Bernadette Groison : "On sent la colère et l'incompréhension qui montent chez les enseignants"
En quoi les enseignants sont-ils concernés par la mobilisation de la Fonction publique le 19 mars ? Si tous les syndicats de la Fonction publique on voté contre le projet de loi de transformation de la Fonction publique le 15 mars, tous n'appellent pas, comme la CGT, FO, la FSU et Solidaires à manifester et faire grève le 19 mars. D'autant qu'un mouvement spécifique à l'éducation et largement intersyndical, est annoncé pour le samedi 30 mars. Bernadette Groison, secrétaire générale de la Fsu, explique pourquoi sa fédération juge que cette mobilisation est indispensable.
Mardi 19 mars, le mouvement de grève est très large et réunit public et privé. Pourquoi les enseignants devraient-ils y participer au risque de noyer leurs revendications ?
Il y a aujourd'hui urgence à exprimer un désaccord qu'on peut avoir aussi sur les réformes du système éducatif. Par exemple sur la loi Blanquer et ses mesures qui vont encore dégrader les conditions d'exercice des enseignants et les déposséder de leur métier. La prochaine rentrée s'annonce difficile compte tenu du budget en lien avec la politique menée sur la Fonction publique. A l'éducation nationale aussi on a une carence du dialogue social avec un ministre qui n'arrête pas de dire qu'il concerte énormément. C'est vrai qu'il multiplie les rencontre mais il n'entend pas ce que disent les acteurs. Finalement les enseignants se retrouvent dans ce qu'on veut dénoncer avec cette mobilisation.
La loi de transformation de la Fonction publique est présentée comme permettant un dialogue "plus stratégique et efficace". Qu'en pensez-vous ?
C'est un comble de voir que le gouvernement utilise les principes de la Fonction publique pour les réduire à néant. L'article 7 du projet de loi élargit le recours aux contrats à tous les niveaux et dans tous les versants de la Fonction publique. Il y a une supercherie du gouvernement à faire croire qu'avec plus de précarité et d'externalisation des services on va renforcer le service public. C'est pourquoi au Conseil commun toutes les organisations ont voté contre le projet de loi. En vrai il n'y aura pas plus d'efficacité mais une réduction du service public et des suppressions d'emplois.
Dans ce projet de loi de transformation de la fonction publique, quels points concernent les enseignants ?
De nombreux points concernent l'éducation nationale car la loi est faite particulièrement pour la Fonction publique d'Etat (FPE). Par exemple in peut parler du recours au contrat. On va installer comme une voie normale de recrutement le contrat.
Il y a aussi la réforme des organismes consultatifs dont les compétences disparaissent. C'est très important pour gérer la mobilité et les mutations. Les organisations syndicales sont importantes pour permettre le respect des droits mais aussi pour le bon fonctionnement du système. En commission administrative paritaire (CAP) on repère les erreurs et les dysfonctionnements. Les services sont très satisfaits de cette gestion collective.
Avec la loi les agents ne pourront plus avoir recours à leurs représentants quand il y aura un erreur. Ils devront saisir eux -mêmes les tribunaux.
Que signifie la montée de la contractualisation pour les enseignants ?
Avec la banalisation des contrats, des enseignants seront recrutés sur une durée déterminée. Il seront dans une grande précarité dans leur vie personnelle. C'est difficile de se projeter dans un métier quand on ne sait pas si on pourra y rester. Difficile de se former aussi.
On a proposé d'autres solutions pour résoudre le manque d'attractivité du métier , par exemple travailler sur le pré-recrutement ou revaloriser le métier. Mais le gouvernement préfère des mesures à court terme...
Pour les enseignants fonctionnaires en poste est-ce un problème ?
Si on augmente le volume de contractuels on risque qu'au lieu d'aligner les conditions de travail des contractuels sur les fonctionnaires il se produise l'inverse. Les fonctionnaires seront fragilisés à commencer pour accéder à certains postes. Nous travaillons à l'harmonisation des droits et à la titularisation. Et voilà que le gouvernement installe deux voies parallèles. Dans ce cas c'est la précarité qui va primer.
La loi Blanquer va changer la donne pour la fonction publique ?
Elle change la donne pour le système éducatif. Le ministre le transforme en profondeur. Il veut rendre les enseignants sujets du système et non acteurs. On le voit avec l'article 1. On le voit aussi sur l'évaluation du système. Il installe un pilotage très descendant qui rappelle la loi de transformation de la fonction publique. C'est évidemment regrettable.
Tous les syndicats ont voté contre la loi de transformation de la Fonction publique mais tous n'appellent pas à manifester le 19 mars. Pourquoi ?
Ca relève du choix, respectable, de chaque organisation. Elles peuvent en appréhender autrement les enjeux. Mais après le 19 mars on appellera à nouveau les agents à se mobiliser dans le cadre d'une intersyndicale plus large. Le 30 mars ce sera pour l'éducation. Et il y aura d'autres mobilisations pour la fonction publique.
En février dernier le mouvement n'avait pas eu un grand succès. Qu'attendez vous du 19 mars ?
Le 5 février on n'appelait pas de la même manière. Là pour le 19 mars on appelle franchement à participer. Et on sent un niveau de mobilisation plus important dans notre secteur. On sait que c'est compliqué de se mobiliser dans un cadre plus large. Mais on sent la colère et l'incompréhension qui montent chez les enseignants et une envie de mobilisation plus forte qu'en février.
Propos recueillis par François Jarraud
Par fjarraud , le lundi 18 mars 2019.