Les entreprises et l'école
"Notre intention est de présenter diverses situations de cette relation Ecole - Entreprise et de nous interroger sur ce qui la fonde". Vivement sollicitée par Vincent Peillon, dans l'ombre de la nouvelle politique présidentielle, la relation école - entreprise est mise en avant par l'institution scolaire qui s'est même dotée d'un Conseil national économie éducation. C'est cette relation que le dernier numéro de la revue de l'AFAE veut explorer. Une quête qui ne se refuse pas à l'optimisme. Mais qui ne peut cacher que ces relations sont encore largement à construire...
Tout au long du numéro on visite les différents dispositifs qui contribuent aux relations écoles entreprises. Disons qu'on est dans un long plaidoyer. La revue donne la parole aux responsables (ou anciens responsables) des dispositifs. Ainsi elle présente les commissions professionnelles, les CLEE, la semaine école -entreprise, les programmes enseignants - entreprises, les mini entreprises, les ingénieurs pour l'Ecole, etc. Evidemment on obtient une vue très lisse des choses... Quelques articles plus distancés sortent du lot. Il y a celui de Robert Chapuis, ancien secrétaire d'Etat à l'enseignement professionnel qui ne se limite pas à un historique. Bernard Desclaux évoque "la méfiance éducative".
Et puis il y a la page 121. Tout un coup l'univers bien huilé bascule et le souffle de la vraie vie entre. Dans un dialogue à cinq, on apprend que "il existe peu de relations entre les entreprises et l'Ecole... Il y a des évolutions mais elles sont trop lentes". Ces propos sont tenus par le représentant du Medef , vite neutralisé par les 4 représentants de l'administration. Ce même dialogue apporte encore un bon moment quand se confrontent deux conceptions du métier de cadre entre B Fériaux , un IPR, et C Bribet , un proviseur. Le premier considère qu'il y a peu de différence entre le chef d'établissement et le chef d'entreprise. Ce que dément le second qui s'inscrit dans une institution.
Finalement ce qui échappe au numéro c'est cette réflexion critique sur les relations écoles entreprises. Non pas qu'elles ne soient pas à construire. Il y a à cela de bonnes raisons qui tiennent par exemple à certaines formations et à l'orientation. Mais il y a quand même beaucoup à dire sur le défi que représentent les stages en entreprises des 700 000 lycéens professionnels. C'est à la fois un appui et un concurrent pou rl'Ecole. En même temps quelque chose qui stabilise les élèves et les aide à construire leur projet et quelque chose qui peut les faire partir. Trouver le bon partenariat entre les deux univers demande une sérieuse construction des deux cotés. Il y a aussi la question des stages de troisième qui concernent un nombre aussi important d'élèves chaque année. Là aussi à coté de réalisations remarquables de certains collèges et de véritables implications d 'entreprises on a souvent toutes les difficultés à construire des stages utiles. On a beau dire que dans le parcours d'information, d'orientation et de découverte des métiers créé par la loi d'orientation ces stages et ces relations devront se banaliser, cela reste un véritable défi pour l'Ecole. C'en est un aussi pour les entreprises dont on connait aussi les réticences et les refus de certains élèves. La vision un peu officielle du numéro survole ces dimensions. Et c'est dommage. De même la vision régionale est écartée alors que la régionalisation de la formation professionnelle, celle des cartes de formation sont au coeur de ce rapprochement entre l'école et l'entreprise. Finalement entre ce niveau régional par en haut et celui du parcours des métiers et des stages par en bas, le numéro navigue en eaux trop tranquilles.
François Jarraud
Les entreprises et l'école, revue Administration & éducation, n°141 (2014-1), AFAE.
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Par fjarraud , le vendredi 18 avril 2014.