Apemu : S’élever par l’éducation musicale ?
« Elève-toi ! Quand l'élève s'empare du cours d'éducation musicale » : telle est l’invitation lancée par l’Association des Professeurs d'Education Musicale lors de son congrès biannuel qui s’est tenu à Lyon pendant les vacances de la Toussaint. Des enseignants d’éducation musicale venus de toute la France se sont retrouvés pour participer à trois jours de rencontres, d’ateliers, de conférences. Rencontre avec la présidente de l’association Anne-Claire Scebalt, qui dresse un bilan de ce congrès, fait le point sur le rôle et la place de l’APEMu et évoque ses projets à venir.
Le congrès de l’APEMu vient de se terminer. Quel premier bilan tirez-vous de ces 3 jours à Lyon ?
Environ 200 professeurs ont participé à ces trois journées intenses, passionnantes et très enrichissantes. Bien entendu, c'est un grand succès pour notre association de réunir autant de professeurs d'éducation musicale sur leur temps libre. Cette participation importante témoigne d'un réel besoin de temps de réflexion et de formation qui a parfois manqué dans la mise en œuvre de la réforme. Mais aussi d'un besoin et d'une envie d'échanger, de découvrir d'autres pistes pédagogiques, de renouveler ses pratiques.
Les ateliers proposés pendant ce congrès étaient pour certains très « disciplinaires » (techniques de chant, percussions corporelles, beatbox) mais pour beaucoup d'autres plus généralistes, abordant des modalités pédagogiques et des questions éducatives d'actualité : classe coopérative, ludification du cours, utilisation du jeu de rôle, classe inversée, etc. Comment avez-vous pensé et organisé ce programme d'ateliers ?
Le programme a été conçu par l'équipe APEMu de Lyon. Le titre que nous avions donné cette année au congrès était « Elève-toi ! Quand l'élève s'empare du cours d'éducation musicale ». Ce thème de réflexion est venu suite à des enquêtes comme celles de PISA ou du CNESCO qui ne nous ont pas laissé indifférents : la question des résultats et de l'efficacité de l'école pose inévitablement celle de l'acte d'apprentissage. Quoiqu'on en dise la formule "l'élève au centre" rappelle que rien n'est possible si l'on n’est pas en mesure de rendre l'élève acteur de ses apprentissages. Oui, mais comment faire ? Cette question, à son tour, interroge tous les niveaux du processus pédagogique : l'organisation de la classe, les activités proposées, l'évaluation, les outils...
Pour envisager des pistes de réponse, le congrès s'est articulé autour de conférences, d'ateliers autour de la pédagogie et de la pratique musicale. Il y a une dualité chez le professeur d'éducation musicale et chant choral : il est pédagogue et aussi musicien. Il s'agissait donc pour nous de nourrir l'un et l'autre par une réflexion fondamentale et aussi par des ateliers de pratique musicale.
Quel est selon vous le rôle que peuvent jouer les enseignants d'éducation musicale dans les problématiques actuelles de l'éducation (réforme du collège, interdisciplinarité, modalités de travail en classe) ?
Il est difficile de parler unanimement des enseignants d'éducation musicale et du rôle qu'ils jouent individuellement dans leur établissement. Cela dit, plusieurs questions soulevées par la réforme ne sont pas nouvelles en éducation musicale et voilà plusieurs années que nous réfléchissons au travail par compétences et à son l'évaluation (depuis les programmes de 2008), à la place de l'élève et aux modalités de travail en classe. Par essence, la pratique de la musique implique une variété d'organisations interne à la classe : en groupe, en solo, en classe complète, en autonomie ou avec un chef, en diversifiant les rôles ou non... Il est donc naturel que ces possibilités se trouvent exploitées dans le cours d'éducation musicale. Forts de ces spécificités et de la réflexion qui a déjà été menée, les professeurs d'éducation musicale et chant choral se trouvent très sollicités dans les dispositifs interdisciplinaires tels que les EPI. Ils devraient, je pense, trouver également leur place dans l'Accompagnement Personnalisé.
Des acteurs institutionnels sont également intervenus pendant le congrès (notamment Michel Lussault, président du Conseil Supérieur des Programmes, et Vincent Maestraaci, Inspecteur Général de musique). Quelle a été la nature de leurs interventions et de leurs annonces auprès des enseignants d'éducation musicale présents ?
Dans le contexte de la réforme il nous a semblé très intéressant d'inviter Michel Lussault. L'entendre s'exprimer sur la philosophie générale des nouveaux programmes et du socle commun était essentiel pour comprendre les enjeux de ces textes. Tout le monde a compris que la réforme du collège nous pousse hors de notre enseignement (si tant est qu'il y en ait besoin). Son intervention nous a permis d'élargir notre réflexion, d'aborder notre enseignement en cohérence avec un projet commun. Son approche généraliste a mis l'éducation musicale en perspective de la réforme et paradoxalement a souligné les spécificités de notre enseignement.
Et comme chaque année, l'échange avec notre inspecteur général Vincent Maestracci a été un moment privilégié très apprécié des professeurs d'éducation musicale. Une bonne compréhension des textes, des programmes mais aussi des enjeux éducatifs de notre enseignement sont garants de la mise en oeuvre. Les éclairages et les réponses de l'Inspecteur Général à nos questionnements nourrissent notre réflexion sur les champs pédagogiques, didactiques, musicaux. Cette rencontre est aussi l'opportunité d'évoquer les difficultés que l'on rencontre, notamment en ce qui concerne l'existence la reconnaissance des chorales.
Ce congrès a également été l'occasion de fêter un anniversaire, celui des 70 ans de l'APEMu . Comment expliquez-vous la longévité de votre association, et comment voyez-vous aujourd'hui le rôle et la place d'une association professionnelle comme l'APEMu ?
Comme toute association, sa longévité est due à l'engagement des bénévoles qui la font vivre. Nous avons eu l'occasion de rendre hommage à toutes les équipes qui se sont succédé et qui ont fait de l'APEMu ce qu'elle est maintenant. Différentes équipes mais, me semble-t-il, toujours un même état d'esprit : constructif, libre, sans position de principe et avec la volonté de se rassembler dans la diversité.
Le rôle d'une association comme la nôtre est double. Il s'agit de permettre aux professeurs de se fédérer, de trouver, dans la mutualisation et dans l'échange, des ressources pour faire face aux mutations. Réforme ou non, les mutations qui touchent les adolescents, la société, les outils numériques, le monde de la musique sont tellement fréquents et rapides que nous ne pouvons les ignorer. Tous ces changements invitent à réfléchir, à remettre en question nos pratiques. Concernant la longévité de l'association, c'est certainement aussi l'une des raisons.
Notre deuxième mission est de participer au développement de l’éducation musicale à tous les niveaux. Il existe parfois un décalage entre un engouement manifeste dans les textes officiels et une réalité du terrain moins favorable à l'éducation musicale et au chant choral. C'est pourquoi l'APEMu s'engage pour une reconnaissance des chorales et des spécificités et s'est positionnée contre la semestrialisation des cours proposée dans le cadre de la réforme du collège.
Que représente aujourd'hui l'APEMu en termes d'adhérents, de membres actifs, d'implantation dans les différentes académies ?
En 2016, l'APEMu a vu son nombre d'adhérents exploser. Nous sommes actuellement 712 adhérents, soit environ 10% des professeurs d'éducation musicale. L'association a des adhérents dans toutes les académies (sauf en Guyane et en Martinique). Certaines académies sont des pôles très vivants de notre association (Besançon, Bordeaux, Lyon, Poitiers, Nancy...), d'autres académies commencent à s'organiser autour de délégués académiques qui ont été nommés lors du congrès. Ce travail de terrain est essentiel car l'APEMu n'est pas qu'un sigle ou un comité d'administration. Ce sont partout, en académie, des collègues qui organisent des rencontres, des mini-stages qui feront écho au congrès. L'objectif étant encore une fois de favoriser l'échange et la rencontre entre les professeurs d'éducation musicale et chant choral.
Quels sont les projets de l'APEMu pour les prochains mois ?
Les adhérents vont recevoir la revue annuelle fin décembre. Elle relatera le contenu des ateliers vécus par ceux qui étaient au congrès, et proposera un grand dossier d’actualité sur le thème « Musique et Spiritualité ».
De plus, lors du congrès, nous avons constitué des groupes de travail qui permettront de mener des réflexions approfondies sur des sujets ciblés comme la chorale, la classe inversée, le lycée, le cycle 3 (commission dans laquelle nous associons des professeurs du 1er degré). Ces groupes après un travail de réflexion et d'analyse viendront nourrir par leurs travaux les publications de l'APEMu (dans la revue et sur notre site internet).
Enfin, au sein de l’APEMu le groupe de professeurs « #Edmus » travaille actuellement à l'organisation du rassemblement « Edmusconnect 3 » qui se tiendra à Tours les 8 et 9 avril 2017. Cet événement sera ouvert aux personnes (pas uniquement des professeurs d'éducation musicale) intéressées par l'apport du numérique dans l'innovation pédagogique.
Propos recueillis par Logann Vince
Un atelier et une application dans le Café
Par fjarraud , le vendredi 04 novembre 2016.