Anne Genetet a été nommée Ministre de l’Education nationale samedi 21 septembre 2024. Elle est la sixième ministre de l’Education nationale d’Emmanuel Macron depuis 2017. Lors de la passation de pouvoir du lundi 23 septembre, la ministre de l’Education nationale l’a annoncé d’emblée : « Le navire ne changera pas de cap ». Le doute n’était pas vraiment de mise, et encore moins depuis la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre. Le cap du Ministère a été donné dès 2017 avec Jean-Michel Blanquer, et depuis réaffirmé notamment avec Gabriel Attal. Mais alors que le bateau prend l’eau, ne devrait-il pas changer de cap ?
Une passation sans un mot sur le budget, sur les salaires
« Le navire ne changera pas de cap », et pourtant le bateau prend l’eau. La ministre Anne Genetet pourra-t-elle piloter le ministère, premier budget de l’Etat et employeur, avec à sa droite ou sous sa tutelle, le ministre délégué LR Alexandre Portier, chargé de « la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel » ? Comment va-t-elle traverser la tempête à venir, celle du budget ?
La ministre macroniste Anne Genetet va donc poursuivre la feuille de route de ses prédécesseurs ou du président avec pour bagage son « expérience d’élève, de mère de 4 enfants et de médecin », qu’elle met en avant dans son discours de passation de pouvoir ? Elle évoque « une rentrée réussie », le « devoir de faire réussir les élèves », le « besoin de stabilité », de respect, d’autorité, de continuité, de sérénité, d’écoute, de temps long. Le dossier prioritaire et d’actualité du budget 2025 comme celui des salaires n’a pas été mentionné par la ministre Genetet. Aucun des dossiers brûlants n’a été abordé par les ministres nommés samedi 21 septembre 2024 lors de la passation.
Le bien-être, la santé, le bonheur
Parmi les défis et difficultés de l’École, la ministre Anne Genetet souligne « la solitude à l’école » des enseignants, des personnels de direction, des élèves, des parents. La ministre Genetet en fait une de ses priorités, faisant le lien avec son expérience de médecin : le bonheur, la « santé scolaire », la santé physique et psychologique seront au cœur de ses préoccupations. La santé scolaire – mais aussi celle des personnels – est un angle mort du ministère : des avancées sont nécessaires. Mais sans moyens humains supplémentaires, avec un budget 2025 à moyens constants ou en baisse, comment améliorer l’accompagnement, la prise en charge, l’écoute des élèves ?
Un ministre délégué pour une « consolidation pas à pas sur le terrain »
Alexandre Portier, ministre délégué est au diapason avec sa ministre de tutelle. Lui aussi mentionne la « lassitude des réformes » et la nécessité de retrouver « de la sérénité, et de la stabilité ». Le ministre délégué déclare à propos des projets lors de la passation : « avant d’imaginer de nouvelles lois, commençons par appliquer correctement ce qui existe ». Il poursuit : « l’heure est à la consolidation sur le terrain, pas aux annonces d’estrade depuis Paris ». Parmi les objectifs du ministre délégué figurent la montée en puissance des bureaux des entreprises et la révision de la carte des formations.
Alors qu’il cite des hommes de lettres, des inventeurs de génie, Charles Peguy, Aragon, Proust, Valery, les frères Lumière et l’intelligence de la main, la ministre Anne Genetet s’ancre dans lignée de femmes, des « hussardes de la République », rendant hommage aux femmes de sa famille. Opposition ou complémentarité du tandem, nous le verrons dans les prochaines semaines…
Les recommandations de Nicole Belloubet : le budget, l’attractivité du métier
Si la ministre Anne Genetet et le ministre délégué n’ont pas attaqué les sujets brûlants. La ministre démissionnaire Belloubet leur a rappelé trois enjeux durant de longues minutes. A commencer par le budget, elle affirme : « la sanctuarisation du budget de l’école est nécessaire » et le martèle : « la sanctuarisation du budget est une exigence que je mantiens malgré la baisse incontestable du nombre des élèves », faisant allusion au rapport explosif de la Cour des comptes publié le 12 septembre 2024. Ensuite, Nicole Belloubet parle de l’attractivité du métier avec les enjeux de recrutement, de la formation initiale comme continue, dont elle juge « le caractère obligatoire dans des conditions adaptées ». Elle rappelle le décret prêt à l’emploi pour la formation initiale. Enfin, elle évoque la diversité des élèves et le temps de la scolarité. Pour elle, « la République doit donner à chaque enfant de 15 ans un socle de connaissances et de compétences sans aucun tri social ». Elle précise : « je sais que cette conviction n’est pas partagée par tous ». Elle fait allusion et insiste sur cette divergence entre sa ligne et celle de Gabriel Attal. Elle persiste et réaffirme l’importance d’une scolarité jusque 15 ans « sans aucun tri social », faisant allusion à la mesure phare de la réforme Attal du Choc des savoirs avec des groupes de niveaux. Le ministre délégué LR Portier s’est exprimé sur le caractère du brevet comme passeport pour la Seconde.
Les axes de travail esquissés aux ministres du gouvernement Barnier par leur prédécesseuse nécessitent des moyens, comme de la volonté et du poids politiques pour défendre les intérêts de l’Ecole. Avec un budget à moyens constants, avec l’inflation, les évolutions de carrières et leurs incidences sur les salaires, le compte n’y sera pas … sauf à redéployer des moyens. Le SNU épinglé par la Cour des comptes le 15 septembre 2024 permettrait par exemple de dégager entre 5 à 10 milliards d’euros.
La ministre Genetet a beaucoup parlé de bonheur dans son discours. « L’argent ne fait pas le bonheur » dit le dicton, il permettrait toutefois au bateau de ne pas couler…
Djéhanne Gani
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