Comment ça fonctionne un Rep + ? De nouveaux établissements prioritaires sont apparus à la rentrée 2014 et sont amenés à prendre la place des ECLAIR et des RRS à la rentrée 2015. Dotés de moyens supplémentaires, ils ont pour objectif de réduire les écarts de réussite scolaire qui se sont accentués au collège entre les élèves des établissements prioritaires et les autres. Tout le monde les guette. Et des critiques sont déjà portées sur leur fonctionnement. Le 15 octobre, l’Observatoire des Zones Prioritaires (OZP) invite les pilotes du Rep+ Clémenceau (Paris 18ème) à partager leurs réflexions sur l’organisation du réseau et son fonctionnement. Ils mettent en évidence la complexité du pilotage et les inquiétudes sur leur avenir.
Les nouveaux réseaux Rep+ sont dotés de moyens supplémentaires dans le cadre de la nouvelle éducation prioritaire. Ils bénéficient d’une pondération des heures d’enseignement permettant de dégager 1h30 chaque semaine pour le travail en équipe. Des moyens de formation sont également prévus. Enfin les enseignants bénéficient du doublement de leur indemnité annuelle. A la rentrée 2014, 102 Rep+ ont vu le jour, dont le Rep+ Clémenceau à Paris 18ème. Ils seront un millier de rep et rep+ à la rentrée 2015.
Comment devient-on Rep ou Rep+ ? Il apparait dans les échanges que les futurs établissements Rep+ sont déjà informés des choix rectoraux pour la rentrée 2015 alors que les réunions paritaires n’ont pas été faites… Le Rep+ Clémenceau répond aux critères sociaux et scolaires définis par le ministère. Le collège compte 70% d’enfants de familles défavorisées. 65% des élèves sont boursiers. 32% des élèves entrant en 6ème ont au moins un an de retard.
« Après 30 ans de prioritaire, les écarts scolaires ne se sont pas réduits », estime Pascal Delhom, principal du collège Clémenceau. Pour réduire les écarts, le collège applique les recommandations du référentiel ministériel. « L’enseignement est explicite », affirme P Delhom. « Toutes les 6èmes et les 5èmes sont des classes sans notes avec évaluation par compétences ». L’établissement a amélioré le climat scolaire et institué un « café des parents ». Mais « c’est dans la classe qu’il faut agir », affirme P Delhom.
Comment utiliser les heures de pondération ? Un colloque du Snes a montré des utilisations abusives. Dans le Rep Clémenceau, P Delhom et M. Huc, IEN de circonscription, réfléchissent depuis janvier à l’utilisation du créneau commun du mardi après-midi. « On essaye de cadrer ce temps ». Il est utilisé pour des réunions d’équipes relais permettant de faire le point sur les élèves et pour accompagner les projets d’équipes pédagogiques. « Il n’y a pas de comptage », promet P Delhom. Tous les enseignants ne sont pas présents tous les mardis.
Et la formation ? Le Rep a décidé de mettre en place 3 fois 3 journées de formation en interdegrès primaire – collège. Les thèmes sont choisis par le comité de pilotage. Ils portent sur « apprendre à apprendre », l’évaluation par compétences, le devenir élève, l’apprentissage des langages. Dans le pilotage du réseau le principal changement c’est l’arrivée des collectivités locales dans les instances.
Le Rep + permettra-t-il de réduire les écarts scolaires ? Pour améliorer l’enseignement en zone prioritaire, l’accord se fait pour dire qu’il faut des enseignants mieux formés, un taux d’encadrement des élèves meilleur, une stabilité des équipes pédagogiques. En apparence le Rep+ Clémenceau a tout cela. Dans la réalité c’est plus nuancé. Car si l’éducation nationale envoie des moyens nouveaux, elle en reprend aussi. Et elle est experte dans la construction de dispositifs qui font écran avec le terrain.
D’importants moyens sont donnés pour la formation. Des remplaçants permettent de dégager 3 fois trois journées de formation dans l’année, chaque enseignant étant invité à prendre une séquence. Ce gros dispositif souffre pourtant de points faibles. Il y a une certaine ambiguïté sur le choix des thèmes de formation : dans quelle mesure les enseignants y sont-ils associés ? Surtout on est face à une demi mesure. Car si l’Etat a dégagé des temps de remplacements pour permettre la formation des enseignants, il n’a pas fléché de budget pour payer des intervenants. La formation est donc faite en interne en sollicitant les IPR locaux pour animer des formations. Le Rep compte inviter quelques universitaires. Et c’est la Fondation de France qui prendra en charge les frais…
L’encadrement des élèves est-il meilleur ? Pour P Delhom, les indemnités Rep+ et les heures de pondération devraient inciter des enseignants à venir en Rep+. Mais en réalité ce n’est pas ce qu’on observe. Le collège dispose de coordonnateurs de niveau, déchargés totalement ou partiellement de cours. Leur avenir est en suspens car la montée en puissance des Rep à la rentrée 2015, en passant leur nombre de 100 à 1000, va nécessiter des moyens importants. Dans cette perspective une partie des moyens du collège pourraient disparaitre. Vu du terrain, des élèves, le nombre d’enseignants et e taux d’encadrement sont identiques. Le collège continue à faire appel massivement à des contractuels (7 sur 36 professeurs) . Les dispositifs compliqués auraient-ils oublié le terrain ?
François Jarraud
Le management mis en cause par le Snes
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/10/10102014Article635[…]
« Il faut en finir avec ce délire bureaucratique ». C’est le cri du coeur porté par les enseignants des nouveaux établissements prioritaires Rep+, réunis à Paris le 9 octobre par le Snes, le Snep et le Snupden. Ils ont témoigné de nombreux dérapages dans la mise en place de la pondération accordée dans l’enseignement prioritaire. Le colloque a mis l’accent sur la réappropriation du métier. Les syndicats Fsu demandent un autre management mais aussi une révision du périmètre de l’éducation prioritaire.
« On s’est fait voler la concertation ». « On travaille pour la carrière de notre chef d’établissement et du Dasen. Pas pour les élèves ». Ces remarques ont été portées fréquemment par les enseignants réunis par le Snes et le Snep Fsu qui ont présenté de nombreux exemples d’organisation autoritaire du temps de travail. Très souvent la pondération de 1.1, accordée aux enseignants de la centaine de collèges Rep+ créés à cette rentrée, est organisée par les chefs d’établissement de façon unilatérale. Ainsi dans un collège de La Seyne-sur-Mer, l’heure et demi libérée pour les enseignants du Rep+ est annualisée et affectée d’office pour du tutorat avec bilan mensuel écrit, des réunions imposées avec compte rendu écrit, des conseils de classe de mi-trimestre. La présence à ces réunions est vérifiée avec des feuilles d’émargement. A Saint Quentin, un planning de réunions obligatoires est instauré sur l’heure de concertation jusqu’à la fin de l’année. Les premières réunions sont consacrées à la présentation du planning… « Il faut noter la moindre heure que l’on effectue », relève un enseignant de Colmar. « On n’arrive plus à faire ce qu’on faisait avant sans la pondération ».
La circulaire sur l’éducation prioritaire a crée une pondération de 1.1 heure par heure d’enseignement. Très souvent cette heure et demi issue de la pondération est effectuée en heure supplémentaire. La circulaire précise que « sans avoir vocation à se traduire par une comptabilisation, ce dispositif vise à favoriser le travail en équipe de classe ou disciplinaire, en équipe pluri-professionnelle ». L’idée d’un temps de concertation hebdomadaire est bien accueillie par les enseignants présents qui en ressentent le besoin. Mais ils n’admettent ni la vérification des présences ni la main mise des chefs d’établissement sur ce temps. Ils soulignent aussi l’alourdissement du travail, du fait que la pondération est accordée en heures supplémentaires.
La question avait déjà été soulevée lors du séminaire national du 9 avril. Alors que le directeur général de l’enseignement scolaire, JP Delahaye, précisait « on inscrit ce temps dans le service mais on va travailler sur la base de la confiance », le recteur de Lille ajoutait : « ce temps n’est plus une option mais une obligation de service… » Pour les enseignants présents au colloque ce temps de concertation leur a été « volé ». Outre la gêne crée par des réunions régulières et perçues comme inutiles, les enseignants vivent ces injonctions comme une déqualification. « Certains chefs d’établissement sont désarçonnés par le fait qu’on laisse de la liberté d’organisation aux enseignants et souhaitent rentabiliser au maximum le temps de travail », nous a dit Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes. « On demande que cabinet que les consignes données soient claires : il ne s’agit pas de compter les heures mais de reconnaitre que dans ces établissements on a besoin d’avoir un vrai collectif de travail ».
L’autre question qui est remontée de ce colloque c’est celle du périmètre de l’éducation prioritaire. Des équipes qui ne font pas partie des 102 Rep+ déjà mis en place s’inquiètent de l’avenir de leur établissement. En effet la nouvelle carte de l’éducation prioritaire a redistribué des moyens entre les académies. Certains établissements Eclair ou RRS ne feront pas partie des Rep. « On demande une vraie concertation dans les académies », nous a dit F Rolet. « Il faut des indicateurs plus diversifiés que ceux du ministère ».
François Jarraud
La circulaire concernant les Rep+
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/06/06062014Article63[…]
Quelle réforme pour le prioritaire ?
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2014/sdp2014_qg8.aspx
Sur le site du Café
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