« Toujours moins pour l’école publique » : niveler par le bas en arguant l’équité, c’est le choix fait par le Ministère pour la rentrée 2025. Depuis 1982, les directions d’écoles sont déchargées dans la capitale. Or, le Ministère a décidé de mettre fin au régime dérogatoire de direction mis en place depuis plus de 40 ans. A la rentrée 2025, 52 postes de direction vont être supprimés. Les directions d’école, la FCPE, le Snuipp-FSU dénoncent cette décision. Tous s’inquiètent de l’affaiblissement de l’école publique qui compte un tiers de ses élèves scolarisés dans le privé, avec une tendance à la hausse. Dans la capitale, la concurrence de l’école privée met en danger l’école publique et participe à sa forte ségrégation. Cette décision illustre à la fois le danger de cette concurrence et la contradiction de l’école publique à qui l’on demande toujours plus tout en voulant lui donner moins de moyens. Or, dans cette contradiction entre austérité budgétaire et ambition, l’emporte souvent le premier point …
« Un abandon méthodique de l’école publique »
La FSU-SNUipp, dénonce le choix de mettre fin au régime dérogatoire de décharge. A la rentrée 2025, 52 écoles sont concernées. Pour le Snuipp, cette décision « va avoir des conséquences désastreuses sur le fonctionnement des écoles concernées. Les compléments de décharge, loin d’être un luxe, garantissent à la direction d’école de pouvoir accomplir l’ensemble de ses missions en prenant en compte la complexité d’une ville comme Paris (commune-département-académie) ».
« On assiste à un abandon méthodique de l’école publique. Moins de classes, moins de directeurs, moins de moyens… » alerte la FCPE Paris. Pour la fédération de parents d’élèves majoritaire dans la capitale, la décharge des directeurs est un facteur d’attractivité du public aussi bien du côté des parents que pour les enseignants. « Nous nous inquiétons de l’impact en termes de candidatures d’enseignants à ces postes pour la rentrée prochaine. C’était également une mesure forte en matière de politique éducative de la Mairie. Avec quelle légitimité le rectorat et le ministère remettent-ils en cause ces mesures de collectivité locales, soutenues par la majorité des parents d’élèves ? » demande la FCPE.
Reconnaissance de la mission mais sans moyen
Les directions d’école de la capitale relèvent la contradiction entre le cadrage des missions de direction défini par le décret Rilhac de 2023 non suivi d’effet. « On attendait que la reconnaissance de la mission s’accompagne des moyens de l’exercer, et ce, partout en France. Mais non, alors que seuls les directeurs parisiens pouvaient répondre à ce cahier des charges grâce au régime dérogatoire de leur décharge, le ministère préfère annuler le système parisien » explique une directrice de la capitale. Elle poursuit : « Sa réponse est donc un nivellement par le bas. Par un pseudo souci d’équité, et pour récupérer des postes car naturellement il s’agit de renvoyer dans les classes quelques centaines de directeurs ».
La complexité de la fonction de direction
Paru en novembre 2024, un dossier de veille de l’IFE « la direction d’école, une question d’équilibre » (institut français de l’éducation) souligne les enjeux et la multitude des activités du rôle de direction. Pour elle, elles se complexifient et le rôle de direction « s’accompagne souvent de responsabilités supplémentaires, laissant place à une certaine imprévisibilité dans l’exercice quotidien de ces tâches ». La fonction de direction d’école primaire inclut à la fois des tâches administratives chronophages, des responsabilités administratives, pédagogiques et relationnelles. L’iFé pointe la difficulté pour les directrices et directeurs d’école de leur rôle d’interface, de personne ressource pour les enseignants, ses missions diverses dont l’accompagnement de la mise en œuvre de la loi de 2005 pour l’égalité des chances. On y lit les analyses de la sociologue Cécile Roaux: « Au-delà de la fréquence de certaines tâches, décrire une “journée type” est difficile, voire impossible, tant les problèmes matériels ou humains à résoudre sont complexes et multiples, les rendez-vous qui se succèdent divers et variés, les demandes “urgentes” soudaines et imprévisibles ».
Les fonctions et tâches des directions d’école mettent ceux et celles qui l’exercent dans une tension permanente. Les directions d’école ne veulent pas verser dans le catastrophisme. Toutefois, nombreuses et nombreux disent repenser souvent à la lettre laissée par Christine Renon, cette directrice épuisée de Pantin qui s’était suicidée dans son bureau en 2019.
Niveler par le bas, par mesure d’économie, comme le préconisait d’ailleurs la Cour des comptes dans son rapport, et non généraliser les décharges de direction est une décision politique qui peut ne pas étonner dans un contexte d’austérité budgétaire. Les directions d’école sont exposées à la « politique du puzzle » décrite par le chercheur Xavier Pons. Les personnels éducatifs sont plongés dans un système complexe et parfois contradictoire. L’école doit faire mieux, parfois avec moins ou alors avec ce qu’elle a. Malgré les annonces de l’école comme priorité. Et malgré les annonces de la santé mentale grande cause nationale en 2025. Mais est-ce que cela étonne encore les personnels du ministère de l’Éducation nationale…
Djéhanne Gani