LES TPE DANS LA LIGNE DE MIRE ?
2000
Les Travaux Personnels Encadrés sont progressivement mis en place au lycée. Il s’agit de travaux de recherches pluridisciplinaires menés par des groupes d’élèves sur un sujet qu’ils déterminent à partir de thèmes nationaux. L’innovation, majeure dans un système éducatif alors encore dominé par les cours magistraux, cherche à rendre les élèves plus autonomes dans la construction de leurs savoirs et de leurs savoir-faire, à favoriser la créativité et le travail en équipe, à donner plus de sens à l’apprentissage en libérant l’école des cloisonnements disciplinaires.
2005
Le Ministère de l’Education nationale, par souci d’économie et/ou par idéologie, supprime les TPE en terminale. Un mouvement lycéen de grande envergure réclame leur maintien. En vain. Les TPE sont désormais réservés aux élèves de première : préparés en un seul semestre sur des séances hebdomadaires de 2 heures, ils donnent lieu sur ce seul essai à une note comptant pour le baccalauréat.
2011
Le 30 juin, un B.O vient opérer le toilettage annuel des thèmes nationaux et rappeler les grands principes du dispositif. On y trouve en particulier cette phrase sur l'organisation horaire : "Pour assurer cet enseignement, les établissements disposent d'une heure-année (2 heures-élèves inscrites dans l'emploi du temps de la classe pendant la durée du TPE équivalant à 2 heures-professeur semestrielles par division)". Passage sibyllin que les exégètes de la prose ministérielle sont parvenus à déchiffrer ainsi : les 2 heures de TPE hebdomadaires qui ont lieu sur la moitié de l'année ne représentent désormais plus une heure-année dans le service d'un enseignant, mais une demi-heure ! Magnifique tour d’escamotage linguistique et comptable, qui aboutit à une nouvelle dégradation des conditions de travail et/ou de rémunération des enseignants.
Et la suite ?
Autant dire que ce changement, annoncé en catimini en fin d'année scolaire et formulé en langage trop technocratique pour être compris du commun des mortels, ne peut avoir à terme qu’un effet dissuasif sur l'investissement des professeurs dans un dispositif essentiel, qui déjà supposait d’eux une adhésion à une pédagogie constructiviste, un renoncement à la transmission frontale, aux ancrages disciplinaires, à la posture du maître. Autant dire qu'il y a de quoi s'inquiéter sur la pérennité des TPE au lycée, d'autant plus qu'un passage du B.O. un peu plus loin semble en faire l'éloge pour mieux en diluer la singularité et l'importance : "les TPE sont une des activités" ouvrant sur "la pluridisciplinarité" = une activité parmi d’autres, comme l'Accompagnement Personnalisé ? = à terme une simple modalité possible de l'Accompagnement Personnalisé ?
Un fait révélateur ?
Le B.O. évoqué laisse songeur sur la relation entre le Ministère et les enseignants : les décisions ne peuvent-elles être annoncées et exprimées clairement ? est-il vraiment nécessaire de dégrader encore un peu le travail des professeurs ? les enseignants innovants au lycée sont-ils à accabler ou à soutenir ? ... Le choix opéré est sans doute aussi éclairant : les jolis mots du discours officiel (« personnaliser », « responsabiliser », « ouvrir » …) ne semblent plus là que pour masquer la réalité d’une politique qui recherche avant tout les économies budgétaires et qui peu à peu expulse de l’école les pédagogies actives : les réductions horaires, les alourdissements de programmes, les augmentations d’effectifs, les regroupements de séries … rendent leur mise en œuvre de plus en plus difficile à l’intérieur des cours eux-mêmes ; elles sont désormais parquées dans des « réserves » telles que les heures d’Accompagnement Personnalisé ou celles de TPE, dispositifs qui sont menacés par les moyens alloués aux établissements et dont la précarité apparaît chaque jour de plus en plus évidente.
Jean-Michel Le Baut
Bulletin officiel n°26 du 30 juin 2011 :
http://www.education.gouv.fr/cid56642/mene1116130n.html
Par fjarraud , le vendredi 16 septembre 2011.