Les usages du numérique en EPS sont-ils intéressants ?
Nous avons souhaité apporter notre contribution à cette thématique chère aux yeux du Café pédagogique et présente au sein du programme du CAPEPS 2018. Le numérique éducatif est-il réellement une plus value pour les élèves en EPS ? Si oui, comment caractériser cet intérêt et de quelle nature sont ses limites ? Nous vous présenterons des propositions en ce sens.
Usages et non outils
Une précision importante à apporter est tout d’abord terminologique. Nous opposerons l’usage du numérique de l’outil numérique. Ainsi, une application en tant que telle, par exemple, n’est qu’un outil. L’usage vient de son utilisation par l’enseignant dans le cadre de son enseignement. Pour autant, là aussi peut-on se suffire de cette définition? Non, car nous désirons y apporter une dimension qualitative. L’usage, selon nous, dans cette deuxième acception apporte un gain significatif car étant bénéfique pour transformer l’élève. Toutefois, soulignons que rentrer par l’outil peut également avoir un intérêt dans la recherche de qualité de son enseignement, comme l’évoque Ruben Puentedura à travers son modèle SAMR (Substitution, Augmentation, Modification, Redéfinition).
Des écueils récurrents
Rien n’est évidemment magique! L’utilisation d’une tablette, d’un cours en mode « classe inversée » est-il automatiquement garant d’apprentissage(s) ? Les écueils sont nombreux et ne se limitent pas à une baisse du temps de pratique, ou, au caractère chronophage du numérique, ou encore, à des difficultés liées aux acquisitions en équipements numériques. Selon nous, elles dépassent de loin le numérique et s’inscrivent au sein de dilemmes à l’acte d’enseigner. Nous ferons le choix ici de trois tensions qui sont bien évidemment discutables mais qui nous permettrons d’apporter une réponse des plus précises. Le premier dilemme pourrait se résumer à travers l’importance de proposer un temps de pratique conséquent pour permettre des transformations chez nos élèves (motrices méthodologiques et sociales). La deuxième en lien étroit avec la première s’attachera à lier quantité à qualité de la pratique. De plus, comment l’enseignant peut-il à la fois s’occuper de la leçon, dans son organisation, sa gestion des groupes, du temps et à la fois s’intéresser et intervenir auprès de chaque élève ? (3ème dilemme).
Trois propositions d’intérêts de l’usage du numérique en EPS et leurs limites
Nos propositions s’inscrivent au sein des multiples rencontres que nous avons pu réaliser dans le cadre du café pédagogique, évidemment, d’autres exemples sont possibles.
Simplifier son enseignement pour gagner en temps de pratique
Nous avons tous l’image d’une tablette qui ne fonctionne pas, voire, il y a quelques années d’un lecteur DVD ou un bon vieux magnétoscope VHS qui ne se connecte pas à la télévision de la salle de TD… Pourtant, si l’aspect technique reste important et peut avoir des conséquences sur la séance, il relève selon nous de choix de l’enseignant. Nous nous souvenons tous également de situation d’apprentissage très difficile à comprendre ou d’explication de l’enseignant qui dure une éternité… L’usage du numérique rentre bien évidemment dans ce dilemme. Mais il peut être aussi vraiment efficace. Nous avions à l’époque rencontré Martial Pinkowski qui avait abordé l’usage de l’application ChronoPerf permettant de chronométrer rapidement une classe en athlétisme ou encore natation, finit le temps de réécriture de l’ensemble des temps sur une feuille et à la relecture ne plus réussir à se relire ou à relire l’écriture de l’élève… Nous avions aussi rencontré Florian Colombat à propos de l’application Match & Score qui permet d’organiser un tournoi par groupe, poule, assurant les rotations, le comptage des points (voire point bonus), le classement, etc. Indéniablement, il y a une augmentation du temps de pratique grâce à l’usage de numérique sous certaines conditions. De plus, Lionel Amatte avait évoqué avec nous l’augmentation des interactions des élèves, lors d’un cycle d’Acrosport, du fait de l’usage de tablettes tactiles. Cette quantité de pratique, d’échanges semblent évidemment indispensable et possible à condition qu’elles soient réfléchies dans une recherche d’efficience de son enseignement.
Par contre, autre illustration, si un power point interactif peut permettre de proposer une illustration sur la figure à réaliser ou comment la réussir, elle peut aussi amener les élèves à rechercher « longtemps » la figure qu’ils souhaitent réaliser ou celle qu’ils estiment avoir le plus de chance de réussir. Là encore, la limite vient de la faciliter d’utiliser des supports numériques via ces outils et d’en proposer une quantité trop importante, jouant dès lors sur la quantité de pratique. Alors même qu’un enseignant sans ce support sera amené à limiter naturellement le nombre de figures à démontrer ou expliquer à la classe…
Faire apprendre les élèves en associant quantité et qualité
Une nouvelle fois, ce dilemme n’est pas propre aux usages du numérique éducatif. Mais nous pensons que l’ensemble des applications proposant un relevé de données constitue un gain évident pour associer à une action des critères d’efficacité. Nous pouvons citer l’application iPTB ou aPTB en sport collectif qui fournit de façon simple une quantité non négligeable de données sur l’équipe. Ou encore Multicompteur ou EPSimpact permettant de produire de données fiables à l’enseignant et à l’élève dans le champ d’apprentissage 4. Mais une nouvelle fois, la finalité est-elle de proposer de simple donnée sur la qualité de la production des élèves ? Nous avions rencontré Céline Hergault, qui, à partir de ses données propose une dévolution des apprentissages à ses élèves. Ainsi, ces données permettant à l’élève de choisir l’exercice le plus pertinent pour travailler son point fort ou faible en lutte et en basket. Nous voyons une nouvelle fois que plus que l’outil, l’enjeu réside dans l’usage de ces données dans une démarche de qualité des apprentissages. Il existe évidemment de nombreuses limites, mais questionner son enseignement dans sa relation enseignement/apprentissage représente pour nous un grand pas en avant dans les transformations des élèves.
Se décharger des contraintes organisationnelles pour singulariser son intervention
C’est un axe qui nous tient particulièrement à coeur. En effet, nous avons vu que l’utilisation du numérique peut être couteux en temps pour l’enseignant, voire chronophage, mais, il représente surtout, selon nous, un grand intérêt pour s’intéresser à l’élève dans son processus d’apprentissage. Par exemple, nous avions vu pour le power point interactif Gym’EPS, (d’autres existent également) que cela permettait à l’enseignant de ne pas avoir à expliquer l’aménagement, ou encore à démontrer la figure à réaliser. Ce genre d’outil étant vraiment pertinent pour aider l’élève. Cependant, une nouvelle fois, il peut avoir des limites (comme le temps de pratique que nous avons évoqué précédemment). En ce sens, il s’agit de le percevoir à travers un usage permettant à l’enseignant de singulariser son intervention. Être proche ou aider un élève lors d’un élément couteux sur le plan affectif pour le rassurer pendant que les autres peuvent installer ou travailler sur d’autres éléments est au coeur du métier d’enseignant. Le fait de se décharger des contraintes organisationnelles permet vraiment à l’enseignant d’intervenir. Nous pouvons réutiliser l’exemple de EPS Match & Score où l’enseignant ne se cantonne pas aux différentes rotations, limitant son intervention aux terrains proches de lui. Les exemples d’usages sous cet angle sont multiples, mais place aussi l’enseignant face à l’importance de questionner son enseignement sur sa capacité à se rendre disponible pour chaque élève, dépassant ainsi la problématique du numérique éducatif.
Antoine Maurice et Benoît Montegut
Rencontre avec Florian Colombat
Rencontre avec Martial Pinkowski
Rencontre avec Céline Hergault
Rencontre avec Yoann Tomaszower
Par fjarraud , le vendredi 20 octobre 2017.