De la croyance numérique au nouveau pilotage
Le rapport "Le numérique pour réussir dès l’école primaire" de l'Institut Montaigne réussit le tour de force d'associer sans vergogne la croyance dans la science, capable de sauver l'Ecole, avec la captation très terre à terre des crédits au profit d'un petit groupe de chercheurs et d'organismes.
L'argumentation pèche pourtant sur bien des points. D'abord dans le diagnostic général. La difficulté de l'école française ce sont les inégalités sociales à l'école. L'école fonctionne come une machine à exclure socialement. Or cette dimension est totalement omise par le rapport. Les dispositifs recommandés considèrent des élèves théoriques hors de leur contexte social. Du coup, ils définissent une sorte de "médecine pédagogique" avec les bons "médicaments", à savoir les "méthodes efficaces" qui serait bonne dans tous les cas. L'ordonnance est délivrée par des enseignants soumis à des scénarios étroitement cadrés à des élèves cobayes. On a là une vision irréelle de ce qu'est l'enseignement qui est en réalité une pratique sociale visant à transmettre des compétences sociales elles aussi.
Ensuite dans l'efficacité du numérique. Publiée en septembre 2015, une étude de l'OCDE basée sur Pisa 2012 a largement écorné l'idée que le numérique a un effet positif sur les résultats des élèves. Or pour le rapport , " la littérature existante ne permet pas de conclure, de manière générale, à un effet positif des TICE sur les apprentissages, néanmoins, chaque nouvelle recherche apporte des résultats de plus en plus encourageants, comme le montrent les études les plus récentes".
Objectif 2017
Une autre utopie consiste dans l'idée que l'on va définir de bonnes méthodes pédagogiques en suivant les résultats. Le courant de "l'evidence based", le pilotage par les résultats, est très répandu aux Etats-Unis et maintenant au Royaume-Uni. Il nécessite un équipement numérique conséquent pour produire les données d'évaluation capables d'alimenter le pilotage. On en connait les impasses : le "teaching for the test", la déprofessionnalisation des enseignants dans un système où pourtant leur professionnalisation est présentée comme la première condition de l'efficacité.
Quel effet de ce rapport ? Publié alors que le plan numérique est lancé, il a peu de chances d'en voir remis en question le lancement. Mais il va donner des arguments aux collectivités territoriales qui doivent soutenir le plan pour ne pas s'y engager. Plus que 2016, c'est plutôt pour 2017 que le rapport de l'Institut travaille. Il propose à un futur candidat à la présidentielle un cadre conceptuel, des institutions et une nouvelle utopie pour un programme éducatif.
François Jarraud
Le rapport de l'Institut Montaigne
Expérimenter avec le numérique B Devauchelle
Y Dutercq sur le pilotage par les résultats
Les résultats de Pisa interrogent l'opportunité du plan numérique
Par fjarraud , le lundi 07 mars 2016.