir pu aller plus loin », a-t-elle admis. Najat Vallaud-Belkacem souligne les deux choses qui importent : la question des contrôles, et celle de la culture « pour sortir de la silenciation et de l’omerta ».
L’ancienne ministre pointe l’importance de la formation des personnels sur ces sujets et la réduction de leur volume. S’appuyant sur les travaux du chercheur Éric Debarbieux, elle a souligné une hausse des violences envers les personnels et donc un climat dégradé entre adultes qui pourrait miner leur capacité à détecter, écouter, reconnaitre et signaler les violences faites aux enfants. Les conditions de travail et le bien-être des professeurs sont des préalables insiste Najat Vallaud-Belkacem « parce que lorsqu’ils sont en souffrance, c’est plus compliqué d’être en mesure de voir les signes. Etre bien, c’est aussi être formé sur ces questions-là. […] et donc cela veut dire qu’il faut prendre au sérieux le travail inter-équipes dans les établissements scolaires ».
Il est vrai que le sujet de la violence dans les établissements scolaires ne concerne pas que les enfants.
Djéhanne Gani
Bétharram et commission d’enquête : le dossier du Café pédagogique
