Adresse Email :
Mot de Passe :
Mot de passe oublié? Pas encore inscrit?
 
PortLeucate > Messages > Voyage en visages, un monde en dessins
Voyage en visages, un monde en dessins

Gilles Porte est directeur de la photographie, réalisateur, notamment du film « la mer monte ». Il est papa aussi. Un jour, en accompagnant Syrine, sa fille, à l’école maternelle, son attention est attirée par les petits dessins qui identifient chaque porte-manteau. Les vêtements se ressemblent, s’uniformisent, les dessins non. De cette observation nait une idée qui va voyager du XVIIe arrondissement de Paris au Sri-Lanka en passant par les îles Fidji et le Bénin, un projet artistique qui s’orne peu à peu de couleurs politiques.

Un papier noir, un crayon blanc

« Dessine-toi ». Dessiner son portrait en blanc sur papier noir, être photographié et porter en regard autoportrait et portrait. Ce sont d’abord les enfants de la classe de Syrine qui se prêtent au jeu. Les réalisations sont autant de vignettes qui composent des posters élaborés par Gilles Porte. Ils sont exposés dans le square voisin de l’école. Des exemplaires papier sont vendus aux parents pour le compte de l’association des parents d’élèves. L’idée est confrontée au cadre : pour exposer, Gilles Porte a du créer une association ; la vente des photos a été limitée par les contraintes du droit à l’image. L’exposition est un succès. Placées à hauteur d’enfant et en extérieur, les bâches sont accessibles à tous, l’art à portée de main. L’une d’elle est volée, à la place un texte inspiré des « stances à un cambrioleur » de Brassens est affiché. Quelques jours après, la bâche dérobée est restituée.

Gilles Porte emmène sa fille au Kenya rencontrer d’autres enfants, d’autres horizons. Il emporte aussi ses papiers noirs et ses crayons blancs. Le projet fait son premier voyage et visite les enfants massaï. Il ira ainsi dans 38 pays, rencontrera 4000 enfants, toujours dans le cadre d’une classe avec la complicité d’un enseignant. De temps à autres, Syrine l’accompagne. Le projet s’étoffe aussi. Dans sa deuxième version, les enfants après avoir dessiné leur portrait sur le papier, le font sur une vitre. Ils prennent le temps qu’ils désirent et sont filmés avec en arrière plan une bâche identique pour tous les pays. Pour financer son projet de film, Gilles Porte va voir les chaînes de télévision qui lui demandent de trouver un sponsor. Il refuse les marques qui enfreignent les droits fondamentaux en particulier de l’enfant. Car en voyageant avec son projet, le réalisateur rencontre la vie fragile menée par les enfants dans de nombreux pays, leur souffrance aussi parfois. C’est vers les associations qu’il se tourne : clowns sans frontières, solidarité laïque, l’Unicef ou la ligue des droits de l’homme. Son projet est né en 2007 et en 2009 sont célébrés les vingt ans de la déclaration des droits de l’enfant. L’une nourrit désormais l’autre. Les portraits-autoportraits deviennent autant de témoignages sur ce qu’est être enfant tout autour du monde.

Tour du monde en 4000 visages

Au fil des 80 courts-métrages réalisés, on retrouve ces témoignages. Au Burkina, les enfants se dessinent tout petit. Au Bénin, Gilles n’a pas trouvé de papier alors les enfants ont dessiné sur une ardoise. En Egypte, une petite fille se dessine voilée alors qu’elle ne l’est pas. Au Niger une petite fille de cinq ans porte le voile. Au Niger, un enfant n’a pas de prénom. C’est un enfant sourd. Les enfants sourds ne reçoivent pas de prénom. Les enfants inuits se dessinent sur un empilement de roues, ils reprennent le principe des inutsuks, bonhommes en empilement de pierres qui permettent de se repérer dans la steppe. Beaucoup d’enfants de roms se dessinent avec une maison alors qu’ils vivent en tente ou en caravane. En France et au Japon, les autoportraits sont souvent ornés de couronnes et pas en Afrique même quad il y a des rois. Tasmine, la petite palestinienne, se dessine enfermée. Son école est collée au mur et pour y aller, elle passe chaque matin quatre check point.

Des anecdotes, Gilles Porte en ramène de chaque pays, de jolis souvenirs de rencontre aussi. Les enfants qui le touchent ont de temps à autre un air de ressemblance avec l’enfant qu’il était : un jumeau qualifié d’hyperactif. Alors dans ses voyages, il prête attention aux jumeaux et à leurs dessins pour montrer dit il « que ce n’est pas parce qu’on est jumeaux, qu’on est identique ». A Madagascar, selon le territoire où ils naissent, les jumeaux portent chance ou portent malheur. Des orphelinats accueillent les jumeaux abandonnés marqués par la superstition. En Italie, il rencontre Lorenzo, un enfant hyperactif que sa mère ne veut pas laisser dessiner de crainte qu’il ne casse la vitre. Gilles Porte la rassure, l’enfant prend le marqueur et crève l’écran de sa présence éclatante. En Australie, il est saisi par la beauté d’un dessin exécuté par une petite aborigène, le miroir d’un Miro. Aux Iles Fidji, un petit garçon pleure de frustration, il ne parvient pas à dessiner une tête parfaitement ronde, efface et efface de son bras déjà teinté de feutre.

Ces rencontres Gilles Porte souhaite qu’elles ne soient pas sans lendemain. Les classes qui ont participé au projet verront les films présentés par des associations partenaires comme l’Unicef s’il ne peut pas y aller. En France, le DVD sortira début décembre. Lui projette déjà un documentaire qui viendra visiter une partie des enfants dix ans après, pour voir comment ils ont grandi, comment ils dessinent et s’ils dessinent encore. Le projet « dessine-toi » n’en finit pas d’évoluer. Des scientifiques suisses ont contacté le réalisateur pour pouvoir étudier les dessins. Des exploitations artistiques, en danse notamment, sont à l’étude. Rien de moins étonnant, « Dessine toi » grandit naturellement, nourri par la belle idée que le dessin d’enfant est universel.

Commentaires

Aucun commentaire sur ce message.