Les chefs d'établissement dévoilent le bluff de mesures de JM Blanquer
Ils ne sont pourtant pas hostiles aux réforme impulsées par JM Blanquer. Mais, le 13 septembre, les chefs d'établissement du SNPDEN n'ont pas caché l'écart important entre les annonces ministérielles et le vécu des établissements. Qu'il s'agisse de l'interdiction des portables , du dispositif Devoirs faits ou encore des évaluations, ce qui se passe dans les établissements a peu à voir avec la communication ministérielle.
Portables : La loi n'a rien changé
"Depuis 5 ans aucun collègue ne nous a parlé de problème de gestion des téléphones portables", explique Philippe Vincent secrétaire général du Snpden Unsa, le premier syndicat des personnels de direction. "Il n'y avait pas de problème. On a l'impression que la voie législative ne s'imposait pas".
Inutile au moins dans le second degré, la loi n'a d'ailleurs rien changé. Un sondage réalisé par le syndicat auprès de ses membres (un quart des établissements ont répondu) montre que seulement 36% d'entre eux envisage de modifier leur règlement intérieur.
Encore celles-ci sont-elles de pure forme, selon le Snpden. "Dans la plupart des cas il s'agit de mettre la référence à la loi dans le règlement", assure Philippe Vincent. Les établissements rédigent le règlement en l'adaptant à la loi sans rien changer aux pratiques antérieures. "On utilise la dérogation permise par la loi pour autoriser les portables dans espaces découverts (en clair : la cour de récréation) à des moments précis (pendant les récréations). Le portable n'est interdit qu'en cours".
Le proviseur d'un très chic lycée de province a fait entrer la confiscation dans le règlement intérieur. Mais le Snpden relativise. "S'il y avait eu un problème à ce niveau on nous l'aurait dit", assure P Vincent. Dans la plupart des établissements la confiscation apporterait plus de problèmes que de solutions...
"Quand on nous dit que la loi est d'application immédiate", précise aussi P Vincent, "il est clair que les textes ne le permettent pas". Pour modifier le règlement il faut réunir le conseil d'administration dans les délais légaux. Souvent il faut aussi réunir la commission permanente avant le CA. Tout cela prend environ deux mois quand tout va bien...
Devoirs faits, c'est pas à faire...
Le Snpden s'est aussi attaché à faire un décryptage du dispositif Devoirs faits. Lancé par JM Blanquer, Devoirs faits a été présenté comme un dispositif permettant à tous les collégiens défavorisés de bénéficier d'une aide pour faire leurs devoirs. JM Blanquer a expliqué lors de sa conférence de rentrée que c'est une mesure sociale donnant les mêmes chances à tous.
Or l'enquête du Snpden montre que seulement la moitié des établissements ont disposé d'un financement suffisant pour mettre en place Devoirs faits. "Il y a eu de vraies négociations de marchands de tapis avec les rectorats pour cette mesure", dit-il. "L'intendance n'a pas suivi". Cela a retardé le démarrage.
Surtout le Snpden dévoile comment ça se passe concrètement. La plupart des collèges voient leurs horaires cadrés par les transports scolaires. Or Devoirs faits est arrivé bien après que les horaires aient été fixés. En clair il est impossible de mettre en place Devoirs faits en fin de journée dans la plupart des collèges ou alors c'est au bénéfice d'un très petit nombre d'élèves. L'enveloppe aurait du être fixée en mai pour une application à la rentrée.
Alors combien d'élèves en bénéficient ? "Entre 6 à 7%" estime P Vincent. "Et souvent ce sont les meilleurs et non les élèves en difficulté". L'encadrement est aussi fort variable selon les établissements, Devoirs faits pouvant être encadré aussi bien par des surveillants (AED) que des enseignants.
Comment faire passer les évaluations ?
Il se passe à peu près la même chose pour l'accompagnement personnalisé (AP). En théorie il doit être resserré sur le français et les maths selon une circulaire de juillet. "Mais les chefs d'établissement ont déjà organisé leur rentrée et faits les services d'enseignement. Retirer l'AP des services des professeurs des autres disciplines ce n'est plus possible".
Les évaluations, qui doivent avoir lieu en 6ème et en 2de et être passées sur un site Internet ministériel, n'échappent pas aux règles du bon sens administratif. Selon le ministre elles doivent avoir lieu fin septembre sur un créneau précis. "Mais dans mon propre lycée cela suppose que je trouve 40 séquences en salle informatique", explique P Vincent. "Ce n'est pas possible. On risque aussi de se retrouver tous à vouloir faire passer les évaluations en même temps; Il y a peu de chance que le serveur y résiste". Les évaluations vont donc être étalées sur plusieurs semaines bien au delà des délais officiels et les élèves auront tout loisir de se transmettre les questions...
P Vincent leur donne le coup de grâce. "En 6èle l'année dernière leur correction n'est arrivée qu'en mars un moment où ce diagnostic de rentrée n'était plus utile".
François Jarraud
Par fjarraud , le vendredi 14 septembre 2018.