Quelles sont les bonnes méthodes d'enseignement en sciences ?
Entre démarche d'investigation, pédagogie différenciée et enseignement dirigé par l'enseignant, quelle méthode obtient les meilleurs résultats en sciences ? Accueilli avec soulagement (on n'a pas baissé en sciences), Pisa 2015 a fait des sciences sa discipline maitresse. "Pisa à la loupe" (n°90) revient sur les résultats donnés en mars 2017 pour nuancer des préconisations pédagogiques jugées par certains trop nettes. Et pour les remettre aussi dans une toute nouvelle perspective : quelle démarche pédagogique donne le plus le goût des sciences ?
La bonne nouvelle de 2015
C'était plutôt une bonne nouvelle en mars 2017. En sciences, qui est la matière principale de Pisa 2015, la France est un peu au dessus de la moyenne Ocde (493) avec 495 points. Surtout la moyenne est stable. Mais si l'on creuse un peu plus on observe une dégradation : on compte 29 % d'élèves performants et très performants, soit un peu plus que la moyenne. Mais on a aussi 22% d'élèves en difficulté (21% en 2006); ce qui est un peu plus que la moyenne Ocde. On observe en sciences comme ailleurs l'éclatement du système éducatif français.
La démarche d'investigation mise en accusation
En mars 2017, l'OCDE avait surpris en mettant en évidence les mauvais résultats de la démarche d'investigation. " Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existe aucun système d’éducation dans lequel les élèves ayant déclaré être fréquemment exposés à l’enseignement fondé sur une démarche d’investigation (qui leur demande d’effectuer des expériences ou des travaux pratiques) obtiennent un score plus élevé en sciences. Après contrôle du statut socioéconomique des élèves et des établissements, une exposition plus importante à l’enseignement fondé sur une démarche d’investigation est corrélée à de moins bons résultats des élèves en sciences dans 56 pays et économies", affirmait le rapport.
Là dessus Pisa à la loupe apporte une nuance. "En théorie la démarche d'investigation encourage la communication et la collaboration", explique l'OCDE. "Ces activités sont plus exigeantes pour les enseignants car elles nécessitent une capacité à gérer la classe et une aptitude à l'improvisation".
Ce que veut dire l'OCDE c'est que la démarche ne peut être efficace que dans des classes disciplinées. Dans les classes indisciplinées cette démarche se traduit par une baisse du score dans Pisa. "Dans 33 pays, remarque l'OCDE, l'association négative entre ces activités et la performance en science disparait dans les classes disciplinées". A noter quand même que cette règle ne vaut guère pour la France (l'effet discipline joue peu) et que la méthode reste généralement moins performante dans la plupart des pays.
L'enseignement dirigé réhabilité
C'est l'enseignement dirigé par le professeur qui semble la méthode la plus prometteuse. Dans presque tous les pays (sauf la Corée et l'Indonésie) c'est elle qui est associée au gain de performance, notamment en France. Et cette constatation est valable pour toutes les sciences, toutes les écoles et tous les élèves, remarque Pisa.
L'enseignement différencié est lui aussi associé à de bons résultats dans la grande majorité des pays. En France par contre l'avantage de cette méthode semble particulièrement faible, validant d'autant plus l'enseignement dirigé.
Mais qu'est ce qu'un enseignement efficace ?
Mais un enseignement ne doit-il s'évaluer que par rapport à la performance Pisa ou aux tests d'évaluation ? L'OCDE pense que non et ce numéro de Pisa à la loupe apporte un nouvel éclairage qui donne sa revanche à la démarche d'investigation.
Certes les trois démarches relèvent l'intérêt pour les sciences et le plaisir d'en faire. Mais l'enseignement dirigé par le professeur et l'enseignement différencié ont un effet négatif sur le sentiment d'être efficace en sciences.
C'est la démarche d'investigation qui donne le plus, et de loin, le goût des sciences, le plaisir d'en faire, le sentiment d'être capable et la participation à des activités scientifiques. Si cette méthode semble globalement moins efficace pour répondre aux tests elle la plus à même de susciter des carrières de scientifiques et particulièrement chez les filles. L'OCDE voulait qu'on le sache.
Quelle lecture pour la France ?
Ces indications prennent un intérêt particulier en France pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'on est classé avant dernier au rayon discipline parmi les pays de l'OCDE et que cela a à voir avec les résultats.
Ensuite parce que les résultats en sciences ont à voir avec la durée de l'enseignement des sciences et que les nouveaux programmes du lycée les tirent vers le bas dans le tronc commun. Selon Pisa, chaque heure d'enseignement supplémentaire entraine un gain moyen de 5 points. Les clubs science, les compétitions de sciences sont aussi fortement corrélés à des résultats supérieurs (+21 points). Les experts de l'OCDE ont par contre calculé que les heures de travail en dehors du cadre scolaire sont contre productives. Plus le temps de travail en sciences hors école est long moins bons sont les résultats. Voilà qui fait réfléchir...
Enfin parce que les nouveaux programmes de lycée, à la suite de ceux du collège, recommandent la démarche d'investigation. Or on mesure que, si elle est susceptible d'éveiller des vocations dont nous avons bien besoin, elle risque aussi de creuser les écarts. Et nous n'en avons que trop...
François Jarraud
Par fjarraud , le mardi 20 novembre 2018.