Au collège Flavien, la Semaine de la presse et toutes les autres..
"La liberté d'expression ça s'apprend" affirme le slogan de la Semaine de la presse cette année. Quelques semaines après les attentats contre Charlie, la Semaine est présentée comme un barrage aux atteintes aux médias. Le 23 mars, pour l'ouverture de la Semaine, N. Vallaud Belkacem, ministre de l'Education nationale, Fleur Pellerin, ministre de la Culture, sont venues au collège Flavien, à Paris 12ème, pour rappeler tout cela. Avec deux nuances. Si l'éducation aux médias intéresse l'Education nationale c'est souvent une seule semaine par an. Surtout éduquer aux médias ne veut pas dire défendre la liberté d'expression des médias lycéens. La question semble n'intéresser personne.
Une classe média dans un collège exceptionnel
Enserré entre des barres d'immeubles, le collège Flavien est un établissement populaire. C'est un des établissements phares à Paris. En 2013 nous avions rencontré son principal, Joseph Rossetto, un chef d'établissement extraordinaire qui mène des projets culturels de haut vol avec les enfants du quartier. Au collège Flavien il y a déjà de l'accompagnement personnalisé pour les élèves les plus en difficultés, des groupes de compétences dans les disciplines les plus fondamentales, des ateliers pluridisciplinaires. C'est déjà la réforme du collège mais appliquée intelligemment par un principal qui croit en la culture. "Ce qui permet à un homme de devenir humain c'est le pouvoir de créer. Créer c'est mettre au monde", nous dit-il. Alors tous les élèves y passent, que ce soit en atelier danse, théâtre ou dans une classe média, comme cette sixième que les ministres visitent le 23 mars, une des 40 classes média de l'académie qui compte environ 200 collèges. M. Rossetto sait associer les enseignants à ses projets. Il fait venir les professeurs de l'établissement pour qu'ils rencontrent les ministres. "On travaille en équipe dans un climat apaisé. Ce sont les enseignants qui mènent ces projets. Il faut leur reconnaitre cette compétence", nous dit-il.
Comment éduquer aux médias ?
La Semaine de la presse est un des plus importants projets soutenus par l'Education nationale. Le ministère a créé le Clémi, un service spécial pour gérer la semaine et soutenir l'éducation aux médias. La Semaine revendique des statistiques soviétiques : 3,5 millions d'élève participant, 210 000 professeurs, 1 million d''exemlplaires de journaux distribués, 1945 médias partenaires.
Concrètement, au collège Flavien, Mmes Miskovsky, professeure documentaliste, et Bath M'Wom, professeure d'histoire-géographie, encadrent une quinzaine d'élèves de sixième de la classe média. Les ministres assistent à un cours très vivant sur la fabrication de l'information. A partir du récent accident argentin, Mme Miskovsky montre comment l'information fabriquée par les agences de presse est traduite dans la presse écrite. Puis c'est au tour des élèves de fabriquer leur article pour Le Petit Flavien, le journal du collège, en interrogeant et en filmant les ministres. Les élèves interrogent les ministres sur leur parcours, leur relation aux médias. Mme Bath M'Wom nous explique qu'elle réutilise en cours d'histoire-géographie des apports de la classe média. Celle-ci aide les élèves à développer des compétences en lecture. Elle vient aussi en support pour le cours d'éducation civique où l'actualité est sollicitée. En histoire, mais en 4ème, les élèves ont réalisé des articles de presse sur la Révolution française.
N Vallaud-Belkacem interroge ces élèves de 6ème sur les médias qu'ils consultent. Un des enfants mentionne déjà ses accès sur smartphone. Les autres ont accès à l'ordinateur dans des conditions variées. Pour certains tout est ouverts. Pour d'autres il y a des dispositifs de contrôle parental. Les réseaux sociaux sont utilisés mais pas tellement vus come source d'information. En fait les enfants souhaitent se protéger d'une information qui fait peur. Ainsi depuis Charlie plusieurs suivent l'actualité de plus près mais en ont peur. Ils apparaissent plus en demande de protection que d'information. Ils disent croiser les sources d'information pour vérifier la qualité des informations.
Ne pas confondre éducation aux médias et liberté d'expression
Pour N Vallaud-Belkacem, la Semaine de la presse est l'occasion de "discuter avec els élèves ce que veut dire la liberté de la presse. Faire la part de l'information et de la désinformation. Dire l'importance d'éduquer le regard des enfants , les aider à se forger une opinion". La ministre affirme veiller à ce que cette éducation aux médias soit comprise dans les futurs programmes d'éducation morale et civique et à ce que les professeurs l'introduisent dans leurs cours dans toutes les disciplines. Elle annonce un partenariat signé le jour même avec France Télévision pour créer un journal quotidien à destination des 8-12 ans et travailler à la formation des enseignants. "On développera les médias collégiens et lycéens car c'est la meilleure façon de comprendre les médias", explique-t-elle. Chaque établissement devrait avoir son blog ou son journal dès l'année prochaine.
Faut-il libérer ces nouveaux médias collégiens et lycéens de l'encadrement administratif qui les enserre comme semble l'indiquer le thème de la Semaine ? Pour la ministre, les chefs d'établissement n'exercent qu'un contrôle technique sur les médias collégiens et lycéens."Faire l'expérience d'un journal ou d'une radio au collège ou au lycée c'est extraordinaire pour s'ouvrir des horizons. C'est un premier pas pour devenir citoyen", nous répond-elle. Quelques semaines après les attentats, l'approche gouvernementale est obnubilée par la lutte contre les rumeurs et le complotisme. L'Education nationale semble pour la première fois vraiment désireuse d'éduquer au regard critique sur les médias. Défendre la liberté d'expression des collégiens et lycéens n'est pas la préoccupation du moment.
François Jarraud
Les projets du Collège Flavien
Par fjarraud , le mardi 24 mars 2015.