L'offensive de l'Institut Montaigne sur le plan numérique
Alors que le gouvernement lance un plan numérique doté d'un milliard pour équiper les collèges, l'Institut Montaigne, un thinktank libéral, publie le 7 septembre un rapport en faveur du développement du numérique au primaire et vers des dispositifs proches de l'Institut. Bien argumenté, appuyé sur des études, le rapport défend l'idée que le numérique peut résoudre la crise de l'école. Une torpille à deux temps pour le plan gouvernemental ?
Rénover l'école avec le numérique
"Notre conviction est que, dès le premier degré, le numérique peut contribuer à la rénovation de l’école et à l’amélioration de ses performances", affirme le rapport. "Dès les cycles 1 et 2 (maternelle, CP, CE1 et CE2), le numérique est un formidable outil pour augmenter le temps d’apprentissage réellement disponible pour les enseignants et pour réduire les ferments de l’échec scolaire, grâce à une acquisition plus systématique et efficace des savoirs fondamentaux (parler, lire, écrire, compter). Il permet notamment de dupliquer les techniques pédagogiques efficaces : engagement actif de l’enfant, apprentissage par essai-erreur, retour d’information immédiat, répétition des tâches et individualisation de l’enseignement, augmentation du temps d’interaction à l’école et hors de l’école, suivi systématique de l’évolution des acquis des enfants... Dès le cycle 3 (CM1 et CM2), le numérique peut être envisagé comme un nouveau savoir fondamental, au même titre que parler, lire, écrire et compter – des savoirs fondamentaux acquis durant les cycles 1 et 2.. Nous en sommes convaincus, c’est à l’école primaire que les résultats les plus forts peuvent être obtenus et c’est pour cela qu’elle doit être la priorité absolue du numérique éducatif."
Répétition et pilotage par les résultats
L'argumentation du rapport de l'Institut Montaigne repose sur des convictions pédagogiques fortes qui ne sont pas nouvelles pour l'Institut mais qu'il tente avec ce rapport de rattacher au numérique.
C'est d'abord l'idée que pour améliorer l'efficacité du système éducatif le facteur déterminant est les méthodes pédagogiques. L'idée de l'Institut est simple : il existe des méthodes pédagogiques efficaces, nous les connaissons, il suffit de les dupliquer. D'où la proposition " d'utiliser le numérique pour diffuser les meilleures pratiques pédagogiques avec l’aide d’enseignants volontaires".
Enumérons ces méthodes présentées comme suffisamment efficaces pour sauver l'école : l'engagement de l'enfant, dont on va stimuler l'appétit d'apprendre avec des logiciels; la répétition des tâches avec un logiciel "professeur répétiteur infatigable"; l'adaptative learning c'est à dire la capacité des logiciels et des enseignants à tirer parti des données produites par l'environnement numérique de l'élève pour adapter les outils numériques; l'extension du temps scolaire en le prolongeant à la maison grâce aux outils numériques; le développement de la logique et de l'esprit d'analyse grâce à l'apprentissage généralisé de la programmation.
Une fois proclamées ces bases, l'Institut Montaigne met en avant les réalisations de ses amis. Amis politiques d'abord avec les villes de Puteaux et d'Elancourt, deux municipalités de droite. Amis chercheurs : l'Institut recommande la numérisation des idées éducatives de S Dehaene. Il rappelle le plan E-fran de JM Monteil, un programme de recherche en éducation doté de 30 millions par les PIA pour créer des territoires d'innovation numérique. Le rapport promeut aussi des exerciseurs comme "La cartographie des savoirs" d'EducLever.
Mais ce que met aussi en avant le rapport c'est le dispositif Agir pour l'école dont l'Institut est très proche. Le dispositif est présenté comme efficace, alors que son efficacité est en débat. "La méthode d’Agir pour l’école repose sur quatre piliers : le diagnostic précoce des difficultés ; l’entraînement ciblé des compétences orales préalables à la lecture ; la rationalisation de l’organisation du temps scolaire ; la sensibilisation des enseignants aux vertus de l’enseignement structuré, qui repose sur l’évaluation continue des progrès des élèves". Agir pour l'école impose aux enseignants qui y participent une méthode prescriptive. " Ici, la technique pédagogique prime", écrit le rapport. "L’intérêt du numérique se trouve dans la répétition des exercices et la capacité à prolonger la pédagogie de l’enseignant". Puisque Agir pour l'école est efficace, on peut le généraliser avec le numérique semble dire l'Institut.
Un scénario alternatif au plan numérique
Le rapport propose une évaluation chiffrée de l'application de ses recommandations qui utiliserait partiellement ou totalement le milliard du plan numérique. On irait ainsi de 100 millions pour "consolider les savoirs fondamentaux avec des outils adaptés" (ceux reconnus comme tels par l'Institut), à 1.2 milliard pour "consolider les 4 savoirs fondamentaux incluant le numérique" en dotant les classes du primaire de tablettes, d'un TBI et d'un robot programmable.
L'Institut Montaigne a imaginé un scénario de déploiement qui fait la transition vers l'après 2017. D'abord lancer des pilotes dans 30 écoles du plan numérique sur les fonds d'E-Fran, puis former les enseignants aux dispositifs comme Agir pour l'école, puis prescrire des applications pour le temps hors école. A l'appui de cette politique la création d'un organe nouveau qui "orientera la dépense publique vers des dispositifs dont l'efficacité a été prouvée" et celle d'une Fondation pour l'éducation pilotée par les chercheurs amis et richement dotée. Il s'agit de " de s’appuyer sur une recherche de haut niveau, conforme aux standards internationaux, qui favorisera in fine la diffusion des "meilleurs" ressources et dispositifs dans les classes."
François Jarraud
Le rapport de l'Institut Montaigne
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Par fjarraud , le lundi 07 mars 2016.