France Stratégie invite à dépenser plus et autrement pour l'Ecole
" La France investit moins dans l’éducation que les pays qui font mieux qu’elle.., notamment en ce qui concerne la scolarité primaire et préprimaire. De même, au niveau du supérieur, l’effort financier demeure en dessous des pays les plus performants. Mais un effort pécuniaire supplémentaire pour l’éducation ne saurait améliorer nos résultats sans une évolution des contenus et des modalités de l’enseignement, tout comme de l’organisation et de la gouvernance du système éducatif". Quelques jours après les Journées de la refondation, France Stratégie, un organisme officiel placé auprès du Premier ministre, publie une étude qui invite à financer davantage et à gouverner autrement l'éducation. Les premiers bénéficiaires ne seraient pourtant pas le primaire mais le supérieur dont le budget doublerait...
C'est un constat bien sombre que dresse ce service du premier ministre sur l'Ecole. Un peu comme si, entre 2012 et 2016, pas grand chose ne s'était passé en éducation. Un constat qui ressemble à ce qui s'écrivait au début d'un quinquennat : une école où on n'investit pas assez, où les inégalités se creusent et où la pédagogie n'est pas adaptée au monde de demain. L'étude d'ailleurs utilise largement les données de Pisa 2012.
Dépenser autrement
" La dépense totale (publique et privée) consacrée par la France au financement des établissements d’enseignement – 5,3 % du PIB en 2012 – la situe dans la moyenne des pays de l’OCDE, mais assez loin des niveaux atteints notamment par la Corée, les États-Unis, la Norvège ou la Nouvelle-Zélande (plus de 6,3 %). La France reste dans la moyenne mais significativement derrière les meilleurs si l’on tient compte du nombre d’élèves et du niveau de richesse par habitant des pays : les dépenses d’éducation par élève et par étudiant représentent en France 28 % du PIB par habitant, contre 27 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Elle se distingue en outre par un sous-investissement important dans le préprimaire et le primaire, alors qu’elle est dans la moyenne pour le collège et le supérieur, et très au-dessus de la moyenne pour le lycée", écrit France Stratégie.
L'étude invite donc à invertir massivement dans le système éducatif. Elle préconise d'augmenter de 30 milliards la dépense éducative. Mais en privilégiant le supérieur (11 milliards soit un doublement) et en ne consacrant que 7 milliards pour le pré scolaire et 10 pour le scolaire. Pour financer cela , le rapport invite à une "réallocation" des moyens aux dépens du lycée trop couteux.
Gouverner autrement
Le second axe du rapport porte sur la gouvernance. " Le système éducatif français, qui reste, parmi les pays de grande taille, un exemple extrême de centralisation, éprouve également de grandes difficultés à décliner les orientations nationales au niveau local. Les différentes étapes de décentralisation ont parfois amené à disperser les responsabilités de manière incohérente entre les acteurs", écrit le rapport. " Les établissements secondaires, censés bâtir des projets singuliers, disposent dans les faits de très peu de marges d’autonomie".
Cela concerne aussi le travail enseignant. " Une troisième difficulté réside probablement dans l’organisation du travail des enseignants. Selon l’enquête TALIS, en 2013, les enseignants français travaillent de manière très individuelle (78 % disent ne jamais observer le travail de leurs collègues en classe, contre 45 % en moyenne dans l’OCDE) et utilisent peu les méthodes pédagogiques dites « actives » ou une pédagogie différenciée selon le niveau des élèves (22 % contre 44 % en moyenne)".
Pour l'étude, la solution serait dans un nouveau partage des pouvoirs et une autonomie accrue des établissements. "La mauvaise articulation entre les responsabilités centrales et locales appelle à concentrer chaque domaine de compétences entre les mains d’un acteur. Faut-il déléguer plus de responsabilités aux collectivités territoriales ? Faut-il, à l’inverse, recentraliser certaines compétences ? Faut-il aller plus loin dans l’autonomie accordée aux établissements ? En faveur des chefs d’établissement ? des équipes pédagogiques ? Sur quels champs doit porter cette autonomie (organisation pédagogique, contenus de l’enseignement, recrutement du personnel enseignant et de direction…) ?
De vraies questions ?
Cette réflexion sur la gouvernance irrigue déjà les débats sur l'Ecole. C'est à la fois la gouvernance locale des établissements et celle issue de la décentralisation qui seraient affectés. La tendance vers une autonomie élargie des établissements est déjà présente dans les projets ministériels (le collège par ex.) mais sans réforme de la direction d'établissements qui serait pourtant, selon l'OCDE, un levier nécessaire au changement. Le partage des rôles issu de la décentralisation conduit à un enchevêtrement de compétences qui encourage l'immobilisme et amène à un gaspillage de moyens. Dans les deux cas on reste figé sur un compromis historique peut-être inébranlable.
La réflexion sur les moyens est plus originale. Pas tant sur la réallocation des moyens, qui supposerait un autre projet pédagogique pour le lycée, que sur leur augmentation. A la fin d'un quinquennat qui a fait de l'Ecole sa priorité, un service du Premier ministre appelle à dépenser davantage. Il pose aussi la question de la durée du changement en éducation. On a là un paradoxe qui renvoie aux questions du début du quinquennat. Fallait -il dépenser plus ou mieux ? Pour France Stratégie c'est plus et mieux. Et cela pourrait relancer le débat sur l'Ecole.
François Jarraud
Par fjarraud , le mardi 10 mai 2016.