L'accompagnement, au coeur de la réflexion du CRAP
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Pour le CRAP, l'idée de l'accompagnement n'est pas neuve : "nous militons pour une conception large du métier d'enseignant, pour que l'école soit son propre recours et que la pédagogie soit ouverte. Nous savons que l'aide se passe dans et hors la classe, avec un double risque : dédouanner l'écol ou mettre à l'écart. L'aide serait alors un pansement qui empêche de se poser la question de la différenciation dans la classe."
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Il signale l'appel de Bobigny qui invite à construire un projet éducatif cohérent pour 2012, dont le colloque peut être une contribution.
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Mais pour J. Houssaye, ce modèle a ses limites, devant lesquelles on va tenter d'organiser du "soutien" pour gérer l'hétérogénéité de fait. Lorsque le ministre Haby impose la supression des filières, il faut installer des dispositifs pour reprendre les apprentissages de base et permettre aux "élèves faibles de rattraper les autres". Mais pour J. Houssaye, "le soutien est davantage du côté des didacticiens que des pédagogues, et est une pédagogie de bonne conscience". Il lui reproche donc d'être appréciée par les enseignants au nom du fait qu'elle permet de penser "avoir fait quelque chose" tout en maitenant les habitudes et l'ordre ancien".
Mais quelle différence entre le soutien contre la pédagogie différenciée ? S'il concède que la pédagogie "de soutien" témoigne de la bonne volonté, Houssaye lui reproche de ne pas permettre de s'attaquer au modèle simultané de l'ordre scolaire. "C'est d'autant plus vrai que la pédagogie différenciée est morte. Legrand, Savary et Meirieu n'ont récolté que le soutien, alors que leur approche différenciée faisait la synthèse entre la pédagogie nouvelle, de la pédagogie par objectif ou de maîtrise. La gestion de l'hétérogénéité est renvoyée à l'extérieur".
"On ne change pas les choses en les aménageant, conclut Houssaye par une profession de foi, appelant à "faire rupture pour changer vraiment".
Mille-feuille ou action concertée des aides et des accompagnements ?Coordinatrice du récent dossier numérique publié sur ce thème par les CRAP, Sylvie Grau ouvre la table-ronde en questionnant la posture de surplomb de l'enseignant, pour inviter à l'à-côté, au conseil, à "tenir la boussole pour aider choisir sa route". Pour elle, bienveillance, croyance en l'éducabilité pédagogie se conjuguent avec pédagogie du détour et travail d'équipe.
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Alors, aménager ou faire rupture ? C'est la question que se pose Nicole Priou en introduisant la table-ronde de l'après-midi. Encore faut-il, explique-t-elle, identifier dans le détail ce qui est en jeu.Mina Puustinem et le système finlandais : "une détection précoce et des moyens importants"Dans le système finlandais, très décentralisé bien que le pays ne compte que cinq millions d'habitants, la scolarité obligatoire commence à sept ans. Le principe fondamental, au cours du cursus, est "d'assurer des chances égales pour tous" dans cette école fondamentale instaurée dans les années 1970, gratuite jusqu'aux repas et aux transports, avec une politique d'intégration du handicap très poussée, et une mobilisation aussi précoce que possible pour assurer le dépistage des difficultés et l'accompagnement. La médecine précoce y joue son rôle, pour les aspects biologiques et psychomoteurs, avec un examen obligatoire à cinq ans. Les enseignants sont recrutés sur un concours très sélectif, avant un cursus de cinq ans articulant connaissances disciplinaires et didactiques, mais aussi en psychologie sociale ou dans l'expérience de travail en réseau. Dans l'école, le rôle des enseignants spécialisés est important : on compte un poste pour deux cents élèves en moyenne. Leur collaboration avec les enseignants est prévue dans l'emploi du temps, et leur présence dans la classe fréquente. La flexibilité est la règle, en particulier depuis les réformes de l'ère post-soviétique (années 90) André Ouzoulias : "il va falloir beaucoup d'énergie pour en faire quelque chose d'utile"
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Cependant, pour en faire un moment utile, A. Ouzoulias pose plusieurs conditions :
- favoriser le travail commun et la formation, la diffusion des savoirs de la recherche, pour favoriser la rétroaction du maître spécialisé vers la classe
- être contraignant dans l'organisation des groupes selon des besoins d'apprentissage identifiés, sur des compétences cruciales en matière d'apprentissage, faute de ne pouvoir être opérationnel sur un temps aussi court, contraindre à ce qu'un même élève ne participe pas à plus de deux groupes, ni deux groupes consécutifs
- construire des activités stimulantes en matière d'apprentissage, qui nécessitent spécifiquement de travailler en petit groupe (atelier d'écriture, mais aussi travail sur la théorie de l'esprit ou l'orthographe)
"Ce qui me semble certain, c'est qu'il va falloir beaucoup d'énergie collective pour arriver à celà dans les années qui viennent..." conclut-il.
Agnès Paon : jouer sur tous les tableaux.
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La première action a été de construire un accueil des élèves un peu différent, mais aussi de masser les moyens disponibles en direction des élèves de seconde. Ont été organisées des activités de méthodologie, mais aussi sur le champ culturel. On a essayé de susciter des temps collectifs de travail pour lutter contre le découragement des enseignants et les activités chronophages, de dépasser le charisme pour outiller les élèves et les enseignants, rendre les progressions et les évaluations lisibles pour des élèves qui ont un long parcours d'attentes déçues derrière eux. "Nombreux sont ceux qui ont déjà eu beaucoup d'aide, et qui n'en n'attendent plus rien".
Sa posture de chef d'établissement a aussi été questionnée. Malgré sa position de tribune, elle ne tombe pas dans la langue de bois : "J'ai du aussi renoncer à quelques idées initiales pour mobiliser les enseignants et levers les crispations, pour rester ensemble éveillés et avoir envie de faire ensemble..."
Renoncer à l'idéal, c'est toujours un bout de chemin difficile à faire...
Jean-Michel Zakhartchouk : "Des marges, malgré tout..."
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Certes, dans une période de restriction de moyens, l'accompagnement peut apparaître comme une solution miracle, alors qu'on abandonne les dispositifs précédents sans en faire de bilan. Certes, les élèves qui vont à l'accompagnement éducatif ne sont pas toujours ceux qui en ont le plus besoin, et on aide surtout ceux "qui en veulent". Certes, l'oubli de la formation des personnels et des accompagnateurs montre bien les lacunes dans les conceptions des politiques sur la difficulté de l'aide ou de l'accompagnement : accompagner ne se résume pas à répéter...
"Je suis impressionnée par ce constat unanime d'abandon des équipes par le pilotage, alors que des équipes se retroussent les manches pour inventer, et que c'est là que ça marche" intervient une participante. C'est vrai que si tout est réuni, ça peut marcher. "Mais ça n'exclut pas la lucidité" conclut Ouzoulias. N'oublions pas que différencier, c'est déjà accepter l'idée qu'on ait déjà eu des difficultés à trouver des situations d'apprentissages efficaces pour tous, mobilisant les ressources intellectuelles dont tous sont capables."
"Palliatif, pansements, béquilles, mais aussi moteur ou levier", pointe l'animatrice, synthétique.
Fin de séquence, place aux ateliers pour pouvoir se parler un peu plus. Et à demain, si vous le voulez bien.
L'Ecole et les familles, quelles pistes ?
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Mais toutes les familles, même celles qui sont les plus en difficulté, savent que l'Ecole est la seule voie de la réussite sociale. Balayant le reproche de "démission famiale", il invite les enseignants à renforcer les systèmes de médiation pour apaiser les établissements, mais aussi à mieux associer les familles aux projets pédagogiques. "Les familles ont des rendez-vous douloureux avec l'école, notamment au moment de l'orientation, quand ils ne comprennent pas que leur enfant soit orienté contre son gré vers des filières de relégation".
Il conclut avec la pression du contexte économique, quand les parents focalisent leur attention sur les notes, prédictives de la réussite, sans forcément tenir compte des appréciations. Ils sont tiraillés entre la sanctuarisation de l'établissement et l'autonomie grandissante de leurs enfants. Et le travail scolaire est toujours un problème : entre les maîtresses qui ne donnent pas de devoirs, et ceux qui en donnent trop, la liberté pédagogique pose question sur la "norme juste" et le "bon enseignant"...
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"Accompagner, est-ce seulement réparer ?"
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La salle bout et les mains se lèvent pour des témoignages qui rendent compte du kaléidoscope des points de vue : "Justement, dit la salle, ne faut-il pas demander la transformation du métier d'enseignant, ne plus en faire un clerc, mais un passeur ?" "Ca fait longtemps qu'on ne compte pas nos heures d'accompagnement, réagit une directrice de maternelle. C'est vrai que nos pratiques pédagogiques ne sont pas assez interrogées, que le lien avec la recherche est très distendu, voire rejeté du terrain". Thierry Cadart, du SGEN-CFDT, craint le piège d'une vision tayloriste de l'enfant : "un coup de savoir, un coup de confiance en soi, un coup de qualité de vie"... Pour aller au-delà, "il faut que chaque acteur soit davantage sûr de son propre geste professionnel, ce qui évidemment est d'autant plus difficile que les métiers sont mis en danger". Il fait un plaidoyer pour le socle commun, "outil pour lutter contre la sélection et le marché de l'angoisse". "Mais Kalidja, une de mes élèves, a beaucoup d'intervenants et de lieux d'aide, réagit une autre enseignante qui fait référence au "mille-feuille des dispositifs". Le souci principal me semble être le manque de coordination".
Françoise Clerc : "Les processus nous aident plus que les résultats"
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Néanmoins, elle veut pointer le "changement de paradigme", au-delà de la mode et des tics de langage. Si on met bout à bout compétences, parcours et accompagnement, on peut arriver à une rupture du même type que celle de la pédagogie différenciée des années 60. C'est l'attention portée sur les processus qui mènent au résultat.
En passant du résultat au processus, on se recentre sur la différence entre ce qu'est un enfant et ce qu'il produit. "Nous ne connaissons pas les compétences, nous nous contentons d'en inférer une hypothèse à partir du travail rendu". Il est donc fructueux de s'intéresser aux processus, aux parcours, pour oser quelques doutes sur nos certitudes.
50 ans après, on ne peut plus penser avec les mêmes outils que ceux de la "pédagogie différenciée". Elle est peut-être morte du fait qu'on ait voulu la faire fonctionner "toutes choses égales par ailleurs". Or, on ne peut injoncter le changement, il faut organiser un milieu adéquat pour permettre des déplacements.
"Je vais vous choquer, mais je vais prendre parti : l'accompagnement ne peut pas s'identifier à l'aide aux enfants "en difficulté". Il s'adresse à tous les élèves dans des buts semblables et des modalités différentes. Penser avec la dichotomie qui sépare les bons élèves des mauvais me semble contreproductif." assène-t-elle.
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La socialisation des apprentissages est nécessaire, l'interrogation sur les situations didactiques, les compétences "prescrites" et les compétences "réelles". L'apprentissage n'est ni privé ni intime : "Les élèves ne savent pas utiliser le professeur, car ils ont bien peu de connaissance sur ce qui leur serait nécessaire"... Il faut aussi évaluer selon les progrès davantage que sur les résultats.
L'accompagnement relève de plusieurs domaines, et ne se réduit à aucun : soutien, approfondissement, tutorat, "méthodologie" apparaissent souvent sans qu'on n'ait beaucoup réfléchi à ce qui se joue derrière les mots. On a de multiples possibilités pour réaliser l'accompagnement, et on ne peut pas tout faire. Il appartient donc aux établissements d'établir des priorités en fonction des ressources et des contextes locaux, dans une "politique" cohérente dans l'établissement, en associant en profondeur les élèves à ce qui est à construire. L'exhortation ne sert à rien, surtout si on ne déscend pas dans le détail de l'activité, de ce qu'il y a à faire pour apprendre.
"Nous sommes des adultes, et le côte-à-côte n'est pas le fonctionnement permanent de l'école. On n'est pas "entre pairs". "Plus que le changement de posture professionnelle, c'est l'alternance de posture qui est dificile à construire pour l'enseignant".
Un des problèmes à régler est donc l'articulation entre des politiques nationales qui laissent le temps nécessaire au travail en confiance des enseignants et se coordonnent, tout en donnant les moyens au niveau local de tisser les liens nécessaires pour construire leur projet, dans et autour des établissements, en complémentarité. Comme cela a été dit, l'Ecole n'a pas vocation à s'occuper de tout, et le travail avec les parents est toujours positif, parce qu'il donne confiance et modifie les pratiques des uns et de autres.
Elle conclut avec une mention particulière sur un absent des deux jours : l'orientation. La modularité des parcours, des semestres, des années est encore un rendez-vous manqué de l'éducation en France. Plus que de "socle", elle rappelle son besoin d''Ecole fondamentale", et pointe l'obstacle des cursus hachés par le manque de "cycles d'apprentissage" qui dépassent l'année scolaire. La forme scolaire n'est pas que la classe, mais aussi la croyance que l'âge est strictement corrélé avec la zone potentielle d'apprentissage. Cette réforme reste à construire.
Applaudissement nourris. L'écoute a été saisissante.
Par , le mercredi 27 octobre 2010.