Macron : Des annonces efficaces et réalistes ?
Que restera-t-il des annonces du président de la République du 25 avril ? Tirant ses conclusions du Grand débat, E. Macron a dévoilé des mesures importantes pour l’Ecole : le dédoublement des classes de grande section de maternelle (GS), la limitation à 24 élèves par classe de la GS au CE1, l’arrêt des fermetures d’écoles et même la revalorisation des enseignants. Ces mesures répondent à des attentes des enseignants. Mais elles semblent incompatibles avec les politiques menées jusque là par le gouvernement. Dès maintenant la question du budget de l’Education nationale est posée.
Les annonces d’E Macron
Lors de son allocution du 25 avril, Emmanuel Macron a longuement parlé d’éducation et fait des annonces importantes. « J'ai demandé au gouvernement… de pouvoir étendre le dédoublement des classes qui fonctionnent et il y a déjà de très bons résultats dans les quartiers défavorisés, de l'étendre à la grande section de maternelle mais de pouvoir dans toutes les écoles de la République, de la grande section de maternelle au CE1 avoir des classes à taille humaine c'est-à-dire qui ne dépassent jamais 24 élèves », dit le président de la République « Nous devons… ne plus avoir d'ici à la fin du quinquennat de nouvelles fermetures, ni d'hôpitaux ni d'écoles, sans l'accord du maire…Cela suppose de mieux former les professeurs, de rendre leurs carrières plus attractives. Et donc dès à présent de progressivement rebâtir, revaloriser ce métier essentiel à la République et à la vie de la nation qu'est l'enseignant, le professeur, le maître.. Et de toute façon en vue de la réforme des retraites que nous aurons à conduire, il faudra revoir en profondeur et revaloriser cette profession ».
10 000 postes à créer dans le premier degré
Selon le ministère de l’Education nationale, ces mesures seront étalées de 2019 à 2022. Si certaines semblent faciles à mettre en œuvre, d’autres vont poser beaucoup plus de problème à l’Education nationale.
Dès 2019, les fermetures d’école nécessiteront l’accord des maires, ce qui illustre le caractère déséquilibré des relations actuelles entre l’Etat et les collectivités territoriales. « Dès la prochaine rentrée et jusqu'à la fin du quinquennat, plus aucune fermeture d'école n'aura lieu sans l'accord du maire », écrit le ministère. Mais il ajoute « certaines de ces fermetures pourront s'inscrire dans le cadre de la signature d'une convention ruralité. Il en existe aujourd'hui 52 qui privilégient ainsi le partenariat et le dialogue avec les élus. » En réalité, cette mesure est facile à mettre en œuvre car elle concerne moins de 200 cas pour la rentrée 2019. Et l’engagement ne porte que sur les fermetures d’école et non de classes, qui vont continuer à être imposées par l’Education nationale, particulièrement en zone rurale.
Le dédoublement des classes de Grande section de maternelle (GS) en éducation prioritaire va être beaucoup plus difficile à réaliser. Elle devrait commencer à partir de la rentrée 2020. C’est que cette mesure concerne 6000 classes et donc autant de postes à créer.
La limitation à 24 élèves des classes de GS à CE1 hors éducation prioritaire concerne selon l’Education nationale de 3000 à 5000 postes. Au total ce sont environ 10 000 postes que l’Education nationale devra créer entre 2020 et 2022 dans le premier degré pour répondre à cet engagement présidentiel soit plus de 3000 par an.
Flou sur la revalorisation des enseignants
Quant à l’engagement présidentiel de revaloriser le métier d’enseignant, le ministère s’en tient à l’annonce de l’application des accords PPCR pris par le précédent gouvernement et par la revalorisation de la prime de Rep+, qui se fait d’ailleurs attendre. On est loin d’une mise à niveau des carrières des enseignants, notamment avec la mise en place de la réforme des retraites .
Qui paiera le prix de ces mesures ?
Sur Twitter des professeurs des écoles ont immédiatement souligné l’impasse entre les annonces et la réalité de la politique gouvernementale. « Ce qui nous inquiète, c'est que nous voyons que les effectifs de profs des écoles sont en baisse…Nous savons qu'il n'y aura pas assez de profs pour réaliser ce bel objectif. Même si on décrètait aujourd'hui l'augmentation mirifique du nombre de profs au concours, on ne parlerait que du concours 2020, donc titularisés en 2021 (dernière année scolaire du quinquennat). C'est cela qui nous inquiète : quand le gouvernement annonce l'application progressive dès cette rentrée 2019, c'est donc forcément au détriment des classes de PS, MS, CE2, CM, qui sont déjà très chargées, et des remplacements, déjà sinistrés », écrit une enseignante.
« L'annonce de la fin des fermetures d'écoles, celles des d'hôpitaux, plus de fonctionnaires sur le terrain... n'est pas compatible avec le dogme de la baisse des dépenses publiques qu'il a pourtant confirmé », a tout de suite souligné la FSU. « Le ministère devra donc expliquer rapidement comme il entend procéder, sauf à charger encore un peu plus les autres niveaux de classes », réagit immédiatement le Snuipp Fsu.
Pour le Se Unsa, ces mesures nécessitent « un accompagnement budgétaire spécifique. Sans cette garantie, les logiques déjà à l’œuvre de redéploiement depuis le second degré vers le premier degré jusqu’à l’intérieur même des écoles sont appelées à s’amplifier. Au regard du projet de loi Fonction publique et de son objectif d’accentuer le recours aux emplois contractuels, rien n’assure non plus que les moyens alloués riment bien avec des recrutements de professeurs des écoles formés et sécurisés… Pour le SE-Unsa, il faut dès aujourd’hui un plan prévisionnel des recrutements pour les 3 années à venir ».
Une politique inefficace ?
Les créations de postes dans le premier degré depuis 2018 ont été financées en supprimant autant de postes dans le second degré. Ainsi en 2019 cela concerne 2600 postes. Les mesures annoncées imposent d’aller encore plus loin jusqu’en 2022. Même si les réformes du lycée et du lycée professionnel vont permettre de supprimer des postes, puisque les volumes horaires diminuent et que le système de spécialités permet de maximiser le remplissage des classes, l’étalement sur trois ans ne pourrait se faire qu’au détriment des lycéens et aussi des écoliers du CE2 au CM2.
Dès maintenant les regards se portent sur le budget 2020. Comment JM Blanquer, qui jusque là n’a pas su négocier avec Bercy une revalorisation de son budget, compte-il s’y prendre pour appliquer ces mesures ? Comment Bercy , qui mise sur la suppression de 50 000 fonctionnaires d’Etat pour équilibrer son budget, compte-il faire ?
Alors qu’une étude vient de souligner que la réduction des effectifs des classes n’est pas plus efficace que l’apport de maitres surnuméraires mais est beaucoup plus couteuse, c’est le choix gouvernemental qui est interrogé. En généralisant les réductions d’effectif par classe, le gouvernement envisage une mesure qui est politiquement porteuse. Mais il semble que faute d’un budget suffisant, la mesure ne soit atteignable qu’en aggravant la situation dans les autres niveaux d el’enseignement au point d’en affaiblir encore l’efficacité.
François Jarraud
Par fjarraud , le lundi 29 avril 2019.