Le rapport du CNIRE demande la révision des missions d'inspection
Installé par George Pau-Langevin, le Conseil National de l’Innovation pour la Réussite Educative semblait déjà disparu. Son président, Didier Lapeyronnie a remis le 10 novembre son rapport à la ministre de l'éducation nationale. Chargé "d’impulser l’esprit d’innovation en matière de réussite éducative et de définir des thématiques de réflexion et proposer des orientations en matière de politique d’innovation aux ministres", le CNIRE fait 25 propositions dont la modification des missions des inspecteurs.
"L’Ecole est le lieu d’évolutions et d’innovations nombreuses et diverses. Les difficultés n’engendrent pas seulement des mécanismes régressifs ou de fermeture, mais aussi, inversement, des mécanismes d’innovation. Face aux problèmes rencontrés, portés par des convictions ou par souci pédagogique, de nombreux acteurs de l’institution travaillent à faire émerger de nouvelles pratiques, de nouvelles relations ou de nouvelles formes d’organisation. Là où les difficultés sont fortes, notamment dans l’éducation prioritaire, on observe d’ailleurs plus de créativité et plus d’innovations", explique le rapport du CNIRE. Mais c'est tout de suite pour ajouter que cela ne tient pas à l'institution. "Force est de constater la « solitude » assez grande des enseignants et des équipes qui s’y engagent", ajoute le rapport. "L’institution peut leur être hostile et nombre de ces acteurs se plaignent des entraves et des difficultés qu’ils rencontrent. Ils disent parfois être en butte à ce qu’ils considèrent comme une véritable hostilité des hiérarchies ou des autorités, comme si l’innovation qu’ils portent se faisait en partie contre l’institution. Le manque de soutien et de suivi est aussi souvent évoqué. De nombreuses équipes se plaignent de l’absence de reconnaissance, parfois même de l’hostilité ouverte et active de l’institution". Des propos qui visent notamment les cadres de l'éducation et notamment toute l'administration de l'innovation mise en place par Luc Chatel.
Pour le CNIRE, la question de la confiance se pose particulièrement dans l'éducation nationale. " L’absence de confiance est partagée par tous", ajoute le rapport. "Les hiérarchies institutionnelles n’ont guère confiance dans les acteurs et dans leurs capacités professionnelles d’innover de façon efficace, ce qu’elles manifestent par des injonctions contradictoires, souhaitant théoriquement des acteurs plus autonomes et créatifs, tout en cherchant à les contrôler et à maintenir leur pouvoir. Réciproquement, les acteurs, enseignants et équipes souffrent d’un manque de confiance, coincés entre le manque de reconnaissance et ce qu’ils jugent comme des contraintes trop lourdes (programmes, classes trop chargées, incompréhension des hiérarchies, manque de moyens, cadre trop contraignant, isolement…) empêchant tout changement. Cette absence généralisée de confiance, tant la confiance dans les autres que la confiance en soi et la confiance dans l’avenir, auxquelles on peut ajouter l’absence de confiance des familles et des usagers renforcée par le poids des idéologies, explique probablement le statu quo et le choix des pratiques habituelles « par défaut ». Le rapport lie la question de l'innovation à celle de l'école bienveillante.
Dans ses préconisations, le rapport demande une prise en compte du travail d'équipe dans les emplois du temps des enseignants, ce qui vient d'être fait pour les seuls Rep+. Il demande aussi la reconnaissance de l'engagement des enseignants innovants y compris par de la rémunération. Une bonne intention mais assez contradictoire avec les propos sur la hiérarchie tenus au début du rapport... Dans les préconisations on relèvera ainsi la volonté de " reconfigurer la mission des Inspecteurs vers le soutien aux équipes et la construction de compétences pédagogiques ainsi que vers l’évaluation des unités éducatives". Vaste chantier...
François Jarraud
Par fjarraud , le mercredi 12 novembre 2014.