Faut-il renuméroter la lutte contre le harcèlement ?
Najat Vallaud-Belkacem s’est rendue vendredi 6 février au collège Pierre de Ronsard à Paris pour parler de la lutte contre le harcèlement. La ministre de l’Education n’a rien annoncé de nouveau. Mais alors que les récents attentats ont pointé le rôle d’internet dans l’endoctrinement de jeunes et la fascination pour la violence, elle en a profité pour mettre l’accent sur les dangers du web et l’importance de l’éducation au numérique dès le plus jeune âge.
La visite ministérielle, qui s’est déroulée en fin de matinée, avant donc les journaux télévisés de 13 heures, a débuté par un atelier de sensibilisation organisé par l’association e-enfance, spécialisée dans la lutte contre le cyber harcèlement. Selon la DEPP, le phénomène touche quelque 4 ,5% des collégiens – les plus affectés. Plus généralement, toujours selon la DEPP, 7% des élèves de collège sont victimes de «harcèlement sévère», 10% si l’on inclut le «harcèlement modéré». Ces chiffres sont respectivement de 5% et de 12% en primaire, dans le cycle 3. Ils chutent à 1,3% et à 3,4% au lycée.
En visite au CDI...
Assise dans le CDI du collège, non loin des collégiens de la classe de sixième réunis pour la circonstance, Najat Vallaud-Belkacem a suivi sagement toute la séance, concentrée et attentive aux réactions des élèves. «Je vais maintenant vous poser une question, explique l’animateur de l’atelier, Louise a diffusé sur son profil Facebook une photo d’elle avec son amie Amina en train de faire du roller. David l’a commentée en insultant Amina. Celle-ci porte plainte avec ses parents. Qui va être condamné ?» «David ?», hasarde une voix. «Et Louise, vous ne pensez pas qu’elle va l’être ? reprend l’animateur. Elle aurait dû réagir et supprimer le commentaire. Vous êtes toujours responsable de ce que vous publiez».
L’animateur revient sur son message principal : «vous devez bien réfléchir avant de poster quelque chose. Car une fois en ligne, vous perdez le contrôle.» Puis il interroge les élèves sur les informations personnelles qu’ils diffusent: «vous donnez votre adresse ? Votre téléphone ? Votre âge ?». Les collégiens de cet établissement paisible, dans le chic dix-septième arrondissement de Paris, ont l’air plutôt avertis et répondent par la négative.
La séance terminée, la ministre se tourne vers eux. «L’un d’entre vous a déjà été harcelé ?» demande-t-elle. Non, apparemment personne… «Et vous êtes déjà tombés sur des sites de violence ? », insiste-t-elle. Là, ça prend… Un collégien lève le bras. «Oui, monsieur ? », relance la ministre, pompeuse. L’élève raconte : «je suis tombé un jour sur un site pareil. J’ai essayé de le fermer mais ça ne marchait pas. J’ai éteint l’ordinateur puis je l’ai rallumé, mais ça revenait toujours. Alors j’ai appelé mes parents».
Amplifier la dynamique...
Najat Vallaud-Belkacem enchaîne par une table ronde consacrée au bilan des actions menées. A sa droite, le recteur de Paris François Weil. A sa gauche, Eric Debarbieux, à la tête de la délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences scolaires. Une quinzaine de personnes se trouvent aussi autour de la table: des «référents harcèlement» en poste dans les académies, des principaux qui se sont engagés dans la campagne «Ensemble contre le harcèlement », des associations intervenant sur le sujet – e-enfance, Initiadroit qui envoie des juristes dans les établissements ou encore Paris aide aux victimes -, ainsi que des parents des deux grandes fédérations, la FCPE et la PEEP.
Le principal du collège Zep Pierre Mendès-France, dans le vingtième arrondissement, Patrice Coupry, souligne combien le climat scolaire et la confiance entre les différents partenaires sont importants. «Tous les parents ont mon numéro, ils savent qu’en cas de problème, ils peuvent m’appeler, même le week-end. Je ne décrocherai pas tout de suite, mais je rappellerai dans l’heure».
La ministre écoute, prend des notes, pose des questions - elle veut par exemple savoir comment fonctionnent les nouveaux référents académiques –, et teste quelques idées. Est-ce qu’il ne faudrait pas mener une campagne de sensibilisation à l’adresse de parents ? Une Journée Harcèlement ne serait-elle pas une bonne chose ? Et si l’on mettait au point de nouveaux outils pour les familles ?
Eric Debarbieux se félicite des mesures déjà prises - «nous avons aussi un site très consulté, une page Facebook avec 40 000 abonnés» - et de la prise de conscience générale. Puis il avertit : «tout cela ne peut pas changer du journal au lendemain, avec un claquement de doigts ou avec un plan qui agirait comme une baguette magique».
Interrogée lors du point presse sur de nouvelles mesures, Najat Vallaud-Belkacem conclut, souriante face aux caméras : «Il s’agit surtout d’amplifier la dynamique. Le plus important est de ne pas laisser la loi du silence s’installer, comme cela a été pendant trop longtemps. On vit dans un monde de règles. Il ne faut pas hésiter à dénoncer ce qui est mal, en parler à des adultes».
Dans le dossier de presse, on découvre parmi les initiatives prévues en 2015 et 2016, la création d’un numéro vert à quatre chiffres, plus facile à mémoriser que l’actuel de 8, ou l’envoi d’un courrier de la ministre à tous les enseignants pour les sensibiliser.
Véronique Soulé
La ministre relance la lutte contre le harcèlement
Par fjarraud , le lundi 09 février 2015.