Le choix du député Alexandre Portier (LR) aux côtés de la ministre de l’Éducation nationale macroniste Anne Genetet est un signal fort. Que nous dit ou confirme cette nomination du ministre délégué à la réussite scolaire et à l’enseignement professionnel ? Depuis l’élection du président Macron en 2017, la politique éducative menée s’inscrit dans une cohérence. Le deuxième mandat est marqué par une valse des ministres de l’Éducation nationale, mais le cap – à droite toute – est maintenu. Cette cohérence ne se traduit-elle d’ailleurs pas par le choix de son Premier ministre Michel Barnier (LR) ?
Un connaisseur de l’école privée rue de Grenelle, quel signal politique ?
Proche de Laurent Wauquiez dont il a été conseiller au cabinet de la région Auvergne-Rhône-Alpes en 2016, Alexandre Portier est député LR depuis 2022 dans la commission affaires culturelles et éducation. Âgé de 34 ans, il a été élu conseiller municipal en 2014, à l’âge de 24 ans. Il a été scolarisé dans un lycée privé et a étudié à l’Institut catholique de Paris où il obtient une licence de philosophie en 2011, qu’il complète par un diplôme de l’ENS et de sciences politiques.
La nomination d’un défenseur de l’enseignement privé n’est-elle pas un signal de mépris ou de provocation après les polémiques qui ont secoué le deuxième mandat du président Macron ? En effet, la question de l’enseignement privé a été placée au cœur du débat public, avec l’épisode Amélie Oudéa-Castéra et notamment la publication des différents rapports sur les financements publics.
Un lobbyiste du privé pour défendre la voie pro
Alexandre Portier a ardemment défendu le privé après la publication du rapport parlementaire Vannier -Weissberg sur le financement des établissements privés sous contrat. En avril 2024, il décrit la Nupes et la Macronie « main dans la main » pour « taper ensemble sur l’enseignement privé, avec un rapport totalement à charge ». Il poursuit : « Nous, à droite, on défendra toujours la liberté pour les familles de recourir à des modèles d’enseignement qui leur soient propres, qui correspondent à leurs attentes ». En mai 2024, il co-signe avec le député européen Bellamy dans Le Figaro une tribune « Rappelons à tous que l’enseignement privé prend toute sa place dans la mission de mixité et d’escalier social qui incombe à l’État » et demande « peut-on reprocher à l’enseignement privé de ne pas avoir abandonné tout ce qui a fait les beaux jours du public ? »
« Alors, ne nous racontons pas d’histoire : le niveau des élèves baisse parce que celui des enseignants baisse. »
Mardi 17 septembre 2024, il affirmait sur Sqool TV : « On fait de l’enseignement privé le bouc émissaire de tous les échecs de l’enseignement public. L’enseignement privé remplit même mieux ses missions de services public sur bien des objectifs ». Force est de constater la défense et la foi d’Alexandre Portier dans l’enseignement privé et … l’absence de confiance envers les missions de services publics de l’école publique !
Dans une tribune datée de novembre 2022 dans l’Opinion, il déclare que « l’Ecole est devenue incapable d’assurer la transmission des savoirs fondamentaux ». Il poursuit : « Alors, ne nous racontons pas d’histoire : le niveau des élèves baisse parce que celui des enseignants baisse ». On retrouve une vision de l’école et une série de marqueurs idéologiques comme l’abaya, l’uniforme, l’ordre, les fondamentaux. Comme une petite musique des discours du ministre de l’Education nationale Gabriel Attal.
Alexandre Portier, mixité et voie professionnelle
Le député du Rhône LR Alexandre Portier est chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel. Dans une émission datée du 17 septembre, quelques jours avant sa nomination, il lance cyniquement que « Tous les gens qui font de grandes théories sur la mixité sociale poussent leurs enfants à aller au lycée professionnel ». Il souligne là notamment le fossé social qui sépare les élèves des lycées généraux des élèves scolarisés dans les lycées professionnels, qui sont majoritairement des enfants issus des milieux défavorisés. 70% des élèves de lycée professionnel, soit 1/ 3 des lycéens sont enfants d’ouvriers, d’inactifs ou d’employés. Que proposera le ministre délégué A. Portier pour l’enseignement professionnel afin qu’il soit plus attractif et non une voie de relégation, ressentie ou effective ?
Un ministre délégué à la réussite scolaire
Comme Gabriel Attal, Alexandre Portier défend le brevet comme condition au passage en Seconde. Alors que la réforme de brevet ne doit pas se mettre en place en 2025, il affirmait quelques jours avant sa nomination : « Je pense qu’il faut que le brevet serve à quelque chose comme le conditionnement du passage au lycée ». Pour lui, « le brevet des collèges, c’est plus de 3 millions d’euros pour l’organiser. Donc soit on le réforme, soit on le supprime ». La secrétaire générale du SNES-FSU, Sophie Vénétitay s’« inquiète de la création du ministère délégué à l’enseignement professionnel et à la réussite scolaire. Le reste du ministère va s’occuper de l’échec ou ne s’occupe pas de la réussite des élèves ? Ce n’est pas le projet commun et collectif porté ? »
Avec la ministre Anne Genetet et le ministre délégué Alexandre Poirier, Attal garde la main sur les réformes à venir et le cap donné rue de Grenelle.
Djéhanne Gani
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