Frédéric Lestien : Quel référentiel du bac pour la course en durée CP5 ?
Professeur d'EPS au lycée français de Libreville (Gabon), Frédéric Lestien propose de revenir sur le nouveau référentiel Bac concernant la course en durée (CP5). Pour lui, « les changements vont dans le sens d’une plus grande clarification des attentes et recentrent l’activité du candidat sur le pôle moteur ».
Quelles sont les nouveautés principales de ce référentiel national ?
Le référentiel national pour l’évaluation du niveau 4 en course en durée évolue dès la session du baccalauréat 2018. Les changements vont dans le sens d’une plus grande clarification des attentes et recentrent l’activité du candidat sur le pôle moteur.
En effet, la répartition des points donne désormais beaucoup plus d’importance à la réalisation du plan d’entraînement (14 points au lieu de 10 auparavant) et moins à sa conception.
Mais les modifications ne s’arrêtent pas là. Les mobiles sont appelés dorénavant « thèmes d’entraînement » et sont précisés en termes physiologiques d’effort et de développement. Le candidat, à partir de son carnet d’entraînement doit proposer une séance comprenant un échauffement (adapté à son thème d’entraînement) et plusieurs séquences de course d’allures différentes (2 minimum) pour une durée comprise entre 30 et 45 minutes, incluant les temps de récupération et de justification. Il n’y a donc plus de forme d’entraînement imposée.
Enfin, dans un souci d’équité entre les candidats, la taille de la zone de validation n’est plus fixe mais fluctue en fonction des vitesses adoptées (3 m à 5 m si aller retour en ligne, 6 m à 10 m pour circuit sans demi-tour).
Que pensez-vous du fait de mettre plus de points sur la réalisation du projet ?
C’est effectivement la principale évolution pour les APSA de la CP5. La partie « produire » est désormais évaluée sur 14 points à l’instar des autres activités. Cela va dans le sens d’une plus grande prise en compte de l’action motrice sans dénaturer les enjeux inhérents à cette compétence propre, à savoir la prise en compte des différentes ressources de l’élève pour organiser une pratique autonome et raisonnée tout au long de la vie.
De plus, cette modification impacte directement les contenus d’enseignement et clarifie les attendus de la partie « concevoir », autant pour les candidats que pour les équipes pédagogiques. En effet, de nombreux collègues se questionnaient, à juste titre, sur le contenu de cette partie et sur ses critères d’évaluation (connaissances physiologiques ? diététiques ?...)
Que signifie un engagement réel de l’élève selon vous ?
Cette notion apparaît clairement dans le nouveau référentiel et permet d’apprécier le degré d’investissement physique des candidats lors du test. Ce n’était pas le cas auparavant. Certains élèves pouvaient en effet, proposer un plan d’entraînement « facile » pour faciliter sa réalisation et sa réussite.
Les critères d’évaluation sont très clairs à ce sujet. La rougeur, la transpiration, le visage marqué, la respiration et la fréquence cardiaque d’entraînement sont en effet des indicateurs fiables et pertinents pour les évaluateurs.
Le référentiel parle de thèmes d’entraînement ? Comment les appréhender et les mettre en œuvre ?
Le référentiel et la fiche explicative définissent désormais clairement ces notions et induisent l’élaboration des contenus d’enseignement pour les collègues et orientent le travail des élèves tout au long du cycle d’apprentissage.
Les thèmes d’entraînement s’expriment en intensité de travail à réaliser et en terme de développement de la filière énergétique aérobie (puissance et capacité). La fiche explicative complète ces éléments en précisant l’intensité, la durée, le type d’effort, ainsi que le mode et la durée de la récupération.
En relation avec le « mobile d’agir » retenu par le candidat, les thèmes d’entraînement donnent donc des indications sur le travail à réaliser, pour atteindre les effets attendus sur l’organisme. Les élèves doivent les connaître, comprendre leurs logiques et les expérimenter pour proposer un plan d’entraînement pertinent et adapté à ses ressources. Cela nécessite bien entendu une bonne maitrise par l’enseignant de leurs caractéristiques pour pouvoir les présenter précisément aux élèves et répondre aux nombreuses questions qu’ils ne manqueront pas de vous poser!
Pour ceux que cela intéresse, je propose en complément de cet article, une synthèse de ces 3 thèmes d’entraînement, de leurs caractéristiques et des exemples de mise en œuvre qui permettra, je l’espère, d’appréhender plus sereinement cette activité.
Le choix du mobile par les élèves et surtout leur justification est souvent un vrai problème. Quelles stratégies peut-on utiliser pour améliorer ce point ?
C’est effectivement un choix central qui va orienter inévitablement le travail du candidat pendant la durée du cycle d’apprentissage. Après 3 séances de remise en forme, je l’aborde très rapidement et je présente les caractéristiques de ces thèmes d’entraînement en fonction du mobile personnel retenu. Les élèves doivent pouvoir répondre aux questions suivantes : « pourquoi choisir ce thème d’entraînement ? Qu’est-ce qui motive ce choix et quels sont les effets attendus sur mon organisme ? »
Pour proposer, le jour de l’épreuve, une séance pertinente par rapport à ses ressources et à son choix de « mobile personnel/thème d’entraînement », le candidat ne peut, selon moi, faire l’impasse sur l’appropriation des caractéristiques et connaissances physiologiques de base de la filière énergétique à développer. Cette réflexion sur les effets attendus et les moyens à mettre en œuvre caractérise les enjeux de la CP5 et lui donne du sens, de la cohérence.
Justement, comment apporter ces connaissances aux élèves avec un temps aussi court ? D’autre part, comment faire pour amener tous les élèves à proposer des plans d’entraînement adaptés et non pas simplement plaqués ?
La difficulté est réelle car la durée des cycles n’est pas extensible et les élèves n’ont pas forcement l’habitude d’étayer leur pratique par des connaissances physiologiques qui leurs sont généralement parfaitement inconnues ! Je vais, si vous le permettez, vous expliquer notre stratégie d’intervention dans mon établissement.
Les lycéens se positionnent dès la classe de 1ère sur le choix de l’ensemble certificatif, ce qui facilite la progressivité des apprentissages et l’appropriation des connaissances nécessaires, notamment pour cette APSA. Pour le N3, les élèves expérimentent obligatoirement au cours du cycle, les 3 thèmes d’entraînement et en retiennent un pour l’évaluation, en fonction de leurs objectifs personnels.
Pour chaque thème d’entraînement abordé, l’enseignant propose 3 plans d’entraînement possibles et expose les caractéristiques physiologiques de la filière énergétique principalement sollicitée. En fin de cycle d’apprentissage, les élèves affinent progressivement leurs choix, optent pour un thème et un plan d’entraînement. Ils doivent les justifier sur leur carnet d’entraînement en fonction des ressentis et des effets recherchés sur l’organisme.
En terminale, nous distribuons, dès les premières séances, un document support qui reprend et précise les éléments incontournables pour concevoir des séquences de course raisonnées et adaptées aux ressources des élèves. A partir de celui-ci, les candidats sélectionnent les informations utiles et élaborent progressivement leur entraînement à la maison.
En début de séance, ils les présentent oralement à leur « binôme/coach » en justifiant toutes leurs propositions. Un questionnement type cadre cette phase de verbalisation (échauffement : durée, intensité des allures et étirements. Pour chaque séquence de course : durée de l’effort et pourcentage de la VMA, nombre de séries, temps et mode de récupération).
En fin de séance, le coach relève les ressentis de son partenaire, le renseigne sur le nombre de passages réussis et le conseille sur d’éventuelles modifications à apporter.
Au fur et à mesure, les élèves s’approprient les connaissances nécessaires à leur thème et peuvent, normalement, présenter le jour de l’épreuve un plan d’entraînement personnalisé et pertinent.
Il va de soi, que, même si les élèves sont en autonomie, l’enseignant est fortement sollicité et doit sans cesse recadrer et préciser certains points, notamment à l’approche de l’épreuve ! Enfin, en fonction du public concerné, cette phase d’appropriation peut prendre beaucoup de temps et nous sommes souvent obligés d’orienter le travail de certains élèves.
Propos recueillis par Antoine Maurice et Benoît Montégut
Pour aller plus loin ...
Un document de Frédéric Lestien
Par fjarraud , le jeudi 12 octobre 2017.