Confiance, coopération, autonomie : L'étude biaisée du CAE
Les économistes savent-ils de quoi ils parlent quand ils traitent de pédagogie ? Probablement pas. Leurs arguments sont-ils recevables quand ils reposent sur des données fausses ? Non. C'est pourtant ce que font Yann Algan, Elise Huillery et Corinne Prost dans une Note du Conseil d'analyse économique sur "la confiance... pour une école du XXIème siècle".
"L’effort budgétaire de la France en faveur de l’éducation ne semble pourtant pas en cause : la France consacre 5,3 % de son PIB à l’éducation, contre une moyenne de 4,9 % dans les pays européens", écrivent-ils. "En revanche, le moindre investissement dans les méthodes pédagogiques est à rapprocher du retard français en matière de compétences comportementales telles que la confiance en ses propres capacités, l’estime de soi, l’anxiété, et la persévérance, et en matière de compétences sociales telles que la coopération, le respect ou la tolérance. Les élèves français figurent parmi ceux qui ont le moins confiance en leurs propres capacités, sont les plus anxieux, présentent une forte défiance envers le système scolaire en général et une faible capacité à coopérer entre eux par rapport aux autres pays de l’OCDE".
Les trois économistes expliquent que l'école est une cause du retard français et qu'il faut revoir les méthodes pédagogiques. " Revoir les méthodes pédagogiques pour mieux les adapter au développement des compétences socio-comportementales (personnalisation de l’enseignement, travail coopératif, changement du système de notation) et corriger le déficit de formation initiale et continue des enseignants sur ces méthodes sont deux leviers à mobiliser".
Le Conseil d'analyse est une institution officielle dépendant du premier ministre. A vrai dire on s'en rend compte dans la première phrase citée ici. D'emblée les auteurs exonèrent le gouvernement de toute responsabilité dans "le retard français" du fait que le pays verserait davantage pour son école que les autres pays de l'OCDE, comme si tous les pays avaient le même nombre d'élèves et les mêmes difficultés à rattraper.
Mais le raisonnement des auteurs se base sur les résultats de Pisa pour affirmer que " les élèves français figurent parmi ceux qui ont le moins confiance en leurs propres capacités, sont les plus anxieux". Page 3 deux graphiques illustrent ces propos. Les lecteurs pourront voir que l'un repose sur Pisa 2012 et l'autre sur Pisa 2015.
Cette anomalie s'explique. Pisa 2015 montre une très nette amélioration de l'école française sur ce point. NOus l'avions signalé en avril 2017. Les jeunes Français se déclarent heureux de vivre dans une proportion supérieure à la moyenne de l'OCDE. 7% des jeunes âgés de 15 ans ne sont pas heureux de vivre. Un nombre trop élevé par rapport aux 4% de jeunes Néerlandais mais faible par rapport à nos voisins européens (Allemagne 11, Espagne 10, UK 16, Italie 15%) et aux 22% de Coréens du Sud et 29% de Turcs.
L'anxiété à l'école qui était un point faible de l'école française est maintenant en dessous de la moyenne de l'OCDE. 47% des élèves français se déclarent anxieux même quand ils se sont préparés à un contrôle contre 56% pour la moyenne OCDE. On est nettement en dessous des taux de nos voisins : RU à 72%, Espagne à 67% sauf l'Allemagne (42%).
Par contre, Pisa 2015 souligne bien le très faible sentiment d'appartenance des élèves français envers leur établissement. Seulement 41% des élèves français se sentent comme chez eux dans l'établissement contre 73 % en moyenne dans l'OCDE. C'est le plus faible taux de tous les pays participants.
Ce que Pisa montre aussi c'est le lien entre discipline et réussite scolaire. Cette discipline doit reposer sur un apaisement des tensions et une atmosphère positive en classe. Là on rejoindra les auteurs. Mais c'est aussi une question de moyens. Et il ne semble pas que les économies réalisées en supprimant des postes aillent dans le bon sens contrairement à l'affirmation selon laquelle " l’effort budgétaire de la France en faveur de l’éducation ne semble pourtant pas en cause"...
F Jarraud
Par fjarraud , le mardi 23 octobre 2018.