L'OCDE presse l'éducation nationale à réformer l'évaluation des enseignants
"Il faut continuer les réformes et aller plus loin". Le 10 juillet, Angel Gurria, Secrétaire général de l'OCDE, a mis tout le poids de son organisation dans le soutien accordé aux réformes de N. Vallaud Belkacem. Il a fait le lien entre la réforme du collège et les besoins de l'économie français et contesté le fait que la réforme aboutirait à un nivellement par le bas. L'OCDE demande expressément plus de pouvoirs pour els chefs d'établissement notamment dans l'évaluation des enseignants. La ministre a confirmé son intention d'aller plus loin dans les réformes, notamment vers cette réforme de l'évaluation des enseignants.
"On sera fiers de vous accompagner dans ce chantier important pour l'avenir des jeunes français". Angel Gurria, Secrétaire général de l'OCDE, a accueilli en français la ministre de l'éducation nationale le 10 juillet, à l'occasion de la publication d'une note sur le système éducatif français.
La place de l'économie française se joue à l'Ecole
La note confirme le diagnostic fait par l'OCDE sur le système éducatif français d'une part et le niveau de compétences des adultes d'autre part. Celui ci est nettement plus bas et inégalitaire que dans les autres pays développés. Quant à l'Ecole, " les résultats à l’enquête OCDE-PISA sont moyens et montrent que le système est aujourd’hui tenu par ses bons élèves, dont la proportion est stable, et se dégrade par le bas, avec un échec scolaire qui atteint 20 %", indique la note. "Les inégalités dans le niveau de performance des élèves se sont creusées depuis 10 ans, alors même que l’insertion professionnelle des jeunes les moins qualifiés est toujours aussi difficile... Toutes les études convergent enfin pour montrer que les inégalités et les difficultés observées en France apparaissent dès l’école maternelle – où la scolarisation est pourtant quasi généralisée dès l’âge de 3 ans –, pour ensuite s’accentuer jusque dans l’enseignement secondaire et tertiaire, et dans la progression des compétences tout au long de la vie. Si la massification peut être incontestablement portée à l’actif du système d’éducation français, des processus de sélection étape par étape au cours du parcours scolaire d’une « élite » restreinte sont restés, ont resurgi, et se sont parfois même développés, modelant l’ensemble du système, mais laissant pour compte un trop grand nombre de jeunes mal formés, parfois sans diplôme, difficiles à embaucher, et par ailleurs relativement coûteux à l’embauche".
La conclusion qu'en tire l'OCDE c'est que "les réformes pour assurer plus d’égalité dans le système d’éducation sont une condition indispensable pour maintenir la place de la France dans l’économie mondiale – à la frontière de la productivité et de l’innovation – et pour assurer la cohésion sociale". Or pour l'OCDE, "Les réformes actuelles vont dans la bonne direction et doivent être approfondies".
Changer la gouvernance des enseignants
L'OCDE veut donc que les réformes aillent plus loin. Son leitmotiv c'est que mettre davantage d'égalité dans le système éducatif ne nuit pas à la qualité, bien au contraire. Elle demande un renforcement des écoles de la deuxième chance, de l'apprentissage et du professionnel. L'organisation souhaite également que des enseignants expérimentés soient incités à aller en zone prioritaire. Surtout elle demande d'aller plus loin dans la réforme du métier enseignant.
"Il est fondamental que se développent des pratiques de commentaires internes aux établissements et entre collègues. La collaboration formative entre enseignants est peu développée en France en comparaison avec les autres pays participant à l’enquête OCDE-TALIS... En France, près de 8 enseignants sur 10 n’observent jamais les cours d’autres enseignants et ne leur fournissent donc aucun commentaire, alors que c’est le cas de moins de 5 enseignants sur 10, en moyenne, dans les pays de l’enquête OCDE-TALIS", note l'OCDE.
"Il en va de même pour la relation entre les chefs d’établissement et leurs enseignants. Ainsi, en moyenne OCDE-TALIS, près de la moitié (49 %) des chefs d’établissement indiquent observer fréquemment les cours des enseignants, alors qu’ils sont uniquement 8 % dans ce cas en France. Les ateliers pluridisciplinaires qui seront mis en place à la rentrée 2016 peuvent améliorer ce lien et renforcer la collaboration entre enseignants à des fins formatives. Il conviendrait donc de revoir le système d’évaluation des enseignants, et notamment de compléter les évaluations externes par un renforcement des approches d’évaluation formatives au sein des établissements". L'OCDE conclue : "Un renforcement de la fonction d’encadrement pédagogique repose sur une clarification des prérogatives des chefs d’établissement en la matière".
Angel Gurria fait aussi le lien entre la réforme du collège et les besoins économique de la France. Il souligne par exemple qu'avec les enseignements interdisciplinaires (EPI) les collégiens "vont apprendre à travailler en équipe".
Changer l'évaluation pour améliorer les pratiques des enseignants
N Vallaud Belkacem a rappelé les grandes lignes de sa politique. "Je sors d'une série d'entretiens budgétaires pas faciles pour garder la priorité à l'éducation", dit-elle. "Elle se sera". Elle rappelle la priorité donnée au primaire et les moyens "pour mieux traiter la difficulté scolaire au primaire" avec l'évaluation en Ce2 et les "plus de maitres que de classes". "Il faut améliorer les conditions de nos agents pour leur permettre de faire évoluer leurs pratiques pédagogiques", explique-t-elle.
Interrogée par le Café pédagogique sur les efforts à faire dans les zones prioritaires, la ministre rappelle la réforme de l'éducation prioritaire "pour rendre ces postes plus attractifs" grace au doublement de la prime et au temps libéré pour le travail en équipe. "Ce sont ces éléments qui renforceront l'attractivité de ces établissements. Après il y a une sorte de militantisme de certains jeunes enseignants d'aller dans ces établissements où on a besoin d'eux. Il faut aussi en appeler à l'engagement de ces enseignants", ajoute-elle.
Interrogée par le Café pédagogique sur l'évaluation des enseignants, la ministre confirme que "nous avons décidé de reprendre le travail sur l'évaluation des enseignants l'année prochaine". Le Café avait publié cette information début juillet. "On a la chance d'avoir un système qu'on peut clairement améliorer pour faire en sorte que les enseignants soient mieux épaulés, qu'il y ait une évaluation de leurs pratiques pédagogiques mais pas uniquement une évaluation couperet mais un suivi sur le long terme pour permettre que leurs pratiques professionnelles s'adaptent. C'est dans ce sens que l'on travaille ", poursuit N Vallaud Belkacem. "
Le 10 juillet, à l'OCDE, tous les regards se portaient sur l'ambassadrice du Chili. Augmentés de 20% par le gouvernement, les enseignants chiliens sont en grève depuis un mois pour protester contre la réforme de leur évaluation. Le ministre de l'éducation vient de sauter. Angel Gurria souligne le courage politique nécessaire à des réformes en éducation. "C'est ce qui nous guette tous", dit N Vallaud Belkacem en faisant allusion à l'éviction du ministre chilien. En mars 2013, Vincent Peillon recevait le soutien de l'OCDE. Un an plus tard, F Hollande le remerciait.
François Jarraud
Evaluation des enseignants : le dossier relancé à la rentrée
V Peillon reçoit le soutien de l'Ocde en mars 2013
L'étude Piaac sur les compétences des adultes
Par fjarraud , le lundi 13 juillet 2015.