Numérique éducatif : Pourquoi ça ne marche pas ?
Alors que la Commission de la culture et de l'éducation du Sénat publie un rapport appelant à un énième plan numérique, la même commission, mais coté Assemblée nationale, auditionne sur le numérique éducatif. De nombreux acteurs ont été entendus, y compris le Café pédagogique. Mais qu'ont-ils à dire sur l'échec de l'intégration du numérique à l'Ecole ? Les témoignages de l'Inspection générale et des éditeurs scolaires ont apporté des éclairages intéressants à ce sujet.
Des plans qui ont tous échoué
"Au bout de 15 ans je m'interroge sur les raisons pour lesquelles ça ne prend pas". Sylvie Marcé, présidente de l'association des éditeurs scolaires , ne cache pas l'échec de l'intégration du numérique à l'Ecole, rappelant que "depuis 15 ans on a enchainé des plans numériques". On apprend par exemple que les consultations des ressources numériques des nouvelles bases lancées par le ministère avec la réforme du collège sont faibles. "On investit depuis 15 ans. On a construit des plateformes efficaces et in n'a toujours pas de marché en face de nous", affirme aussi Celia Rosentraub, DG des Editions Hatier. Le marché des ressources pédagogiques numériques a été évalué récemment par la Banque des territoires à 42 millions pour 12 millions d'élèves.
Le top down mis en accusation
Les éditeurs voient plusieurs raisons à ces échecs répétés. "On a enchainé les plans numériques et ils ont tous souffert de vouloir plaquer une proposition sur un terrain pas préparé en terme d'accompagnement, de formation, d'équipement et d'infrastructures", dit S Marcé. "Tous les plans ont souffert des injonctions du ministère ou des collectivités locales. I faudrait partir des besoins des enseignants". Catherine Lucet, présidente de Nathan, remarque que là où ça marche c'est dans les pays où la liberté pédagogique est très respectée comme la Finlande.
"Il faut repartir des usages des enseignants", estime C Rosentraub. C Lucet montre que dans tous les pays on se pose la question de la pédagogie du numérique.
Cette situation est aggravée par les alternances politiques. "Quand on a un changement de majorité on arrête le plan numérique. Ca ne favorise pas l'émergence d'une filière et d'u marché", explique C Rosentraub.
Le matériel et le marché
Les dotations matérielles ont aussi un rôle. Outre le fait qu'elles sont inégales, la gestion du parc pose problème car en général l'établissement n'a pas la main sur l'installation de logiciels. Catherine Lucet explique que Nathan a du se doter d'un service technique capable d'intervenir dans les établissements. C Lucet relève que partout les problémes matériels sont loin d'être partout réglés par exemple les problèmes de bande passante.
Un quatrième facteur est à chercher, pour les éditeurs , dans le marché. "On est face à une barrière : celle du triangle infernal prescripteur, acheteur, utilisateur". A la différence de l'Angleterre où les enseignants ont reçu une carte pré payée pour faire leurs achats numériques directement, en France les achats sont englués entre un prescripteur qui est l'Etat en général, le payeur qui est la collectivité locale le plus souvent et l'utilisateur qui est en bout de chaine : l'enseignant. Celui ci est peu écouté aussi bien poru les prescriptions que pour les achats . Mais on ne manque pas de lui reprocher la non utilisation..
La tentation du testing
Les éditeurs ont aussi des solutions. "On ne s'est pas posé la bonne question : comment le nuémrique peut aider les enseignants", explique S Marcé. "Comment il peut gagner du temps pour certaines taches : 35% du temps de travail des enseignants est consacré à la préparation et à l'évaluation. Le numérique peut apporter une vraie valeur ajouter aux enseignants en les libérant de ces tâches".
Les éditeurs réfléchiraient donc à la généralisation du testing, c'est à dire des évaluations informatisées capables de prescrire à l'enseignant des approches variées pour ses élèves. Ce testing est très développé aux Etats Unis et en Angleterre où il a même des conséquences administratives. C Lucet rappelle qu'il nécessite des équipements et aussi qu'i est remis en question dans ces pays car ona fini par enseigner les tests plutôt que des disciplines.
Un dernier facteur relève du marché. Les éditeurs scolaires français se plaignent d'être traités avec beaucoup lus d'exigences que les GAFAM. Ce sont les GAFAM qui imposent leurs conditions quand l'Education nationale impose aux éditeurs des cahiers des charges beaucoup plus contraignants.
Le numérique comme une culture
Qu'en pense l'Inspection générale ? Chargée de suivre et accompagner le développement du numérique elle était représentée par Gilles Braun et Pascale Costa. Celle ci a mis en avant le besoin de formation des enseignants. Une demande nuancée par G Braun. "Les enseignants ne sont aps démunis dans leur pratique personnelle. Ils sont démunis par rapport aux pratiques sociales de leurs élèves et à leur intégration dans l'école". Autrement dit le problème d el'école serait plus un problème culturel que de formation technique. Ce qui renvoie au débat sur l'enseignement de l'informatique.
Second facteur : voient que le numérique a un intérêt pédagogique il n'y a pas de résistance", explique G Braun. "Or cette preuve est donnée par les pairs pas par la hiérarchie". Il reconnait que les programmes et les examens peuvent prescrire. Mais les usages s'imposent par leur intérêt pédagogique. Ce quine veut aps dire que la formation et l'équipement soient à délaisser.
Finalement l'intégration du numérique renvoie à la culture de l'école , dont un aspect est le manque d'intérêt pour les enseignants et le caractère top down des plans numériques , et un autre aspect la difficulté à lier la culture des élèves à celle de l'école.
François Jarraud
La mission d'information sur l'école dans la société du numérique
Par fjarraud , le vendredi 29 juin 2018.