Colloque AECSE : Quel avenir pour les sciences de l'éducation ?
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On a beau n'avoir que quarante ans, on ne se rappelle pas forcément tout. Une première table-ronde, composée de Nassera Hedjerassi, Françoise Laot, Marie-Clotilde Pirot et Pascale Ponté, présente donc quelques traces d'histoire. Selon elles, l'émergence des sciences de l'éducation est directement liée avec une certaine institutionnalisation de "l'éducation nouvelle", dans les années 1950, avec par exemple la création du laboratoire de Psychopédagogie de l'ENS St Cloud par Gaston Mialaret, l'Institut pédagogique national (IPN, 1956) ancêtre de l'INRP, ou l'Institut de formation des adultes (Bertrand Schwartz, 1963). Dans les années 50, les première rencontres internationales ont lieu pour définir les méthodologies de recherche et de recueil de données d'une "psychopédagogie expérimentale".
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Une association de chercheurs en sciences de l'éducation, à quoi ça sert ?
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"Dans les années 80, nous nous sentions fragiles et menacés." poursuit Michèle Guigue. Cette crainte lui parait dépassée, si on regarde les effectifs universitaires, mais réelle quand on observe les réorganisations universitaires en marche avec les PRES. "Notre pouvoir est limité, mais nous pouvons créer des carrefours entre disciplines, filières de formation et institutions en tensions. Encore faut-il que nous sachions mieux ce que nous avons en commun...". Gaston Mialaret se rappelle des questions qu'il posait au ministère sur les débouchés des filières "Sciences de l'Education", auxquelles il n'a jamais eu de réponse, et la vieille question qu'il a toujours eu à traiter : les sciences d'éducation ne sont-elles qu'un carrefour entre différentes disciplines, ou ont-elles un coeur en commun ? "Ne pas être monodisciplinaire, par les temps qui courent, me semble être un atout" reprend-on à la tribune. "Nous avons aujourd'hui des nouvelles générations qui s'appuient sur des connaissances spécifiques, explique R. Wittorski à partir de son parcours personnel. "Peut-être ne savons-nous pas encore le rendre très visible ?"
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Même s'il n'est pas sur le même champ de travail, Alain Kiyindou raconte à quel point son association, qui rassemble les professionnels français des sciences de l'information et de la communication (InfoCom), se pose les mêmes questions : "comme vous, nous ne savons pas tout à fait comment on doit appeler les enseignants de notre disciplinie, et nous nous posons la question de définir notre spécificité disciplinaire, au-delà de notre position de carrefour. Comme vous, notre discipline et nos recherches évoluent au fur et à mesure des évolutions de société. Nous avons donc sans doute à gagner à nouer des alliances". Un ange passe dans la salle, de cette proximité entre InfoCom et sciences de l'Education. Les anciens auraient-ils apprécié ce rapprochement ? Qu'on s'en réjouisse ou qu'on s'en émeuve, une coincidence troublante : c'est justement un spécialiste de la communication, Yves Winkin, qui vient de rédiger pour le ministère le rapport qui prévoit la dissolution de l'INRP dans l'ENS, et qui invite fortement les chercheurs en éducation à "s'extravertir" et à trouver les ressorts du "bonheur à l'école"...
Ingrid Gogolin conclut la matinée, de son point de vue de responsable d'institutions internationales de chercheurs en éducation. Elle invite à dépasser les interrogations identitaires pour être en mesure d'affronter la complexité du monde. L'investissement dans l'accompagnement des jeunes chercheurs en est un aspect important, de même que l'internationalisation du champ de recherche. "Nous devons communiquer avec l'extérieur, répondre mieux aux questions qu'on nous pose lorsqu'on interroge la qualité de nos recherches, nous n'existons pas que pour nous !".
Et demain ? ![tab](https://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/PublishingImages/AECSE/tabRond3.jpg)
Comment s'articulent les instances et les acteurs ? Qui peut être un interlocuteur crédible pour les pouvoirs publics ? Ce sont les questions posées par Patricia Remoussenard au nom de l'association, aux invités de la table-ronde de l'après-midi.![tab](https://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/PublishingImages/AECSE/tabRond3.jpg)
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Cela doit, pense-t-il, conduire à des stratégies de "double-reconnaissance", sur le terrain scientifique comme sur le terrain professionnel. Il martèle : "Conduisons des travaux scientifiques sur des questions qui soient des enjeux sociaux, et nous serons reconnus". Exigence de qualité ne veut pas dire académisation : "Beaucoup trop de nos travaux ont un statut epistémologique ambigu. Distinguons davantage ce qui vise à comprendre les pratiques et ce qui vise à les modifier !" provoque-t-il. "Il faut certes produire des savoirs, mas aussi produire des outils générateurs de savoirs". Il est normal que nos objets scientifiques soient construits culturellement, mais cela n'est pas une raison pour que nous refusions de nous confronter aux anglo-saxons ou aux allemands."
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Il conclut avec une belle métaphore : "Contrairement à un champ électrique à la polarité simple, le champ des sciences de l'éducation est multipolaire et fragmenté. C'est structurant si l'un n'ignore pas l'autre, si on repère bien ce qu'on fait et ce qu'on ne fait pas". Les grandes mutations ouvrent des questions nouvelles, qui peuvent modifier les positionnements des équipes de recherche. L'AECSE peut-être le lieu d'analyse des questions nouvelles : "ainsi, Pisa nous montre que les résultats de nos élèves en sciences sont médiocres, malgré l'avancée de nos recherches en didactique des sciences. Sans doute avons-nous à traiter de nouvelles questions pour comprendre pourquoi nous n'arrivons pas à donner une culture scientifique de base à tous".
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C'est pourquoi la conférence des directeurs d'IUFM appelle à reposer la question d'un grand organisme de recherche pilotant le champ, "pour ne pas refaire dans dix ans le bilan du discrédit sur nos disciplines". Pour y contribuer, la CDIUFM a décidé de se doter d'une commission scientifique pouvant permettre d'y travailler.
La journée a vite passé, et les appels à mieux organiser le champ de la recherche en éducation ont donc été multiples, même s'ils sont restés dans le ton feutré et poli qui sied à tout échange entre universitaires... Effet de tribunes ou véritable préoccupation qui va diffuser dans les nombreux laboratoires dont l'AECSE est en train de finir la cartographie et les spécialités ? En tout cas, les débats de la journée ont largement repris les questions que posait il y a quelques mois David Bridges à la clôture de la session genevoise de l'AREF : "«Notre discipline est caractérisée par une prolifération de paradigmes qui en fait un domaine dans lequel il n’existe que peu de consensus quant à ce que sont la recherche et la science et ce à quoi elles devraient ressembler» disait-il. Les chercheurs en éducation ont-ils les moyens et l'envie de s'y attaquer ? Un sacré chantier pour les quarante ans à veniir, et la future direction de l'AECSE.
Le site de l'AECSE
http://www.aecse.net/
Par MBrun , le lundi 13 décembre 2010.