Avec la Fédération des Maisons des lycéens, l'espoir de l'engagement lycéen
Réunies à Paris le 2 novembre, les Assises de la Fédération des Maisons des lycéens marquent un tournant dans la mise démocratie lycéenne. Epaulée par le ministère et des "grands frères" comme l'Occe, l'Aroeven ou la Ligue de l'enseignement, la toute jeune Fédération réunit déjà près de 200 délégués avec l'objectif de faire entrer durablement les Maisons des lycéens (MDL) dans la vie des établissements et la formation des jeunes. Les MDL s'affirment bien comme des laboratoires d'un engagement lycéen en renouveau.
MDL où en est-on ?
Quand on travaille dans l'éducation en France, on a peu d'occasions de se réjouir. Les Assises de la Fédération des Maisons des lycéens, le 2 novembre, font exception à la règle. Réunis à Paris, dans les locaux du Conseil régional d'Ile-de-France, les 200 lycéens délégués font preuve d'un bel enthousiasme et leurs dirigeants, particulièrement le président Kalilou Sylla, d'une maturité et d'un engagement exceptionnels. Emerge d'une génération que l'on dit perdue pour l'engagement citoyen, et particulièrement des minorités des banlieues populaires, des responsables qui sont déjà impressionnants. On n'a pas fini de parler d'eux !
En théorie depuis 2010, les 2496 lycées publics français devraient avoir chacun leur Maison de lycéens. En fait, comme devait le dire Ali Rabeh, délégué national à la vie lycéenne, "de nombreuses MDL n'existent pas, d'autres coexistent avec un Foyer des lycéens, dans d'autres on a une situation baroque avec des adultes à la tête de la MDL". Impossible de savoir dans quelle proportion les MDL existent , peut-être un quart des établissements, dans quelle mesure elles fonctionnent réellement selon les textes c'est à dire comme une association gérée par les lycéens.
L'engagement citoyen sur le terrain
L'objectif de la Fédération des MDL, rappelle son président et créateur, Kalilou Sylla, c'est justement "d'aider à la transition du Foyer vers la MDL et de développer l'autonomie lycéenne". Car la fédération se veut un mouvement "par les lycéens , pour les lycéens". A la tribune siègent de jeunes dirigeants, Léa Pasquier, Jovel Bouity, Pirabhean Sivaraji, Mathias Lang, très investis, capables d'argumenter et de défendre leurs valeurs et en même temps de vrais ados soucieux de leurs relations avec leurs parents et les adultes en général.
Car la Fédération des MDL prend bien soin de marquer qu'elle a besoin de l'aide des adultes pour porter ses projets. Les Assises sont l'occasion de deux journées de formation qui s'appuient sur les partenaires, des associations nettement plus anciennes : l'Occe, l'Aroeven, la Ligue de l'enseignement, l'Association des régions de France. La Fédération est aussi soutenue par la Délégation nationale à la vie lycéenne.
Car des problèmes il y en a. Kalilou Sylla souligne les difficultés à ouvrir un compte pour sa MDL quand on est mineur. Jovel Bouity raconte comment le budget d'une MDL peut être utilisé dans un lycée pour combler celui du Conseil de la vie lycéenne par simple décision d'un proviseur, ce qui est simplement illégal. Dans d'autres lycées, le proviseur impose à la tête de la MDL des adultes. La Fédération se propose d'aider les responsables des MDL pour dépasser ces blocages. "Ce n'est pas au niveau national que sont les problèmes c'est au niveau local", souligne K Sylla.
L'engagement et la culture scolaire
La maturité des dirigeants de la Fédération fait qu'ils ont invité Philippe Tournier, secrétaire général du Snpden, le principal syndicat des proviseurs. "Comment se fait-il que 15 ans après la publication des textes, on est comme au début ?", interroge P Tournier. "La difficulté majeure c'est que l'engagement des jeunes heurte de plein fouet la culture dominante du milieu scolaire. Pour soutenir la démocratie lycéenne, manquent cruellement les enseignants", dit-il. "L'engagement des jeunes n'est pas reconnu dans le système scolaire.. Tout ce qui est horizontal n'est pas reconnu". Pour P Tournier, "la démocratie lycéenne ne fonctionnera réellement que quand il y aura une pression lycéenne". A vrai dire l'histoire du développement de la vie lycéenne, liée aux grandes manifestations lycéennes, semble lui donner raison.
Ali Rabeh, délégué national à la vie lycéenne, annonce une enquête sur le déploiement des CVL et MDL. Il rappelle que l'engagement lycéen profite aux établissements. "Là où la MDL existe, le climat scolaire s'améliore". La ministre "souhaite" que cet engagement soit reconnu et a doublé les fonds de la vie lycéenne les portant à 1 million.
"Vous avez une responsabilité particulière dans les semaines qui viennent", dit A Rabeh en s'adressant aux élus MDL. "Je vous invite à porter la mobilisation pour les valeurs de la République lors de la semaine de mars d'éducation contre le racisme et l'antisémitisme... J'espère que votre génération prouvera que le 1er parti de la jeunesse ce n'est pas l'abstention, que le second ce n'est pas le Front national" conclue-t-il.
A quoi sert l'engagement lycéen ?
Vice présidente de la région Ile-de-France en charge des lycées, Henriette Zoughébi rappelle les apports de l'engagement lycéen. "Vous donnez de la place à la culture dans les MDL", dit-elle, "or les jeunes ont des capacités artistiques mais souvent ce qui manque c'est la connivence avec la culture scolaire". H Zoughébi souligne aussi la formation citoyenne à travers les MDL. "On a vu après les attentats combien les jeunes ont besoin de débats pour comprendre, pas de communication descendante. La morale laïque ça ne suffit pas. Il faut que ce soit vécu", dit-elle. Elle rappelle l'action de la région Ile-de-France qui, après consultation des lycéens, a mis en place un budget participatif et le financement d'actions lycéennes. Les jeunes apprennent ainsi à décider des projets, à gérer un budget et à le gagner en défendant de vrais projets construits avec l'aide des adultes.
Gérer un budget c'est justement un des thèmes au programme des Assises de la Fédération des MDL, avec la création d'une MDL, la communication, la place d ela MDL dans le lycée, l'organisation d'activités et d'évènements. Interrogés par le Café pédagogique, des jeunes présents promettent qu'ils vont rattraper les cours manqués. Léa Pasquier explique ce que l'engagement dans la MDL apporte pour l'affirmation de soi et l'estime de soi et donne des arguments pour convaincre les parents.
Le héros de la journée c'est Kalilou Sylla, créateur d'un mouvement important. Pèse sur lui la grande confiance que lui portent les élus des MDL. "L'engagement ce n'est pas pour se soulager des cours", dit-il, "mais pour contribuer à la réussite scolaire, à l'émancipation, à l'épanouissement et à un climat scolaire serein". La Fédération relève ce défi.
François Jarraud
Au coeur de l'engagement lycéen
Par fjarraud , le mardi 03 novembre 2015.