Partie III : Comment généraliser le cahier de textes électroniques ? - Des freins sociologiques à surmonter
Ludovic Peugeot
L’ouverture du microcosme de la classe sur l’extérieur
Le microcosme de la classe
A l’origine, l’enseignant avait une liberté totale dans le contenu des cours qu’il pouvait prodiguer durant ses cours. L’ensemble de ce qui se passait dans le microcosme de la classe n’en sortait pas. Les parents avaient d’ailleurs une confiance totale dans le corps enseignant.
Il faut noter que cette confiance ne s’est jamais altérée et que la volonté des parents de connaître le contenu des cours est plus motivée par la possibilité offerte de suivre de plus près la scolarité de leurs enfants et ainsi de les aider que de vérifier que l’enseignant effectue correctement sa tâche.
La volonté de transparence du gouvernement
La situation a néanmoins évolué depuis. L’instauration d’un certain nombre de règles a permis au gouvernement de s’immiscer dans ce microcosme. La mise en place des programmes notamment a obligé les enseignants à adapter leurs cours à un rythme et un contenu édicté par le ministère.
Le cahier de texte papier à son instauration a permis de laisser une première trace de ce qui se faisait durant la classe, ce qui constituait déjà une grosse évolution. Néanmoins, sa faible consultation par des personnes tierces et notamment les parents n’a que très peu changé les coutumes en place.
Le cahier de texte électronique ouvre les cours sur l’extérieur
Aujourd’hui, le cahier de texte papier est consultable par les parents mais au sein de l’établissement. Les enquêtes du ministère montrent que cela relève de faits très occasionnels voire rarissimes.
Le cahier de texte électronique améliore cette accessibilité puisque les parents pourront le consulter de leur domicile s’ils possèdent une connexion Internet. Les solutions déjà en place montrent que le taux de consultation des parents est non négligeable. Le cahier de texte électronique peut donc être considéré comme une vraie ouverture du contenu du cours aux parents.
En conséquence, cette nouveauté fait lever certaines peurs chez les enseignants et les chefs d’établissement que le paragraphe suivant se propose d’évoquer.
Les peurs des enseignants et des chefs d’établissement
Le problème de la mauvaise interprétation
Lors de la rédaction de ce rapport, des administrateurs et des enseignants utilisateurs ont été sollicités pour répondre à un certain nombre de questions sur le cahier de texte électronique. Ces questions portaient notamment sur les craintes qu’ils pouvaient avoir liées à son utilisation.
La principale crainte concerne une mauvaise interprétation qui pourrait être faite du contenu du cahier de texte. Le problème est le suivant : quelques lignes voire quelques pages sur un site ne dévoileront jamais tout ce qui peut se passer dans la classe. Un certain nombre de choses seront ainsi implicites ou même non évoquées car n’apportant rien d’un point de vue informel. Les enseignants et donc les chefs d’établissement en tant que premiers destinataires des plaintes parentales craignent ainsi que les parents d’une part s’attendent à découvrir tout ce qui se passe en classe, et d’autre part ne trouvant pas toutes ces informations cherchent à interpréter ce qui est inscrit poussant à de mauvaises interprétations dans certains cas.
Le cahier de texte pièce à conviction
Conséquence de cela, le cahier de texte électronique pourrait servir de « pièce à conviction » pour les parents afin d’argumenter leurs plaintes. Et c’est là que les enseignants y voient une possibilité de dérive.
Concrètement, un enseignant pourrait être accusé de ne pas terminer son programme une année d’examens en se basant sur le fait que le cahier de texte indique qu’il n’a pas traité une partie du programme. Mais cela omettrait qu’il a peut-être dû choisir entre terminer le programme sans que ses élèves n’aient réellement pu s’approprier les cours et faire 80% du programme avec des élèves qui seront capables de traiter du sujet à l’examen.
Il faut noter que dans les expériences de cahiers de texte déjà en place, l’ensemble des acteurs sondés ont révélé que le cas ne s’était pas présenté pour l’instant.
Le cahier de texte utilisé par l’Inspection Générale ?
Autre point encore flou sur lequel les enseignants ont besoins d’être informé : qui va vraiment avoir accès au cahier de texte électronique ? Plus précisément, outre les parents voire le chef d’établissement, l’Inspection Générale a-t-elle l’intention de s’en servir pour par exemple mener une inspection sur un enseignant ? Pourrait-elle utiliser le contenu du cahier de texte comme pièce à charge dans le dossier ? Là encore, de nombreuses craintes existent quant à une mauvaise interprétation du contenu du cahier.
Les enseignants lorsqu’ils sont inspectés doivent aujourd’hui remettre le cahier de texte papier à l’inspecteur. Il paraîtrait donc logique qu’il en soit de même pour le cahier de texte électronique. En revanche, le cahier de texte électronique offre la possibilité d’être visualisé hors inspections : l’Inspection Générale compte-t-elle s’en servir ? Les « règles du jeu » sont donc à définir en amont de cette mise en place.
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Par fgiroud , le jeudi 02 octobre 2008.