Michel Janosz : " Apprendre à faire travailler ensemble les différents secteurs"
Professeur spécialiste de psychoéducation de l'Université de Montréal, spécialiste en prévention sur le décrochage scolaire, Michel Janosz était le grand témoin des Assises contre le décrochage. Mais la France a-t-elle à apprendre du Québec ?
Que peut apporter le Québec à la France en matière de prévention du décrochage scolaire ?
Je pense qu'on a une certaine expertise dans la mobilisation, mais on sait aussi que ce n'est pas suffisant. Nous sommes beaucoup dans l'expérimentation concrète. Ce serait intéressant de voir, de part et d'autre, comment chacun de nos pays trouve des solutions, apporte des réponses différentes à des problèmes qui sont similaires. En même temps, parfois les problèmes paraissent similaires, mais pas dans les mêmes contextes : il faut faire attention à l'exportation des solutions des uns et des autres par rapport à ça. La question de l'ouverture à l'évaluation, au suivi de ces actions, à leur monitorage, c'est en plein bouillonnement pour nous. Je pense que ça pourrait être intéressant pour vous de le voir, parce que c'est nécessaire à l'innovation.
Notre système comporte des spécialistes de l'orientation et d'autres acteurs qu'on veut faire intervenir, mais sans savoir très bien comment. Qu'en pensez-vous ?
Il va falloir – comment dire ?.. Pour avaler un éléphant, il faut le couper en petits morceaux. Avant d'être capable d'avoir des activités de coordination sur des gros projets, il faut commencer par de petites choses, avec un nombre limité d'individus, qui vont apprendre à faire travailler ensemble les différents secteurs, la Région, la municipalité, etc. Quels mécanismes mettre en place qui ne soient pas lourds, qui n'ajoutent pas du travail dans la structure, sinon ça ne se fait pas. Il faut commencer avec des projets qui permettent d'apprendre, avant d'implanter un système au niveau de toute l'Ile de France.
Comment voyez-vous le clivage entre le système éducatif et le monde de l'entreprise ?
Je ne suis pas sûr de le voir, ni de le comprendre ainsi. J'ai surtout entendu des points de vue différents : des gens se demandent quelle est la place de l'entreprise par rapport à l'école, d'autres voient l'importance d'avoir des entreprise comme alliées dans la formation des jeunes. Ces deux positions existent et se côtoient. Je n'y vois pas de clivage, rien d'insurmontable là-dedans, j'ai plutôt entendu un consensus sur l'importance d'avoir des lieux de stage, des lieux de formation pratique, d'expérimentation pratique pour les jeunes, que ce soit en entreprise, en milieu de travail, en milieu artisanal, peu importe... L'enjeu, c'est d'avoir des lieux de formation pratique.
Entre les décrocheurs marginalisés scolairement et socialement et les élèves indécis en fin de scolarité, pensez-vous qu'on peut traiter le problème d'orientation de la même manière ?
Les pratiques éducatives et pédagogiques de base qui sont bonnes pour les uns sont bonnes pour les autres. Par exemple, renforcer tous les élèves dès le départ, mettre une bonne relation maître-élève, c'est bon pour tous les élèves. La prévention universelle est bonne. Certains élèves ont des difficultés plus spécifiques ou d’ampleur plus importante, qui nécessitent des interventions ciblées, il faut être capable d'y répondre et de les identifier, plutôt que de faire une autre école pour ces enfants-là.
Propos recueillis par Jeanne-Claire Fumet
Par fjarraud , le lundi 24 septembre 2012.